La note de l'écrivain

Le rêve c'est bien, mais la réalité est plus nuancée, plus complexe, terreau du meilleur parfois du pire. L'histoire humaine est jalonnée de rêves aux allures de cauchemars..

Le voyage que notre famille entreprend permet sans nul doute d'être témoins privilégiés de faits souvent ignorés ou mal évalués. Quand on vit, comme le plus grand nombre, abrité par quatre murs et un toit, on a parfois peur mais on suppose que le danger ne passera pas la porte, préférant regarder par la lorgnette (le petit écran) ce qui se passe au-dehors. Le danger n'est pourtant pas dans la réalité, mais dans le fait de ne pas vouloir la voir, où d' en nier une partie, car elle n'est ni bonne ni mauvaise, elle est ce qu'elle est.

Notre gazette s'invite dans vos boudoirs chaleureux, petit moment de pause, réflexions, idées, impulsions et initiatives pour que résolument attentifs, nous nous souvenions que notre humanité tient dans notre faculté à rêver et notre capacité à transformer nos rêves en réalité. Pour le meilleur et le meilleur!

mercredi 12 juin 2013

Une rencontre: Arnaud dit "bouclette"


Arnaud à l'entrée de son camion

Arrivée sur le parking de « La ramée », je remarque vite un camion qui a l’air habité, rangé le long de la bordure non loin de notre convoi… Je vais faire la connaissance de son occupant dès le lendemain.

Arnaud
Le jeune homme au teint brun, les yeux bruns, les cheveux rasés de près, m’accueille en souriant, je me présente et lui demande son prénom, il répond toujours avec ce sourire qui ne le quitte pas : « Arnaud, mais on m’appelle « bouclette », devant mon air sans doute étonné, il ajoute que le surnom lui vient de sa chevelure (avant qu’il ne se rase), que ses cheveux étaient drus et bouclés… » Les cheveux sont rasés, mais le surnom est resté ! Je pénètre dans le camion, l’espace est d’environ 7 mètres de long, sur une largeur d’un peu plus de 2 mètres, cela me semble gigantesque pour un homme seul, moi qui partage le même espace avec 5 autres personnes.

Arnaud a 31 ans, il a obtenu un bac technique dans le Génie Civil, il a ensuite été manœuvre sur des chantiers, durant cette période il a aussi été formé auprès des compagnons du devoir, il travaillera 3 ans dans le bâtiment, mais très vite il n’aime pas l’ambiance qui règne dans le milieu : mal parlé, machisme, et irrespect pour le personnel ouvrier. Il décide alors de se diriger vers les travaux publics ou il apprend le métier de poseur de canalisations, il devient alors chef d’équipe sous contrat intérim.
Face à l'entrée le plan de travail de la cuisine
A droite, l'espace salon: les banquettes en "u" autour de la table


Son amour du voyage le pousse à partir deux années au pays basque, il y exerce son métier et en même temps découvre le pays. Malheureusement, il devra cesser son activité, qu’il adore pourtant, car de sérieux problèmes aux poignets l’empêcheront d’envisager sa carrière sereinement dans un métier très physique mettant ses poignets à rude épreuve. C’est alors qu’il a l’idée de devenir chauffeur routier : grâce à sa propre volonté, quelques économies et le coup de pouce de ses parents, il passera le permis poids lourd, et à force de harcèlement il obtiendra le FIMO (autorisation payante d’exercer le métier de transporteur pour les entreprises). Depuis 2009 il est donc chauffeur routier intérim, cela satisfait pleinement ses envies de bouger. Il commence sur un camion de petite taille et fait des trajets relativement courts, depuis, il m’explique que cela fait 2 ans qu’il roule en semi et effectue des plus longues distances.

Quand ses périodes de travail sont terminées, il regagne son camion aménagé. Ses multiples compétences lui ont permis d’aménager ce camion acheté à un forain et ensuite remis en état grâce à ses bons soins. Au départ son habitat était plus modeste, et c’est ensuite qu’il a fait l’acquisition de ce camion plus spacieux… Il effectuera avec l’ancien camion à peu prêt 150000 km sur une période de 3 ans et demi, il séjournera en Italie, en Tchéquie, Slovaquie, Pologne, Autriche, Hongrie, Croatie, Espagne, Portugal et Maroc.

Quand je lui demande prudemment si il se sent heureux, il répond sans hésiter que oui ! Et c’est vrai qu’il a l’air d’un homme heureux… Quand je lui demande si il lui manque quelque chose, la réponse ne tarde pas : « Mes quelques vrais amis sont sédentaires, et donc je ne les vois que peu, dans les épreuves (il vient de perdre son grand-père et se rend fin de semaine aux obsèques) la solitude est parfois plus lourde ». Il ajoute avec un petit sourire que la vie de couple lui manque parfois, mais que son choix de vie ne facilite pas le fait de trouver une compagne.
A gauche de l'entrée, un espace douche

Au fond à gauche le lit


Voilà, je quitte Arnaud, chauffeur routier et dandy, (voir sa belle collection de chapeaux),  je prends quelques clichés de lui, de l’intérieur de son camion, et je le laisse travailler à la réparation des enduits du camion mettant à profit ses quelques jours de congé. Je le quitte en méditant cette phrase qu’il m’a donnée au hasard de notre échange : « Un homme meurt, une étoile est née, tu resteras présent à tout moment ». Les gens qui voyagent et qui choisissent la vie nomade, expérimentent au quotidien, quelque chose qu’il est plus difficile d’observer dans la vie sédentaire : le mouvement inhérent à chaque chose, à chaque être, ceux là s'en vont, d’autres arrivent, au-delà de ces mouvements, la vie, elle, continue vaillamment, sans se soucier du mot fin.

Demain, en route pour les jardins de Bonnefoy, et ça tombe bien, car nous venons d'avoir la visite cordiale mais non moins ferme des gardiens du parc et nous devons dégager... Eh! Oui, certains partent, d'autres arrivent, mais que l'on ne s'inquiète pas, nous ne laisserons aucune trace de notre passage... trop soucieux de laisser une Terre propre.

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