La note de l'écrivain

Le rêve c'est bien, mais la réalité est plus nuancée, plus complexe, terreau du meilleur parfois du pire. L'histoire humaine est jalonnée de rêves aux allures de cauchemars..

Le voyage que notre famille entreprend permet sans nul doute d'être témoins privilégiés de faits souvent ignorés ou mal évalués. Quand on vit, comme le plus grand nombre, abrité par quatre murs et un toit, on a parfois peur mais on suppose que le danger ne passera pas la porte, préférant regarder par la lorgnette (le petit écran) ce qui se passe au-dehors. Le danger n'est pourtant pas dans la réalité, mais dans le fait de ne pas vouloir la voir, où d' en nier une partie, car elle n'est ni bonne ni mauvaise, elle est ce qu'elle est.

Notre gazette s'invite dans vos boudoirs chaleureux, petit moment de pause, réflexions, idées, impulsions et initiatives pour que résolument attentifs, nous nous souvenions que notre humanité tient dans notre faculté à rêver et notre capacité à transformer nos rêves en réalité. Pour le meilleur et le meilleur!

dimanche 16 juin 2013

Bonnefoy, bilan mitigé


Aire de stationnement de Saverdun en Ariège

C’est profitant de ce dimanche ensoleillé, jour de repos pour notre petite troupe, et installée sur une aire de stationnement non loin de Saverdun, que j’écris ces quelques lignes sur nos prestations de vendredi 14 dans les jardins de Bonnefoy…




Si l’accueil le jeudi qui précédait a été chaleureux, notre installation et les manœuvres nécessaires se sont passées sans encombre, et nos prestations en duo « Dame Oiseau » et pour la pièce « Faut pas rêver ! » ont été applaudies de manière enthousiaste, nous gardons néanmoins Xavier et moi une impression mitigée assortie du sentiment que l’on aurait pu mieux faire…

En effet, plusieurs petits points d’ombres sont venus titiller nos exigences… Malgré le monde présent à la fête et la gratuité pour le public, nous ne remplirons pourtant pas le chapiteau, nous jouerons pour une jauge de 50 personnes (30 enfants et une vingtaine d’adultes). De plus, le bruit extrêmement envahissant aux abords directs du chapiteau représentait une gêne conséquente à la fois pour le confort de jeu mais aussi pour le confort du spectateur…

Notre installation dans les jardins de Bonnefoy

un hippocampe cracheur de feu de la compagnie Akouma

Les petites vieilles du parc prennent le frais sous la glycine
Nous y avons réfléchi et discuté le lendemain avec Ysaline, habituée maintenant à assumer seule l’entrée des spectateurs sous le chapiteau… C’est alors qu’Ysaline s’énerve et nous explique qu’elle ne souhaite plus jamais se voir « coller » quelqu’un qui essaye de faire le travail qui lui est assigné et qu’elle assume parfaitement bien… Elle relève les erreurs commises et Xavier et moi ne doutons plus des raisons malheureuses qui ont induit la situation : en effet, il n’est pas normal, que dans un tel contexte (public citadin, gratuité du spectacle, conditions météo idéales) nous n’ayons pas rempli le chapiteau.

Une personne de la mairie s’est mise en devoir de se poster devant le chapiteau pour donner des indications au public avant le spectacle : les indications ont été données de façon peu sympathique et Ysaline nous dira que 6 vieilles dames ont immédiatement rendu leurs tickets de spectacle pour s’éloigner et aller plutôt boire l’apéro ! De plus, le Contoir Déambulatoire informe toujours le public que le spectacle s’adresse à un public familial à partir de 8 ans, nous ne refusons donc jamais un parent qui aurait choisi en définitive de rentrer avec un enfant plus jeune… Ce n’était pas la vision de la fonctionnaire de mairie qui a refusé qu’un monsieur accompagné de ses deux enfants (4 et 6 ans) entre dans le chapiteau. Ysaline constatant le mécontentement de la personne lui a couru derrière en l’invitant à revenir, le monsieur lui a répondu sèchement « Non ! ». Les enfants présents en masse ont été véritablement « coachés », il leur a été donné une leçon sur la manière de se comporter dans un théâtre (on doit se taire et écouter), bref tout cela a fameusement contribué à casser l’ambiance. En outre, la mairie tenant absolument à distribuer des tickets avant la pièce, il ne nous était pas possible de partir à la criée afin d’attirer l’attention du public de façon ludique comme nous avons maintenant l’habitude de le faire… Combien de personnes avons nous perdues par manque d’intelligence et de générosité…Dommage…

