La note de l'écrivain

Le rêve c'est bien, mais la réalité est plus nuancée, plus complexe, terreau du meilleur parfois du pire. L'histoire humaine est jalonnée de rêves aux allures de cauchemars..

Le voyage que notre famille entreprend permet sans nul doute d'être témoins privilégiés de faits souvent ignorés ou mal évalués. Quand on vit, comme le plus grand nombre, abrité par quatre murs et un toit, on a parfois peur mais on suppose que le danger ne passera pas la porte, préférant regarder par la lorgnette (le petit écran) ce qui se passe au-dehors. Le danger n'est pourtant pas dans la réalité, mais dans le fait de ne pas vouloir la voir, où d' en nier une partie, car elle n'est ni bonne ni mauvaise, elle est ce qu'elle est.

Notre gazette s'invite dans vos boudoirs chaleureux, petit moment de pause, réflexions, idées, impulsions et initiatives pour que résolument attentifs, nous nous souvenions que notre humanité tient dans notre faculté à rêver et notre capacité à transformer nos rêves en réalité. Pour le meilleur et le meilleur!

mercredi 26 octobre 2016

Le 22 octobre à Limoux...OUH, OUH (disait le loup),... Y'a quelqu'un?

Cela fait trois fois cette semaine que l'on me qualifie de "barrée à l'ouest"et/ou "perchée sur mon nuage"(?!). C'est suffisant pour poser question et suffisant pour inspirer cette réflexion très personnelle (je suis très sensible et un rien éveille ma curiosité)!

En fait le 22 octobre, je me suis rendue à ce que je pensais être le second rassemblement en soutien à l'arrivée probable de migrants sur la commune de Limoux, arrivée pas encore effective, mais déjà décriée par une partie de la population.

Inquiète, je pénétrai sous un ciel gris et humide sur la place de la République, je constatais qu'il n'y avait personne (enfin si: comme me fit remarquer plus tard mon amie Aude jamais en reste d'une observation pertinente, il y avait un stand de sensibilisation au compostage et d'information sur les graines de variétés anciennes), donc pardon pour eux, qui font certainement un travail intéressant, pour moi, perplexe et n'étant pas venue pour cela, j'avais conclus par facilité qu'il n'y avait personne! (je suis un peu psychorigide parfois). On était ce jour là, très loin du ciel ensoleillé du samedi précédent: aujourd'hui, la place était vide, froide, grise, ce sont sans doute les impressions qui accompagnent souvent la solitude... Il semblait décidément plus facile aujourd'hui de "manifester" que de se "rassembler"...

J'étais là, assise sur le muret de la fontaine (la pierre était vide, froide, grise), me pelant les fesses, tout en cherchant les causes à cette incroyable désertion. Me sachant un "peu perchée sur la fontaine" (la même fontaine où je braillais l'Auvergnat le samedi précédent), je me dis, assez vite que j'avais du rater une information cruciale via la boite mail, ou encore les réseaux sociaux. L'annulation me semblant toute fois peu probable, je m'interrogeai sur la date du jour, étions-nous bien le 22 octobre? (Encore une fois, mon côté "perché" avait frappé: il m'arrive régulièrement d'oublier l'année, alors, le mois et le jour!...), peut-être encore, un autre lieu de rassemblement avait été décidé à mon insu, ou encore, (et là j'étais au stade critique, là ou mon côté "un peu perché" verse dans une forme de psychopathie légère mais non moins détectable), je commençais à douter que l'on m'ait réellement parlé d'un rassemblement le 22 octobre, je commençais à songer que j'avais peut-être imaginé tout cela. (Ce raisonnement confirme que je ne suis pas "psychopathe", mais que je suis bel et bien "névrosée" jusqu'à la moelle. Ce qui est étonnant, c'est, qu'avec l'âge, j'en souffre de moins en moins, même si je ne peux pas en dire autant pour mon entourage).  

