Si la première série de cinq
représentations s'était avérée difficile ,(trois annulations, une
représentation devant 11 personnes et une dernière devant une jauge
de 35 personnes), la deuxième série sera poussive... Il n'y aura
pas eu d'annulation, mais au final, nous aurons joué devant une
moyenne publique de 25 personnes. Heureusement, le public sera
chaleureux et généreux au niveau des chapeaux ce qui permettra à
notre petite compagnie de limiter la casse financière.
Une réaction rapide de la mairie de
Trèbes permettra aussi de combler un peu les trois refus consécutifs
sur le secteur (Revel, Castres et Mazamet qui ne donna jamais de
réponse). Nous serons donc à Trèbes au mois de juillet. Néanmoins, comme il n'est
pas possible d'y jouer en juin, Xavier se voit dans l'obligation de
trouver très vite d'autres lieux pour cette période qui reste donc
problématique. Car, trouver un lieu dans l'urgence n'est jamais
aisé: Xavier doit encore démarcher les commerçants locaux (et cela
se fait trois semaines au préalable) afin de pouvoir prester au
chapeau et laisser ainsi le public décider librement de la valeur de
notre travail (plus efficace qu'une billetterie). Bref, une saison
qui ne nous laissera aucun répit nous soumettant déjà à des
pressions assez fortes. Là aussi, heureusement que cette saison est
la troisième et que nous sommes maintenant relativement à l'aise
avec les manœuvres du convoi, les montages et démontages du
chapiteau, le spectacle qui roule bien.
En outre, nous avons peu à peu appris
à reconnaître et anticiper les phénomènes météo, à écouter de
plus loin les « tu devrais faire ceci », « vous
devriez plutôt faire ça », « les enfants semblent être
biens », « j'ai adoré le spectacle mais... »,
« vous devriez appeler les festivals », « pourquoi
pas une billetterie? »... Car tous, c'est vrai, sont pleins de
bonnes intentions et souvent sentant les difficultés inhérentes à
nos choix, tous veulent aider d'une manière où d'une autre, mais
finalement, nous avons souvent besoin de plus de concret (merci à la
maman de Nelly- démarchage pour trouver des autorisations sur des
lieux, merci à Elodie partie en quête d'une tirette de 2,50 m pour
réparer l'ouverture fatiguée du chapiteau). Les conversations d'après
spectacle, qui remettent constamment en question notre mode de
fonctionnement, demandent une attention accrue de notre part et
appellent des justifications où des explications souvent fastidieuses. Alors
que, l'essentiel de notre travail ayant été fait (jouer), nous
aspirerions plutôt au repos et nous nous abreuverions volontiers des paroles des spectateurs échangeant avec nous leur enthousiasme et partageant leurs
émotions. Alors quand cela arrive, là seulement, c'est la
quille...
Car effectivement, quand nous arrivons
sur un lieu semblable à Castelnaudary, où la crise se fait sentir à
plus d'un niveau : commerçants moroses, vitrines fermées,
ville vide de passage, désœuvrement, absence d'enthousiasme,...
Une ville qui peine à se faire comprendre : Le maire viendra
jusqu'à notre petit chapiteau cinq minutes avant que nous montions
en scène, entouré de deux adjoints, pour nous signifier qu'il ne
viendrait pas, qu'il « était désolé mais ne pourrait pas
rester » ?! (Je n'ai pour ma part pas bien compris la
démarche. Se sentait -il obligé ayant eu une invitation à venir ?
Était' il ennuyé face à la tentative de vol que nous avons subie
sur nos véhicules ? Voulait-il montrer au public présent qu'il
s'était déplacé ?) Enfin, voilà,c'est fait, la mairie nous
avait bien signifié qu'elle ne ferait rien pour informer de notre
présence (ceci dit, la plupart des mairies ne font rien mais elles
ne pensent pas devoir le dire), mais en tout cas nous, nous avons
bien été informés de la présence « absente » du
maire... Serait- ce un phénomène « chaurien »
(chaurien savoir !) car plusieurs personnes nous avaient promis
qu'elles viendraient, mais finalement ne seront pas venues.
On a
ainsi, un peu l'impression de vivre une guerre, une petite guerre
d'usure, une bataille sans cesse renouvelée, une guèguèrre du
quotidien, la pluie s'y ajoutant, on se retrouve dans les tranchées,
et l'on ne sait, quand on est pacifiste comme moi, pour qui où pour
quoi l'on se bat encore. Bien sûr, habituellement, ces petites histoires
me font gentillement sourire, mais ici à Castelnaudary, j'avoue
que, sur la durée, ma joie de vivre c'est progressivement émoussée,
et mon engagement a pris un peu de plomb dans l'aile. Aujourd'hui,
jour de la naissance de ma première fille, je me sens un peu lasse
de tout ça.
Mon cœur, en ce 13 mai, s'est hissé en drapeau blanc,
en petit morceau de linge immaculé et pur derrière lequel le
souvenir intact de ce moment intense où je la prenais dans mes bras,
sur la terrasse de ma maison de Bruxelles par un après-midi de mai
plein de douceur ensoleillée et de promesses de ravissements, ce
moment parfait sur une chanson d'Amstrong me fît goûter à ce que
l'on nomme la paix. Où l'on cesse de se battre, où l'on cesse de
patauger lamentables dans la gadoue des petits sentiments, où l'on a
besoin de rien puisque l'on a tout, où la vie minuscule sourit, où
la vie s'appelle... Ysaline. Il y a quinze ans déjà... Aujourd'hui, un
instant, c'est drapeau blanc, grâce à toi, aujourd'hui, c'est la
quille...
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