Le parc s'illumine au soir venu...
Outre ce problème de gestion humaine et de relation maladroite avec les spectateurs, nous avons constaté que le public semblait mal informé sur les heures et la nature des activités proposées, quand je l’ai signalé aux responsables, il m’a été répondu que le public était très bien informé, pourtant :  l’affiche de l’événement a été faite sur un visuel de la Compagnie Akouma…(notre compagnie a donc été assimilée à Akouma). Les heures des différents spectacles n’étaient indiquées nulle part, et la gratuité des activités n’était pas indiquée non plus ! Conséquence plusieurs personnes sont venues nous voir après notre prestation pour nous demander quand est ce qu’on jouait… D’autres ne sont pas venues pensant que c’était payant, d’autres encore sont venues nous remercier pour la très jolie mise en lumière du parc, mérite qui revenait à la Compagnie Akouma, qui cela dit en passant, fait un excellent travail, très poétique…

le bassin s' allume de petits photophores...

L'hippocampe crache des feux de joie

Et la magie de la nuit opère sur le public conquis...



Bref, il est toujours délicat de devoir travailler avec du personnel peu enclin à l’exercice du contact avec le public, et souvent alourdi par des règlements internes et des tensions perceptibles liées au système très fonctionnarisé et hiérarchisé du milieu. Il fût très difficile pour moi de dialoguer avec les différents « responsables », ressentant immédiatement les désaccords entre eux, ou tout simplement leur incapacité à s’adapter aux réalités du spectacle par leur volonté à vouloir « contrôler » l’événement et les personnes payées pour créer la magie ! Ce manque de confiance évident crée un complexe d’autorité qui, dans ce cas ci, est immédiatement retombé sur le public… Certains « indignés » et heureusement qu’il y en a, sont partis immédiatement refusant d’être traités de manière « infantilisante », les enfants eux n’y ont vu que du feu, mais n’est t’il pas courant qu’on leur parle de cette manière.

Ysaline, n’a pas supporté cette intrusion dans ses responsabilités, sensible à la fois aux erreurs commises et à l’insupportable humiliation que peut représenter cette manière de parler…

Voilà donc un bilan, malgré un public conquis à nouveau, un bilan donc, en demi teinte et qui nous a rendu le démontage plus difficile… On nous avait promis quelqu’un pour nous aider, on n’a eu personne, ce n’est pas grave, on peut faire tout seul et on n’hésite pas à travailler 14 heures sans être payé ! Par contre une explication sur ce point aurait été plus correcte vis à vis de nous… Personne non plus pour venir nous saluer au moment de notre départ, sans doute, qu’étant payés, ne voyaient ils plus l’intérêt à venir nous saluer, surtout un samedi en-dehors des heures de bureau, décidemment tout est compté même le salut cordial !… Toutefois, je rends hommage à Philippe qui nous a aidé au montage dans la bonne humeur et aussi Mohamed qui a voulu prendre le temps de nous dire au-revoir de nous remercier et de nous communiquer cette chaleur authentique qu’il porte en lui, n’oubliant pas malgré son rôle de fonctionnaire, que l’on peut toujours « fonctionner » tout en ayant toujours à faire avec des humains et non des machines, voir des moutons !…

Prochaine étape : Monségur en Ariège, nous y jouons à la billetterie les, vendredi, samedi et dimanche prochains…