Heureusement pour moi, ayant encore assez de ressources pour prendre conscience rapidement de mes accès de délire, je pris mon portable afin d’appeler mon amie Aude, seule personne à mes yeux, qui, devait être correctement informée, pouvait me faire une synthèse efficace et complète de ses informations, et qui, me semblait-il, comprenait parfaitement bien les symptômes de névrose dont j'étais atteinte épisodiquement. Celle-là, au moins, ne ferait donc aucune remarque désobligeante. C'est alors que me parvint un message par voie de mail, message qui semblait être une réponse à mon article précédent sur ce blogg, et écrit suite au rassemblement du 15 octobre. 

Le message émanait d'un des membres du groupe "de soutien aux migrants" qui semblait-il, s'était lui-même reconnu comme étant la personne "masquée" que j'avais repérée, (je ne peux le confirmer puisque précisément l'avantage d'être masqué c'est de pouvoir avancer dissimulé, et ce jour là, il ou elle n'était pas le ou la seul(e) masqué(e)!). Le message commençait par décrire longuement les raisons pour lesquelles le port du masque en manifestation lui était devenu indispensable (dangerosité et menaces émanant des membres du FN, dont je devais probablement méconnaître toute l'étendue de la violence), il citait en exemple les victimes proches (dont lui-même) ayant gravement été atteintes au cours de certaines actions musclées dont il me fournissait des exemples. Il me fit un petit rappel historique autour de Martin Luther King et du mouvement "Black Panther" (je n'ai pas compris pourquoi: mon article ne parlait ni des uns ni des autres, je déteste la politique) assurant que j'en avais un grand besoin il s'imposait à moi comme un éclaireur indispensable, il émaillait son texte de qualificatifs "chocs"afin de faire une "éducation" qu'il jugeait défaillante chez moi: "perchée que j'étais sur mon petit nuage", "raciste intégrée", et vraisemblablement trop "intellectuelle et classique" pour comprendre la lutte des opprimés (dont il était un héritier direct sans aucun doute), lutte qui s'était conclue par une victoire arrachée, comme c'était toujours le cas, dans le sang et la violence, grâce à des gens courageux, "masqués indispensablement par réflexe d'auto-défense"  tout cela pendant que d'autres comme moi "perchés" se complaisaient sans doute dans une "poésie" et un "intellectualisme" assez stériles. C'était pas aussi bien écrit, mais les termes sont bien ceux-là. Il concluait son long courrier par cette supplication étrange: "Laisse moi exister" (?!), car même si il avait fait le choix du masque, il se défendait d'être le moins du monde... violent!

Ayant fini ma lecture, je souriais, impertinente. Cette personne qui avait fait irruption dans ma vie sans y être invitée pour y jeter tout de go, son vécu personnel triste à périr et sa souffrance ( je pèse mes mots, je compatis sincèrement), qui tentait de me convaincre de mon insignifiance tout en me demandant de la laisser exister (quel pouvoir?!! Quand bien même je l'aurais, je n'en voudrais jamais!Je ne fais pas de politique, alors jouer aux Dieux!), qui se proposait d'être mon "maître" tout en devant chercher des exemples historiques pour étayer un discours fragile, qui prétendait me connaître mieux que moi-même tout en portant un masque et en semblant ignorer sa propre violence, bref, cette personne là, que je ne connaissais pas, venait de confirmer en tout point, quelque chose que je disais dans mon article précédent: la pire des violences est celle dont on n'a pas su définir les contours, et cette violence là émane toujours de l'intérieur, c'est-à-dire, de nos propres zones d'ombres, là où nous avançons "masqués" (par réflexe d'auto-défense vis-à-vis de nous-mêmes).

Je remercie cette personne de m'avoir fourni, par le biais de ce commentaire personnel, la matière nécessaire pour rebondir sur plusieurs thèmes qui, par ailleurs, enrichissent ma vie au quotidien. Je rassure cette personne, peut-être qu'un jour voyant tout mes droits bafoués et me sentant en danger, je saurai porter un masque (j'espère ne jamais vivre ce jour, et je fais tout ce que je peux pour éviter les situations qui suscitent la violence). Je confirme ses propos, oui, je suis "perchée sur mon nuage" et il serait vain de tenter me descendre (oups! pardon je voulais dire " de m'en" descendre, bien sûr!). Ce petit commentaire précis à votre intention, lecteur mécontent, afin de vous épargner la charge lourde d'une personne (moi-même), alors que, vraisemblablement, cette attention à vous-même serait sans doute plus bénéfique, en tout cas je vous souhaite de pouvoir vous l'accorder.

