La note de l'écrivain

Le rêve c'est bien, mais la réalité est plus nuancée, plus complexe, terreau du meilleur parfois du pire. L'histoire humaine est jalonnée de rêves aux allures de cauchemars..

Le voyage que notre famille entreprend permet sans nul doute d'être témoins privilégiés de faits souvent ignorés ou mal évalués. Quand on vit, comme le plus grand nombre, abrité par quatre murs et un toit, on a parfois peur mais on suppose que le danger ne passera pas la porte, préférant regarder par la lorgnette (le petit écran) ce qui se passe au-dehors. Le danger n'est pourtant pas dans la réalité, mais dans le fait de ne pas vouloir la voir, où d' en nier une partie, car elle n'est ni bonne ni mauvaise, elle est ce qu'elle est.

Notre gazette s'invite dans vos boudoirs chaleureux, petit moment de pause, réflexions, idées, impulsions et initiatives pour que résolument attentifs, nous nous souvenions que notre humanité tient dans notre faculté à rêver et notre capacité à transformer nos rêves en réalité. Pour le meilleur et le meilleur!

vendredi 23 novembre 2012

Circulez... Y'a rien à voir!


Revenant d'un séjour en Belgique pour des raisons familiales, éprouvés et fatigués mais, heureux de retrouver notre rythme, notre travail et nos préoccupations quotidiennes, nous nous préparions à répéter notre spectacle en vue d' un contrat important durant la période de Noël dans les Pyrénées Orientales.

Xavier avait longuement travaillé à la négociation de ce contrat, et voilà que déçus, nous apprenions sur le chemin du retour, à trois semaines du contrat (toujours pas signé), que celui-ci serait purement et simplement annulé !

Quels sont ces gens qui entretiennent souvent inconsciemment le mythe concernant « l'artiste » ?

Car tout le monde le sait : L'artiste est une espèce rare, un humain (quoi que?) qui se passe de manger, qui n'a d'autres préoccupations (oh ! Le veinard!) que de rêvasser à longueur de journée, pour qui, le coût de l'essence n'a aucune importance, car il fait rouler ces véhicules à la seule force de son énergie qu'il a toujours joyeuse et légère, et qui a l'affront, lorsqu'on lui propose un contrat, de réclamer à être payé, alors qu'il n'a rien d'autre à faire qu'à jouer,  des sommes réclamées, souvent indécentes d'ailleurs, n'ayant aucun rapport avec l'heure prestée sur la scène, il n'a aucun besoin d'anticiper, ni d'organiser, ni même de planifier, semblant échapper mystérieusement à toutes les règles pratiquées par les autres humains adultes et responsables (re-veinard!), il monte en sifflotant son chapiteau et ses décors,  il enfile sans effort son costume, il brosse ses dents et va à la toilette une bonne dizaine de fois, et il entre en scène le pas aérien et sûr de lui, car en plus, ce salopiaud est bourré de talent, il est né avec une guitare, et son premier cri ressemblait déjà au plus grand concerto de la Calas, il échappe aussi, et heureusement, aux amendes, aux multiples factures (loyer, gaz et électricité, eau, téléphone et ordinateur), ses parents lui ayant bien dit qu'il ne gagnerait pas sa vie avec un métier qui ressemblait d'ailleurs furieusement à un hobby du dimanche, in fine, tout ceci explique sans doute, qu'il est un être à part singulier, peut-être même marginal, qui avance dans sa vie de bouffon, insensible aux crises, l'âme coquine et insouciante voir un peu barrée à l'Ouest...

Ce fameux contrat donc :