Dure, dure... La réalité de Steve et Laura



J’aurais voulu mettre le très joli cliché que j’avais pris de ces deux jeunes rencontrés au hasard dans les jardins de Bonnefoy à peine deux heures après notre arrivée… Mais une mauvaise manipulation de mon appareil photo (je ne suis pas des plus douée) a irrémédiablement effacé tout le fichier où étaient stockées mes photos… J’ai ragé, mais en tout cas, ils ne m’en voudront pas, car Laura m’a dit : « Une photo ? De nous ? Sur ton site ? Oh ! La, la, mais j’ai une vraie tête de plouc ! »… Moi, je ne trouvais pas ! Je les trouvais même plutôt mignons…

Nous venions de prendre le repas de midi et nous en étions au petit café, quand une mamy passant sa tête dans la roulotte en s’excusant nous interpelle : « Bonjour excusez-moi, est-ce que vous pourriez me renseigner un lieu d’hébergement d’urgence dans le quartier… » Et désignant un couple de jeunes, assis sur le banc tout à côté elle enchaîne : « Je les ai trouvé au Capitole, ils dorment depuis deux semaines dans la rue, je ne peux les héberger chez moi, j’ai de la famille, vous comprenez… Ils sont épuisés, je les ai nourris deux jours et j’essaye de leurs trouver un lieu d’hébergement, mais tous ceux que nous avons visités sont complets ou ne peuvent les accueillir, je suis une mamy-maman, je ne peux pas laisser deux jeunes dans la rue quand même, on ne devrait pas laisser les jeunes dans la rue, oh ! Mon dieu, je me dis que le monde est bien triste, personne ne veut les recueillir… ».

Je jette un coup d’œil rapide vers le banc, je salue le « couple » étrange, mes nouveaux voisins immédiats… Je réponds à la dame que je ne suis pas du quartier et de plus, j’habite dans mes roulottes, je ne vois pas très bien ce que je pourrais faire pour aider, je suggère de téléphoner au Samu pour peut-être avoir des informations susceptibles d’aider… Je me tais, je réfléchis. Xavier passe sa tête au-dehors et propose aux jeunes un thé ou un café, ravis mais fatigués, ils répondent : « Oui, un thé merci… ». Je leurs propose de venir s’asseoir avec nous à notre table, et une chaise pour la mamy qui les accompagne déterminée depuis tôt le matin et qui n’en peut plus d’avoir trop marché. Nous voilà tous à table, les enfants inquiets me regardent, ils ne comprennent pas bien ce qui se passe, sauf Ysaline qui tente d’élaborer des solutions… (Sacrée Ysaline !)

Je me lève et vais voir le gardien du parc : « Excusez-moi, je suis la dame qui occupe la roulotte, verriez-vous un inconvénient à ce que je loge ces deux jeunes à la rue, juste pour une nuit, ils sont épuisés, ils ont besoin de repos d’urgence, et, cet après-midi, mon chapiteau sera monté, il pourrait être un abris confortable pour eux, le temps d’une nuit. » Il répond en souriant : « Oh ! Mais oui, évidemment, pas de problème, mais allez quand même le signaler au personnel de mairie responsable de votre accueil… ». Confiante et naïve, je me rends dans le hall d’accueil de ce petit centre culturel de quartier pour aller signaler mon intention aux personnes responsables. Je me heurte immédiatement à un refus. J’insiste, je me porte responsable, ils sont loger chez moi, dans l’espace de mon chapiteau. En souriant, la personne me répond : « Oui, mais ton chapiteau et tes roulottes sont dans un parc qui appartient à la Mairie, vous êtes donc tous sous la responsabilité de la Mairie… C’est donc absolument impossible. » La personne ajoute, qu’une fois son repas terminé, elle viendra les voir aux roulottes. Je la remercie et regagne mon petit « chez moi » en me disant que moi aussi je ne suis plus jamais « chez moi » mais toujours chez les autres, car même cet espace « public » possède des gardiens, des barrières et un code d’accès, il est interdit d’y pénétrer la nuit, de se rafraîchir les pieds dans l’eau de cette fontaine qui occupe le centre du jardin…


Dépitée je fais part de la nouvelle aux deux jeunes, et j’ajoute que la dame de la Mairie viendra les voir pour leurs fournir des informations peut-être utiles… Nous prenons le thé en nous découvrant les uns les autres…