Oui, je suis "perchée sur un nuage". Et pour répondre, entre autre, à ce "maître éducateur", "être perchée" est essentiel pour moi, car l'éducation n'est pas tant, et cela est bien une opinion personnelle, une tentative de "dresser" quelqu'un pour l'amener peu à peu à penser comme vous, mais bien plutôt, un devoir que l'on choisit pour atteindre, et/ou accompagner quelqu'un vers, l'autonomie, c'est-à-dire, le fait de penser par soi-même. Dans ce sens, je préfère le terme "élévation" au terme "éducation". Pour ce qui est de mon "éducation", je remercie cette personne, j'ai déjà eu tout ce qu'il me fût nécessaire, pour ce qui est de mon "élévation" elle va très bien et poursuit sa route (preuve en est que de plus en plus de personnes détectent rapidement mon côté "perché": Je progresse tout les jours!).

Etre "perché" n'est pas donné à tout le monde: c'est un don tout comme le don de la parole, et comme tout don, il ne suffit pas de s'en servir grassement, car un don s'assorti toujours de responsabilités, le premier don étant "la vie". C'est donc une attention, assortie de responsabilités. Cette attention peut être difficile, et ce n'est sans doute pas à ce lecteur mécontent que j'apprendrai quelque chose en ajoutant qu'il est si difficile de s’élever parfois, tant on voit à quel point certains ont souvent cette volonté de vous tirer vers le bas, là où l'on patauge, pour disent-ils mieux vous faire "comprendre"... quoi?... Leurs opinions élevées! (C'est étonnant comme l'humain se charge de contradictions complexes?! Et puis on s'étonne qu'il ait tellement de mal à s'élever!)

La poésie est cette attitude élégante qui consiste à s'élever loin du marasme, soit pour s'en amuser, soit pour s'en dépolluer, soit encore pour en décrire mieux les contours, soit même et dans le meilleur des cas, pour rejoindre les Hommes au-delà de leurs frontières qu'elles soient physiques et/ou psychologiques. Oui, on voit mieux les choses quand on est légèrement en dehors et au-dessus. Un nuage fait donc parfaitement l'affaire. Se situer à l'Ouest, ne semble pas aider particulièrement.

Un seul regret donc par rapport à votre courrier. Votre violence m'empêche de vous rencontrer, j'entends votre souffrance mais je ne vous comprends pas, cette violence ne me donne aucune envie de vous rencontrer et c'est toujours dommage. A ce titre, je n'ai pas publié votre commentaire, comme mon blogg me le permet pourtant: je l'ai trouvé cruellement manquant de poésie. Je suis désolée que mon précédent article ait réveillé tant de colère en vous, suffisamment en tout cas, que pour vous sentir autorisé à être méprisant vis-à-vis de moi. Je suis "perchée" et un jour peut-être mes mots éveilleront chez vous, autre chose que votre colère, peut-être, une douleur créatrice... Eeeeh oui... Sur mon nuage je peux rêver!...

Pour les lecteurs curieux de savoir comment s'est terminée cette après-midi grise et froide... Mon amie Aude m'invita à prendre un verre à la terrasse d'un café. Vinrent se joindre à nous Marie et Isabelle. Des femmes tour à tour, drôles, sévères, cyniques, belles, intelligentes, fragiles, névrosées, fatiguées, déçues, optimistes, bref, riches. Ces présences là apaisent la tristesse. Car, que l'on ne s'y trompe pas, mes mots sont souvent le résultat de ma peine. Ce jour là, à Limoux, moi, "femme qui court avec les loups", je ne m'attendais pas, ironie du sort, à être blessée par un semblable. 