Il nous était demandé de prester pour la somme de 1500 euros, 2 animations d'une heure en duo. Le même jour, nous devions jouer trois représentations de notre spectacle « Faut pas rêver ! » (soit trois fois une heure et demi), le même jour encore, nous devions monter notre théâtre de poche (soit trois heures et demi de travail)... Tout ceci en assumant les repas de nos enfants, la vaisselle et le confort général des uns et des autres. Il ne faut pas être finaud pour se rendre compte à quel point ce contrat là nous était impossible à tenir. Nous appelons l'association des commerçants pour leur expliquer gentiment les contraintes incontournables de notre métier. Nous nous mettons d'accord pour prester deux représentations de notre spectacle sur deux jours différents, et deux animations en duo, nous leurs faisons cadeau des frais de déplacements et nous sauvons ce contrat en péril, nous soufflons, et nous quittons notre interlocutrice qui semble satisfaite de cet accord, nous lui rappelons la nécessité pour nous d'arriver rapidement à un accord écrit et signé, les dates de prestations approchant à grands pas... Sans nouvelle, (mais ne dit-on pas : « Pas de nouvelle, bonne nouvelle ! ») nous rappelons notre interlocutrice, celle-ci, nous explique qu'une des commerçantes est septique, ayant (enfin) compris qu'il y a une limite d'âge au spectacle, elle souhaiterait un public plus large, et ne voit dès lors, plus bien l'intérêt d'offrir ce spectacle à un public familial à partir de huit ans, il a donc été décidé de nous faire prester une seule représentation du spectacle pour 500 euros, plus deux animations duo à 300 euros, et bien sûr, les frais de déplacements resteront gratuits... Après réflexion, nous estimons que le contrat étant revu  à la baisse et toujours pas conclu (nous avons entre- temps refusé une autre opportunité à la même date), nous facturerons les frais de déplacements légèrement minorés à 200 euros, nous tentons de sauver ce contrat qui bloque toutes autres démarches, nous quittons notre interlocutrice en lui faisant part de l'urgence pour nous d'un contrat signé, car le temps avance et ne nous laisse que peu de  possibilités de chercher un contrat ailleurs. Alors que nous sommes sur le chemin de retour pour la France, nous recevons un message annulant purement et simplement ce contrat au prétexte que nous avons refusé la dernière proposition à 800 euros. Ils ne semblent pas comprendre pourquoi nous cherchons à leur faire payer des frais de déplacements... Xavier catastrophé, et déçu de voir ce contrat se réduire à peau de chagrin, écrit par voie de mail deux propositions : nous acceptons de jouer pour 800 euros deux ou trois représentations en assumant notre billetterie (réduite pour le public), offrant une trentaine de places aux commerçants, et prestant deux animations duo, Xavier cherchant à atteindre ou approcher les 1300 euros prévus initialement dans notre comptabilité et n'ayant plus de possibilité pour démarcher ailleurs, vu les délais trop courts à présent... Ouf ! Ils acceptent par voie de mail, en précisant toute fois qu'il subsiste des problèmes d'emplacement, notre interlocutrice nous rappellera le soir pour en discuter... Le soir venu, Xavier rappelle et notre interlocutrice répond qu'elle rappellera  le lendemain. Le lendemain donc, la présidente de l'Association des commerçants (qui n'a jamais été notre interlocutrice) nous appelle pour annoncer à Xavier qu'il n'y a pas d'emplacement sur la place du marché pour nous installer à cause de la présence du sapin de Noël ! Elle justifie par là le refus définitif que nous jouions notre pièce et propose à Xavier que nous prestions deux animations duo à 300 euros avec les frais de déplacements toujours gratuits bien sûr... Xavier accepte à la hâte, encore sous le choc de voir  ce beau contrat réduit à une aumône donnée du bout des lèvres et sans excuse aucune...

Deux heures après ce dernier coup (c'est le cas de le dire) de téléphone, Xavier vient me voir avec le sentiment coupable d'avoir mal fait son travail, doublé du sentiment désagréable de s'être fait encore avoir, ayant accepté de prester sans faire payer les frais de déplacements... Ce contrat de 1300 euros s'est peu-à-peu transformé en prestation à 200 euros, (les frais d'essence étant à notre charge, c'est la somme que nous toucherons) ! Le comble, c'est que l'amie qui avait introduit le dossier auprès de l'Association, nous dira par téléphone : « Je crois, qu'ils sont un peu refroidis par votre refus, mais bon, ils ne m'en disent pas plus, parce que tu comprends G. (notre interlocutrice) est une amie... » (elle a bon dos l'amitié). Alors là ! La colère gronde, en moi, et réactive d'un coup toutes les bêtises qui entretiennent le mythe de l'artiste que j'ai encaissées sans broncher ça va sans dire, car l'artiste est quelqu'un qui, résolument, traverse la vie comme on joue un GRAND JEU et il patauge dedans tel un enfant irresponsable en faisant des grands SPLACHS...