Laura a 19 ans, les cheveux longs et bouclés, la peau blanche parsemée de points de beauté, elle porte des lunettes, elle a le sourire timide et le regard désolé des gens qui ne veulent pas déranger, elle s’excuse d’être là. Steve a 18 ans, les cheveux châtains, un jeans prêté par un ami dans lequel il flotte à présent, (il a perdu 5 kilos en deux semaines), « le stress sans doute », il sourit plus facilement, il semble plus détendu que Laura. Je demande :

-« Comment vous vous êtes retrouvés dans cette situation ? »
-« On ne pouvait plus payer notre loyer, le propriétaire a changé la serrure sur la porte… »
-« Mais il ne peut pas faire ça sans vous informer au préalable… Vous devriez pouvoir récupérer vos affaires personnelles ! »
-« Oh ! Il les a sûrement mises à la poubelle nos affaires… Non, c’est fichu… »
-«Mais vous avez sûrement un recours contre lui… »
-« Ah, mais on a été voir les gendarmes, ils nous ont envoyé sur les roses, c’est pas leur problème qu’ils nous ont dit… »

J’enchaîne :

-« D’où venez- vous ? »
-« De Lavelanet en Ariège… Je pensais pouvoir trouver du travail à Toulouse, mais ça fait deux semaines que l’on cherche un hébergement ou un travail mais y’a rien ici, la ville c’est encore pire, j’arrive pas à dormir dans la rue, on nous agresse, alors je dors pas, avant j’avais mon chien, j’étais un peu rassurée, mais j’ai dû le donner à quelqu’un hier parce que je savais plus lui donner à mangé… Je me dis qu’elle est mieux là ou elle est… Steve il veille la nuit, on essaye de dormir un peu chacun à tour de rôle… Là, je sens que je pète un plomb, les heures avancent, et la nuit se rapproche, et la nuit j’ai peur, je supporte plus d’être dans la rue… »

Laura est la dernière qui a parlé elle regarde Steve avec un petit sourire désolé, elle enchaîne :

-« Steve il en chie aussi, mais il le montre pas, parce qu’il est pas émotif comme moi, mais il en chie aussi, moi je le sais, et puis il sait que moi ça va pas du tout, je deviens dingue, faut pas qu’on reste ici, y’a rien ici pour nous, faut qu’on parte, Steve il sent que moi ça va pas, alors il se retient, il montre rien… »

Claire (la dame de la Mairie) arrive, elle les salue, et leur donne deux trois indications, elle leurs demande s’ils sont majeurs. Peu après Nadia (de la Mairie) arrive à son tour, elle interroge les jeunes et leur demande d’où ils viennent, elle semble ne pas bien comprendre qu’ils ont dormi près du Capitole, et qu’ils sont arrivés à pied, Claire quant à elle, voit toutes ses indications refoulées par le « couple » qui précise avoir déjà effectué les démarches en ce sens sans que cela ne donne une réponse efficace et positive… Moi, je me rends compte qu’un dialogue de sourds s’installe, les responsables de Mairie insistent et je suis peu étonnée des propos de ces deux jeunes qui ne cessent de répéter que toutes ces pistes ne mènent à rien.


Il semble suffire aux uns de savoir que des structures existent pour croire que les problèmes seront réglés !... Et les autres tentent, fatigués et pour la énième fois, de faire entendre aux premiers que ces structures sont toutes complètes, ou que les procédures d’accueil rendent inaccessibles les lieux aux personnes ne répondant pas aux critères demandés (pas les papiers d’identité valides, pas un couple, célibataire et sans enfant…). Même le squat autogéré tout à côté, les aura refusés, car les membres militants de ce squat se définissent comme faisant partie d’un « groupe, ils se connaissent tous et leur action est définie comme politique ayant pour objectif de mettre la main sur des propriétés inoccupées, pur scandale pour les sans logement ». Alors là ! Je fulmine et je me dis : il est pas beau le paradoxe ?! (J’exècre la politique : j’ai toujours pensé que la politique était un bien piètre outil pour agir), mais veulent ils vraiment agir ? Et les buts poursuivis ne sont-ils pas forts différents ?