P.S! Il n'y eut pas de rassemblement ce jour là, information que je ne reçu que le jour même. Je ne pouvais qu'être soulagée. Mes inquiétudes m'étaient confirmées par le mail violent reçu plus tôt. J'avais de plus en plus de doutes concernant les motivations de certains, motivations m'apparaissant peu claires ou constructives et aux actions mal définies. Au contraire, le mail de mon amie Aude, efficace, m'informait et proposait de créer un groupe pour tenter d'organiser et gérer l'accueil de migrants sur Limoux, ceci afin d'inscrire le mouvement dans une démarche concrète et structurée, sans violence et fraternelle. (Ouf!) A suivre donc...

dimanche 16 octobre 2016

Samedi 15 à Limoux c'était pleine lune et... les loups hurlaient.





Cette journée pour contrer le mouvement FN (contre les migrants à Limoux ce samedi 15 octobre place de la République) fût teintée d'émotions: il me fallu regagner, seule, ma voiture garée en périphérie pour m'en rendre compte. Mes émotions étaient si mélangées, qu'à dire vrai, j'aurais été incapable d'y mettre des mots le jour même. Alors que la voiture filait vers la maison, je regardai le ciel: incroyablement lumineux, teinté de cette magnifique lumière du couchant mélangée de rouges d'oranges et de bleus, et trônant majestueuse au milieu, une lune énorme, généreuse et pleine. Aussitôt inspirée, m'est venue une image: celle des loups hurlant à la lune, ensuite une autre, celle des masques affreux d'Halloween...Ensuite... Les faces affreuses des manifestants FN (étions- nous déjà à Halloween? Mon dieu, comme le temps passe vite...)



Car dans le défilé plusieurs choses m'avait frappée: D'une part la présence significative dans le groupe FN de nombreux jeunes, ensuite l'apparence des manifestants. Une partie d'entre eux étaient très "propres sur eux", en costumes et cravates, petits tailleurs, tenues classiques, sport "décontracté et sans auréoles jaunes sous les bras", çà et là le groupe égrenait ses vieilles et ses vieux boiteux comme on égrène les grains du chapelet (cathos extrémistes obligent!), encore une autre partie du groupe était constituée par une bande de "sales tronches", tatouées et/ou masquées, les vêtements noirs, le regard chargé de haine. Ces derniers criaient des insultes, faisaient des grimaces (à moins que ce ne fusse leurs faciès habituels? Ceux là pensais-je, méchante, il eut mieux valu finalement qu'ils portent un masque!). Ils nous "saluaient" par des "fuck" levant le majeur dans notre direction, à peine "calmés" par les "caresses" des politiciens en costard qui les encadraient. Alors que debout, sur la fontaine de la place, je m'égosillais sur les paroles de la chanson de Brassens "L'auvergnat", tentant désespérément de couvrir les insultes et les sifflets à mon sens totalement stériles et inutiles car copiant en tout point le langage attendu du FN (ce qu'on peut être con des fois!), je songeais soudain à ces bigots un peu précieux à cheval sur leurs principes qui, sortant le dimanche, baladent leurs bichons tenus en laisse en se baissant pour ramasser leurs petites crottes, sauf qu'ici, pensais-je, il s'agissait plutôt de promener les chiens de combats sans ramasser les crottes derrière (c'est passible d'amende), certains pourtant munis, comme la loi l'exige pour les races dangereuses, d'une muselière noire sur-imprimée d'un motif blanc imitant les os de la mâchoire. (Effrayant et grotesque. C'est ce que je disais Limoux faisait déjà son carnaval, ou alors, Halloween cette année fût un peu avancé?! Mon dieu comme le temps passe vite!)