Alors, mettons en regard le mythe et la réalité :

L'artiste est au service de son art et son œuvre est reconnue, ou non d'ailleurs, par un public. Ceci explique que bien souvent l'artiste qui crée une œuvre, non encore ou peut-être même jamais reconnue, ne peut que bafouiller lamentablement devant le quidam qui lui pose la sempiternelle question : « C'est quoi ton métier ? ». Car ce dernier vient de soulever chez l'artiste, cette ambiguïté bien ancrée, que ce qu'il fait n'a que peu de valeur, voir n'en aura jamais, qu'il est absolument rarissime, qu'un artiste puisse gagner sa vie correctement, et que donc par voie de conséquence ce métier n'en n'est pas un... De plus n'est il pas un peu présomptueux quand on ne fait que s'amuser de prétendre à être payé, et de se nommer soit même « artiste » sans que ce public ne vous ait accordé le titre fameux... De nombreux artistes vont d'ailleurs se répandre (parce qu'ils n'ont rien d'autre à faire) sur le divan d'un psy, c'est bien la preuve qu'ils sont un peu fous, un peu malades, et qu'en plus, ils ont bien assez d'argent pour se rendre à une activité aussi oisive qu'égocentrique, allongés sur un divan en se racontant éternellement (encore un mythe). L'artiste, et certainement le comédien, est quelqu'un qui ment mieux que les autres, donc peut- on même accorder du crédit à ce qu'il raconte ? Vous-mêmes lecteurs, je vous mets en garde, mes propos pourraient sortir tout droit de mon imagination malade et un peu névrosée... Et cette vilaine colère n'est que le signe d'une hystérie maladive et féminine (c'est en effet moi qui écrit, Xavier étant occupé à nourrir les enfants, après les avoir instruits et aidé simultanément le voisin à déloger sa voiture du fossé, échappant du même coup à l'hystérie qualifiée souvent de « féminine »).

Alors les faits :

Le spectacle a été travaillé deux ans (écriture et mise en scène), pendant ces deux années, nous avons, en outre, créé des roulottes (plans, et homologation), trouvé un chapiteau, des gradins, fait faire des tissus et jupes de scène, trouvé des costumes pour tous les acteurs (cinq), les accessoires de scène, un véhicule approprié pour tracter notre roulotte, créé avec l'aide précieuse de Anne Benout notre site internet, pensé une fiche technique et les tarifs de notre spectacle (pas cher), préparé à la hâte une première tournée à nos frais et tout cela en continuant à assumer les tâches ménagères, (parfois sans machine à laver, le chauffage au bois des deux roulottes, la vaisselle et les repas, sans lave-vaisselle ça va de soi) l'instruction de trois de nos enfants, trouvé un baby-sitter pour le dernier quand nous sommes en représentation, fait l'entretien obligatoire de notre matériel et de nos véhicules, assuré la communication pour la saison prochaine, tout ceci en ayant, comme tout le monde, des journées de 24 heures... Mais bon, je vais arrêter d'avoir l'air de pleurnicher, car cette vie après tout, je l'ai choisie ! Et à ce titre, Monsieur, Madame, eux, ils ont payé (parfois !) pour rêver, et tout ceci c'est plus un rêve c'est un cauchemar (Que je pourrai toujours raconter à ma psy : elle est Jungienne, (« c'est une maladie ? »), « non », c'est juste qu'elle suit les méthodes de Jung, (elle travaille donc aussi sur la symbolique des rêves)... Au passage d'ailleurs, on ne guérit pas chez un psy (« Ah ! Voilà, je le savais ! Tous des arnaqueurs! »), mais on travaille à plus de conscience ! ( « Qu'est ce que c'est la conscience ? »).

Alors voilà, circulez, y 'a rien à voir ! Noël, ressemblera pour moi, à tous les Noëls : une espèce d'hystérie collective, d'hommes et de femmes courant chez des commerçants ravis encore une fois, de s'en mettre plein les fouilles et, moi, (mais qui suis-je moi ?) essayant de joindre les deux bouts de ficelle pour offrir à mes enfants une fête qui  les ferait rêver, même si, pour moi, le rêve aurait été de jouer ma pièce « Faut pas rêver ! ». Décidément, circulez, y' aura rien à voir... 

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