Après s’être reposés dans notre petite roulotte une partie de l’après-midi, ils ont décidé de prendre un train vers Narbonne, Ysaline leur a donné un peu d’argent (dont ils ne voulaient pas) pour acheter des tickets, ils sont repartis sous la pluie, couverts à peine de vestes de jogging blanches, les épaules rentrées avec l’espoir de se faire mieux aider à Narbonne… J’ai pris trois photos d’eux, on s’est embrassés, on a rit un peu, ils ont promis de nous donner des nouvelles et nous ont remercié chaleureusement, mais… de quoi au juste ? Faut-il aujourd’hui être remercié pour passer un peu de temps avec celui qui demande, faut-il des courbettes et des politesses pour se voir offrir un thé, et échanger quelques bons mots qui font sourire, faut-il remercier parce que l’on vous trouve joli à prendre en photo ?

Laura à une maman qui lui a proposé de revenir à la maison, mais sans Steve, Laura ne peut s’y résoudre, Laura n’a plus son papa… Steve lui, a une maman et un papa, mais il est en conflit grave avec ses parents (il ne me dira pas les raisons), il est donc à la rue depuis maintenant un an… Il possède une formation de coiffeur-maquilleur et espère pratiquer son métier un jour… Il est porteur d’une carte d’identité non valide… Laura a travaillé au « black » et possédait des aides de la caf qui lui ont été enlevées sur dénonciation d’un voisin car elle avait osé héberger Steve et l’avait fait passé pour son compagnon pour toucher des aides majorées, la Caf l’a sanctionnée, elle a perdu son emploi, ses aides, n’a plus pu payer son loyer, elle s’est retrouvée à la rue sans ses maigres affaires personnelles… Son dernier patron a fait faillite ne lui permettant plus d’avoir accès à ses anciennes fiches de paye, fiches de paye qui pourraient peut-être lui donner accès provisoirement à un RSA, le temps de se retrouver un peu… La suite, vous la connaissez, la rue, l’insécurité, l’incompréhension en face, la peur de devenir « un sans domicile de trente ans, un vieux débris alcoolique… » Laura dira ces mots en s’essuyant le nez sur sa manche, cherchant à soustraire à mon regard ses larmes. Quand on n’a plus rien à soi, il reste toujours ses larmes pour pleurer… Elle les a gardées précieusement pour elle, elle ne voulait m’offrir que le sourire et la beauté et la jeunesse et la force et la dignité… Toutes choses qui vous donnent une apparence  humaine.

Quand à moi, je suis si triste de voir la misère frapper de plein fouet deux si jeunes, cette société qui se prétend avancée mais qui semble incapable d’offrir une nuit de repos à ces jeunes, je suis écœurée par le militantisme égoïste qui palabre et ne fait rien squattant fièrement le bien d’un autre et se l’appropriant, je suis choquée que l’on ait pu me justifier un refus de les héberger en me renvoyant : « Que même pour moi, il n’était pas souhaitable de les accueillir, car tout de même… Je ne les connaissais pas ! ».

Ah ! Nous y voilà ! C’est donc cela, il faut avoir peur, cette peur immense mais absurde qui justifie toujours bien à point notre cruel manque d’imagination, cette peur qui apporte des excuses à nos manquements et qui maquille grossièrement nos zones d’ombres que l’on préfère laisser au placard… Cette peur atroce qui nous fait commettre le pire, comme dans ce très beau film que je regardais le soir même, « Liberté » de Tony Gadlif, qui évoque la tragédie du génocide des bohémiens lors de la seconde guerre mondiale, et qui faisait écho magnifiquement à ce que je vivais le jour même. Oui, décidément, les seules choses dont on n’ait pas peur dans ce monde sont sans doute les paradoxes : On aime beaucoup les mots « liberté » ou encore « égalité », ou mieux encore,  « fraternité »… Et pendant que l’on adore les mots, les choses et les êtres bougent, attendent, espèrent, vivent et meurent dans les pires souffrances parfois, mais pour certains la souffrance n’est qu’un mot de plus, un mot rangé soigneusement dans le placard de la conscience et qu’ils ne sortent à l’occasion que pour mieux palabrer sur… les autres ( sujet sans fin) voulant si peu regarder en eux-mêmes ! On préfère avoir peur, reléguant confortablement l'étrange, puis l'étranger, puis tous les étrangers, dans le continent de l'étranger en soi, ce continent sans cesse grandissant et que l'on ira jamais visiter...