Oui, j'ai tenté de chanter, car quand on a que l'amour pour couvrir un canon... Mais qu'elle est triste cette chanson quant elle ne suffit pas à convaincre un tambour... Car, chantant tour à tour "Amstrong" de Nougaro, et puis des chants aux paroles improbables qui parlaient d'âme damnée et d'enfer, je me disais, chantant l'Auvergnat, que l'enfer c'était ça: Faire chanter à tue tête une belge, sur la place de la République (?!), une belge ayant vécu chez des aveyronnais qui lui avaient demandé quelques années plutôt ce qu'elle était venue chercher ici car il n'y avait rien à lui donner, et d'ajouter en riant grassement qu'elle avait de la chance de ne pas avoir choisi l'Auvergne, car l'Auvergne, disaient-ils, c'est encore pire! (Fallait-il croire Brassens? Moi, en tout cas, j'avais de sérieux doutes sur la République) Et me voilà donc en enfer, hurlant les paroles de Brassens, ou encore d'un chant des partisans que je ne connais pas. Les sanglots qui serrent ma gorge, je tente d'entraîner vainement cette foule dans un chant qui n'est pas le mien (moi c'est Brel) pour faire taire les quolibets, les insultes et poser là, ma petite humanité, ma condition fraternelle. Oui, les loups étaient entrés à Limoux... Mais qui étaient finalement ces loups? Chacun dira c'est l'autre, évidemment...



Pourtant des loups, il y en avait parmi nous, en fait y en avait un peu partout... La violence n'est pas toujours là où on l'attend. Il y avait la violence facile, grossière, visible du FN et puis il y avait aussi ça et là, une violence plus subtile, moins visible, qui participe pourtant de la première. Passant et marchant dans la foule, je croisai une petite bande d'individus habillés eux aussi de noir (Tiens? Bizarre?), l'un d'entre eux portait une écharpe qui cachait le bas du visage, j’assistai impuissante à l'échappée soudaine d'une d'entre nous qui prise de furie et la bouche pleine d'insultes tenta de passer le cordon de sécurité arrêtée juste à temps par un pacifiste. Coincée entre le noyau dur des manifestants en première ligne et le cordon formé par les CRS, j'ai tenté par la douceur d'une caresse et de mon regard d'apaiser une jeune femme qui voulait" en découdre avec les salauds d'en face", j'ai croisé le regard de ce policier qui me voyant faire, me demanda de continuer à agir dans ce sens, lui-même, tentant de rester calme malgré les forces autour, derrière et devant, qui se déchaînaient, j'ai rencontré le regard soucieux de mon amie suivant la scène un peu en retrait, j'ai répondu à ce jeune à mes côté qui me dit outré: "mais pourquoi, ils nous repoussent? C'est nous, les gentils, on est légitimes nous, eux pas!!!", et moi de lui répondre, "ils nous repoussent et demandent que l'on se calme car notre manifestation est illégale, ils auraient pu nous demander de nous disperser depuis le début, et ils ne l'ont pas fait! Calmez-vous! Chantez, tapez dans les mains!", j'ai croisé le regard d'une autre qui m'écoutant dire: "Calmez-vous... OK? Calmez-vous, ça va?", me dit les bras croisés sur la poitrine d'un ton de défi: "Ah! Mais moi, ça va très bien, moi!"...(Qu'est c'qu'on peut être con parfois!)



Oui, convaincue d'aller bien, elle l'était. Et là, je me suis dit, voilà, c'est ça : la violence se nourrissait toujours de nos convictions et de cette incapacité récurrente à les c-analyser... Nos convictions grossières nous transformaient peu à peu en cons- vaincus... Puis étant cons, l'on s'en allait hurlant des chants patriotiques menant un con-bat... Et pour que le con-bat soit bon, il faudrait un vainqueur. L'on était con-vaincu que le vainqueur c'était nous... Et puis con... On s’apercevait trop tard que chacun avait pourtant perdu d'avance.



Mon amie, malade et sans voix, me dit: "Tu crois vraiment que ça sert encore à quelque chose d'être là?". J'ai répondu dans un sourire plein, que je voulais vigoureux: "Oui!!! Bien sûr! Comment pourrais-je imaginer ne pas être là! Notre présence est importante! Que ce soit en chantant, ou non, en mangeant des tartines, ou des spéculoos, notre présence est essentielle. Notre absence serait trop facilement lue comme un consentement!" Car même, si des loups étaient aussi parmi nous, je ne pouvais envisager de ne pas être là, essentielle dans mon humanité blessée.



