Certains auront sans doute remarqué
l’absence soudaine de mon article, posté le mois dernier sur la Gazette (« Propriété quand tu nous
tiens… »). S’il m’avait fallu cinq
jours de réflexion pour le publier car il impliquait deux de mes amis proches,
il me fallut à nouveau trois jours pour le retirer car j’avais estimé l’article
intéressant, suffisamment en tout cas pour le rendre public. Mais voilà, la
manière dont cet article avait été écrit impliquait de façon directe, sans
doute trop, deux de mes amis, et à la lecture de celui-ci, j’apprenais (par ma
fille) que mon article avait fait souffrir non seulement les personnes directement
impliquées dans l’histoire (ça je m’en doutais), mais par l’effet « du
battement d’ailes des papillons », il avait également fait souffrir à
l’exponentielle des personnes proches mais pourtant extérieures au récit.
Si, concernant mes amis, j’avais pris la
peine d’évaluer durant 5 jours les risques que je prenais en publiant un tel
récit, je n’avais pas mesuré les conséquences éventuelles que pourrait avoir
l’histoire sur les personnes autour non impliquées. Concernant mes amis, je
m’étais dégagée du problème, en considérant que le mal étant fait, je ne
pouvais en faire plus, je ne pouvais que tenter d’analyser, par la
retranscription des faits, ce qui au juste avait tant fait souffrir Xavier et
moi-même, et par là ouvrir aux autres (par la publication) une réflexion sur
nos façons d’aimer, nos limites, nos incapacités, et nos enfermements (la propriété
ou la non-propriété pouvant être vécues comme des enfermements). Je ne me suis
plus préoccupée de la souffrance de mes amis puisqu’elle fût exprimée par leur
malaise au travers leurs propos, de plus, j’avais compris que notre seul
départ ajouté à notre désolation pourrait peut-être les soulager. Je pense que
ce fût le cas.
Certaines personnes m’ayant fait part de
leur perplexité quant au retrait de ce texte et jugeant "peut-être injuste" de l'enlever, il m’apparaissait important
d’expliquer les raisons de ce retrait. Je reparlerai donc encore certainement
des questions suscitées par cet épisode douloureux de notre aventure, car lorsque
le nomade voyage il est régulièrement confrontés à ces choses là avec plus ou moins
de difficultés mais son vécu particulier peut aussi se rencontrer dans tout
trajet humain, les blessures liées à ces expériences sont souvent aigües. En
voyage, il est simplement plus facile de s’en dégager car les personnes
rencontrées sur un terrain de tension ou de conflit, sont généralement
inconnues : On lève alors les yeux au ciel et l’on se dit en ricanant
« quel con ! » (Le con étant rarement soi-même, mais que l’on se
rassure l’autre con pense bien sûr la même chose de vous !) et cela est
facile car le dit « con » est souvent juste croisé et n’a aucun lien
avec vous. Ce ne fût donc pas simple pour Xavier et moi, car ici, il s’agissait
d’amis et il fût dès lors difficile de préserver la sérénité
pourtant si nécessaire pour continuer notre route tout en préservant les
moments de belles amitiés que nous avions partagés par le passé avec ces amis
dont, à présent, nous heurtions brutalement mais bien involontairement les limites (et cela était sans doute réciproque). Mon objectif n’étant absolument
pas de rajouter de la souffrance par-dessus la souffrance sans toutefois nier
cette « incommodante » quand je la sens, j’ai donc décidé d’enlever
sous cette forme peut-être « trop personnelle » cet article, ne voulant pas prendre
le risque qu’il ne soit reçu comme un simple déballage émotionnel (surtout pour les
personnes non impliquées) et non pas comme une réflexion et une analyse tirées
d’un vécu douloureux, ce qui est, en tout cas pour moi, très différent.
Les questions restant actuellement posées
et ayant pour moi un intérêt sont les suivantes : Que peut- on dire ?
Comment peut- on le dire ? Si j’avais écrit une fable dont les initiales
auraient été Y. et X., mon article aurait- il été mieux reçu par les personnes
impliquées ? Faut-il se taire lorsque l'autre est inconscient? Pourquoi la souffrance est- elle toujours si difficile à
recevoir ou à dire ? Faut-il protéger l’autre de sa propre souffrance par
des tentatives d’évitement ou de silence ou encore de jugement et d’agressivité ?
Lorsque l’on protège l’autre, n’est ce pas une manœuvre de l’esprit pour se
protéger soi ? De quoi veut- on se protéger, si ce n’est d’un sentiment
coupable inconfortable ? La souffrance n’est-elle pas le signe d’une
limitation sans que cela implique obligatoirement la notion de
culpabilité ? Les difficultés d’expression de soi ne sont elles pas liées
à de la culpabilité ? La culpabilité n’est- elle pas toujours une « parade »
pour éviter nos zones d’ombres (l’inconscience) ? Est –il possible d’être
Humain (limité à un corps) et pourtant aimer (c'est-à-dire élargir nos limites
à l’autre) ? Nos limites à l'autre ne sont-elles pas parfois des limites à nous-mêmes? Est-il possible d'aimer sans pouvoir poser ses propres limites?
J'aurais encore sans aucun doute à apprendre à me taire comme dirait Y. (une personne proche de moi que j'aime beaucoup, ne cherchez pas à qui appartient l'initiale, cela engendrerait sans doute des problèmes!). Mais cela ne veut pas obligatoirement dire "la fermer", cela veut dire poser les questions, utiliser les mots les plus justes, ce sont sans doute les moins blessants, tout en apprenant si il y a souffrance, à observer cette dernière sans la juger. Cela suppose aussi de pouvoir rester en-dehors du champs de souffrance de l'autre, car ce qui est à l'autre est toujours hors de portée et c'est cela même qui constitue la beauté et la difficulté du "voyage relationnel". Bref, j'ai encore quelques bons milliers de kilomètres à faire concernant ce voyage là, mais cela tombe bien car il est le seul qui m’intéresse réellement.
Les questions sont posées et j’aime
qu’elles restent sans réponse, à dire vrai plus je vieillis moins j’ai de
réponses radicales. Plus la réalité me semble complexe plus la notion de ce que
l’on appelle « vérité » me semble indéfinissable et intimement liée
aux seuls individus. Toutes ces questions constituent le terreau dans lequel j’évolue,
et malgré le fait de ne pas vouloir posséder les réponses, je trouve pourtant
intéressant de les poser encore et encore, et sans relâche car je constate que
lorsqu’on croit avoir les réponses sur ces questions là, les pires dérapages ou les plus médiocres
affirmations sont lancées, créant ainsi le vent, qui à son tour crée la tempête.
La tempête passée, l’on constate les dégâts, les abîmes, les fossés et l’on se
dit encore une fois, toujours une fois de trop : « Le mal est
fait ! ». Ce n’est pas grave, ce sont juste des dommages,… Dommage,
oui… Il y a sans doute à mieux vivre, à mieux être et nul n’est épargné par le
chemin, je trace donc ma route et je ne doute pas que tout ceux croisés sur mon
chemin continuent la leur, je leurs souhaite le meilleur comme à moi-même, même si pourtant souvent dans la tempête, l'on
pense avoir vraiment rencontré le pire. Je termine par cette ultime question: Ne dit-on pas s'aimer pour le meilleur et pour le pire? Je tente une réponse: On a sûrement essayé de s'aimer...
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