mercredi 12 juin 2013

Une rencontre: Arnaud dit "bouclette"


Arnaud à l'entrée de son camion

Arrivée sur le parking de « La ramée », je remarque vite un camion qui a l’air habité, rangé le long de la bordure non loin de notre convoi… Je vais faire la connaissance de son occupant dès le lendemain.

Arnaud
Le jeune homme au teint brun, les yeux bruns, les cheveux rasés de près, m’accueille en souriant, je me présente et lui demande son prénom, il répond toujours avec ce sourire qui ne le quitte pas : « Arnaud, mais on m’appelle « bouclette », devant mon air sans doute étonné, il ajoute que le surnom lui vient de sa chevelure (avant qu’il ne se rase), que ses cheveux étaient drus et bouclés… » Les cheveux sont rasés, mais le surnom est resté ! Je pénètre dans le camion, l’espace est d’environ 7 mètres de long, sur une largeur d’un peu plus de 2 mètres, cela me semble gigantesque pour un homme seul, moi qui partage le même espace avec 5 autres personnes.

Arnaud a 31 ans, il a obtenu un bac technique dans le Génie Civil, il a ensuite été manœuvre sur des chantiers, durant cette période il a aussi été formé auprès des compagnons du devoir, il travaillera 3 ans dans le bâtiment, mais très vite il n’aime pas l’ambiance qui règne dans le milieu : mal parlé, machisme, et irrespect pour le personnel ouvrier. Il décide alors de se diriger vers les travaux publics ou il apprend le métier de poseur de canalisations, il devient alors chef d’équipe sous contrat intérim.
Face à l'entrée le plan de travail de la cuisine
A droite, l'espace salon: les banquettes en "u" autour de la table


Son amour du voyage le pousse à partir deux années au pays basque, il y exerce son métier et en même temps découvre le pays. Malheureusement, il devra cesser son activité, qu’il adore pourtant, car de sérieux problèmes aux poignets l’empêcheront d’envisager sa carrière sereinement dans un métier très physique mettant ses poignets à rude épreuve. C’est alors qu’il a l’idée de devenir chauffeur routier : grâce à sa propre volonté, quelques économies et le coup de pouce de ses parents, il passera le permis poids lourd, et à force de harcèlement il obtiendra le FIMO (autorisation payante d’exercer le métier de transporteur pour les entreprises). Depuis 2009 il est donc chauffeur routier intérim, cela satisfait pleinement ses envies de bouger. Il commence sur un camion de petite taille et fait des trajets relativement courts, depuis, il m’explique que cela fait 2 ans qu’il roule en semi et effectue des plus longues distances.

Quand ses périodes de travail sont terminées, il regagne son camion aménagé. Ses multiples compétences lui ont permis d’aménager ce camion acheté à un forain et ensuite remis en état grâce à ses bons soins. Au départ son habitat était plus modeste, et c’est ensuite qu’il a fait l’acquisition de ce camion plus spacieux… Il effectuera avec l’ancien camion à peu prêt 150000 km sur une période de 3 ans et demi, il séjournera en Italie, en Tchéquie, Slovaquie, Pologne, Autriche, Hongrie, Croatie, Espagne, Portugal et Maroc.