Face à l'obscurantisme des paroles, un silence lumineux aurait été bienvenu. Malheureusement, il est bien difficile de maîtriser le loup sauvage qui hurle en nous. A l'approche de la catastrophe, les oiseaux font silence, quand les hommes, souvent, hurlent en tous sens. Les premiers sont sauvés, quand les seconds pleurent leurs morts... C'est exactement ce qui me traversait, quand l'anecdote de fin de journée m'arriva.



Nous nous étions rapidement dispersés, mesure de précaution, pour ne pas "offrir" d'occasions aux plus enragés. Ainsi, je me retrouvai d'un seul coup, seule, exténuée, la voix cassée d'avoir braillé des chansons improvisées. Je cherchais des yeux mon amie pour lui dire au-revoir, elle s'était évaporée (tant pis, me disais-je, il est des amitiés comme ça... qui s'évaporent dans des brumes Thiefaines...), j'entendis soudain les voix chaleureuses et amicales de mes amies Pat et Alison qui m'invitaient à la terrasse d'un café de la place pour boire un verre, sans réfléchir, je me dirigeai vers la table pour m'installer près d'elles,... Sauf, qu'arrivant à la seule chaise restante, je m'aperçu avec une certaine horreur que je me retrouvais par un hasard des plus malicieux, assise tout à côté d'une personne que je ne pouvais absolument plus "sentir", une personne pourtant, avec laquelle je venais de manifester pour des valeurs telles que la "fraternité"(?!)... Il est comique le hasard! Partagée entre mon envie de lui mettre une bonne baffe, ou encore, de lui jeter à la face toutes les belles choses que je pensais d'elle, j'ai hésité... Un moment... Suspendue... Sur un fil... La serveuse vint prendre les commandes... Et puis d'un coup, je me suis levée, je suis passée derrière elle, je l'ai juste ignorée, allant rejoindre une amie sur la place, je l'invitai à boire un verre au café en face, prenant soin de lui expliquer la posture fâcheuse dans laquelle je me trouvais... Il y avait entre cette personne et moi une distance suffisante pour l'oublier aussitôt et préserver ma fraternité sans tomber dans les affres de la stupidité.(Ouf!)



Oui, face à certains, l'option la plus juste, mais la moins facile parfois, est le silence, car on ne discute pas avec les con-vaincus. On se replie en soi doucement, on s'accorde bienveillance et tendresse, et on trouve ailleurs la chaleur qui fait défaut chez ceux-là. J'ai terminé mon après-midi par un pas de danse souriant avec mon amie Isabelle, une accolade pleine de douceur, un regard tendre et complice et puis j'ai regagné ma voiture.



J'ai vu la lune pleine... J'étais reconnaissante pour cette après-midi qui m'avait confrontée tout à la fois à des ami(e)s que je n'avais pas vues depuis longtemps, à des ami(e)s que je côtoyais aujourd'hui, à des ami(e)s évaporé(e)s, à d'autres de passage, à des ennemi(e)s grotesques et déguisé(e)s, à des paumé(e)s dont le nom est personne, à des connu(e)s qu'on se dit qu'on n'aurait voulu pas les connaître, à des inconnu(e)s qui le resteront, à la violence déchaînée et brutale, aux petites violences quotidiennes, à ma tristesse et à ma joie d'être là, à ma louve qui hurlait à la lune et qui se réjouissait d'avoir une meute à aimer profondément à la maison.



Un peu inquiète toutefois, je songeais que le loup était tapi là dans mon cœur et qu'il faudrait toute la sagesse du monde pour l'apprivoiser. Car pour empêcher le loup d'entrer dans Paris, il fallait pouvoir le reconnaître, pour le reconnaître il fallait l'apprivoiser. C'était la seule issue pour que ma petite meute puisse grandir dans un monde peut-être plus juste. Devenir maître loup: lui commander de se taire, lui ordonner de parler quand cela serait nécessaire, connaître sa sauvagerie, utiliser sa force, son habileté et sa sociabilité pour avancer fiers et droits sur le chemin impérieux de notre humanité... Maître oui, mais, seulement de soi.





P.S: prochain rassemblement prévu et officiel à "Bienvenue à Limoux" 15h30 place de la République le samedi 22 octobre.