Quand je lui demande prudemment si il se sent heureux, il répond sans hésiter que oui ! Et c’est vrai qu’il a l’air d’un homme heureux… Quand je lui demande si il lui manque quelque chose, la réponse ne tarde pas : « Mes quelques vrais amis sont sédentaires, et donc je ne les vois que peu, dans les épreuves (il vient de perdre son grand-père et se rend fin de semaine aux obsèques) la solitude est parfois plus lourde ». Il ajoute avec un petit sourire que la vie de couple lui manque parfois, mais que son choix de vie ne facilite pas le fait de trouver une compagne.
A gauche de l'entrée, un espace douche

Au fond à gauche le lit


Voilà, je quitte Arnaud, chauffeur routier et dandy, (voir sa belle collection de chapeaux),  je prends quelques clichés de lui, de l’intérieur de son camion, et je le laisse travailler à la réparation des enduits du camion mettant à profit ses quelques jours de congé. Je le quitte en méditant cette phrase qu’il m’a donnée au hasard de notre échange : « Un homme meurt, une étoile est née, tu resteras présent à tout moment ». Les gens qui voyagent et qui choisissent la vie nomade, expérimentent au quotidien, quelque chose qu’il est plus difficile d’observer dans la vie sédentaire : le mouvement inhérent à chaque chose, à chaque être, ceux là s'en vont, d’autres arrivent, au-delà de ces mouvements, la vie, elle, continue vaillamment, sans se soucier du mot fin.

Demain, en route pour les jardins de Bonnefoy, et ça tombe bien, car nous venons d'avoir la visite cordiale mais non moins ferme des gardiens du parc et nous devons dégager... Eh! Oui, certains partent, d'autres arrivent, mais que l'on ne s'inquiète pas, nous ne laisserons aucune trace de notre passage... trop soucieux de laisser une Terre propre.

lundi 10 juin 2013

Arrivée du convoi sur Toulouse



A peine arrivés... Ils jouent de la guitare...
Après avoir assuré l’instruction des enfants ce matin, et puis pris le repas de midi, nous avons sanglé nos affaires, fermé les portes d’armoires, vérifié les fermetures de portes et fenêtres, vérifié les liquides moteurs du 4x4, attelé, et pris la route vers Toulouse… La pluie nous a quittée peu à peu et enfin laissé place au soleil, pour arriver après deux heures de route sur la cité rose…
Installation sur le parking de "La Ramée" à Toulouse



Nous ne sommes plus habitués à rouler en ville et il n’est pas facile de jongler entre les files avec notre convoi. Les conducteurs sont très vite énervés et il nous faut sans cesse regarder partout à la fois pour éviter les collisions. Nous sommes arrivés à peu près aux heures des sorties d’école ce qui n’arrange pas les choses. C’est là que l’on peut estimer notre « tenue » au stress.

Nous avions repéré une aire de stationnement possible au lieu dit « La Ramée » au sud ouest de Toulouse, c’est en fait une aire de loisir. Il pourrait être agréable de se baser là, les deux jours de creux avant de reprendre le petit bout de chemin vers le nord ouest de Toulouse où nous sommes attendus pour installer le théâtre de poche dans le parc de Bonnefoy. Nous n’avons pas l’autorisation de stationner dans le parc pour une durée excédent les quatre jours : c’est pourquoi il nous fallait trouver un lieu de repos d’ici à mercredi…
le petit lac


Nous arrivons donc à destination vers 17h30, et nous constatons d’emblée qu’il y a un interdit de parking concernant les caravanes… Plus loin un panneau indique l’interdiction de stationner pour le tourisme plus de 24h00… Ça tombe bien, nous ne sommes pas là pour le tourisme ! J’aborde un Monsieur au hasard et lui demande s’il y aurait un autre lieu pour y garer notre convoi sans risquer un contrôle de police. Il me répond que les contrôles sont rares dans le secteur et que mis à part le parking du KFC, il n’y a pas d’endroit où poser nos roulottes. Nous décidons donc de prendre le risque de nous installer là, nous risquons tout au plus un contrôle demain matin et nous aurons gagné 24h00. L’aire de loisir est sympa, c’est un beau parc avec un lac de taille modeste et un autre plus grand, les espaces sont parfois aménagés pour les enfants et je me dis que c’est un véritable luxe pour les habitants d’avoir un tel espace vert à proximité de la ville.

Le grand lac
les petits jeux...


les grands jeux ou les jeux des grands aussi...

Et même... Le petit Kawa











Toute le famille en profite pour se dégourdir les jambes, profitant de la douceur de cette belle fin de journée, avant le souper… Le soleil baisse à l’Ouest et les derniers rayons nous réchauffent, ponctuent de tiédeur les instants de bonheurs simples autour des jeux de nos enfants. Ce soir nous irons nous coucher heureux, la journée fût sans encombre… Et elle se termine dans une atmosphère qui évoque les vacances. 







dimanche 9 juin 2013

Représentations à Saint Ybars (Ariège)



Après 2 heures de route, nous sommes arrivés à Saint Ybars (Ariège) lundi 3 juin… Enfin un peu de soleil, un peu de chaleur et de lumière, et même pas un petit nuage à l’horizon ! On peut espérer monter le chapiteau demain, les pieds au sec !
 
Installation sous le soleil


Les enfants jouent sur la terrasse toute à côté
Saint- Ybars est une bastide abritant
environs  700 habitants derrière son enceinte, l’ancien village en effet entouré de murs fortifiés, possédait un château, aujourd’hui disparu. Seule, l’église serait édifiée sur une partie des fondations du château… Les maisons s’alignent le long des petites rues sinueuses, elles sont faites de briques roses et certaines laissent voir leurs colombages. Le village est charmant et sa position dominante permet au visiteur de voir au loin les sommets enneigés des
 Pyrénées. La vue est magnifique ! En contre bas du village, il y a un lac, et nous promettons aux enfants, si le temps le permet, une baignade bien méritée, ce jeudi, jour de repos…

Nous montons le chapiteau, et les enfants de l’école toute à côté sont très intrigués. Nous rencontrons la Directrice (Mme Légé), qui nous demande s’il est possible d’accueillir les classes de CM1 et CM2, pour un moment d’animation. Nous recevrons donc les deux classes pour une heure de rencontre le jeudi matin, satisfaisant ainsi leur curiosité. Nous présentons le Contoir Déambulatoire, les différents personnages de la pièce, nous expliquons sommairement l’histoire des personnages, et nous proposons des petits extraits de la pièce, nous terminons par la visite des roulottes et les coulisses du spectacle, ensuite certains  enfants nous posent leurs questions.  L’expérience nouvelle pour nous, s’avère très concluante et positive, nous passons un moment très agréable avec les enfants se montrant très intéressés et posant plein de question. La Directrice est enchantée, et nous invite à la recontacter pour l’année prochaine, en vue de jouer notre spectacle et animer certains groupes scolaires dans le secteur. Nous sommes ravis car tout le monde dans la famille à apprécier ce moment et cela nous confirme que nous devrions, à l’avenir,  creuser cette piste. De plus,  je suis heureuse de constater que certains professeurs sont ouverts et se tiennent prêts à encourager  la curiosité des enfants. La Directrice est venue d’elle-même, sans que nous démarchions dans ce sens.

Vue dégagée sur les sommets des Pyrénées au loin



Le mercredi nous sommes prêts à jouer mais malheureusement nous n’aurons que 9 personnes, (3 adultes courageux et 6 enfants). Nous sommes dépités, et nous constatons qu’il est très difficile de mobiliser les gens… Nous y voyons plusieurs raisons : La région est sinistrée, et beaucoup de ses habitants vivent du RMI, d’autres possèdent une activités rémunérées mais les salaires sont si bas qu’il leurs est impossible d’envisager une sortie au théâtre à 8 ou à 5 euros la place (nous rencontrons de plus en plus de travailleurs précaires), d’autres encore ne semblent pas intéressés par notre démarche si inhabituelle dans ces petits villages, et enfin, le temps extrêmement court (une petite semaine) ne suffit pas à faire fonctionner le bouche à oreille nécessaire pour remplir notre chapiteau.

Le vendredi arrive et nous nous préparons à recevoir le public, nous jouerons devant 30 personnes… C’est encore loin du compte pour que l’on puisse s’en sortir financièrement et nous devrions peut-être envisager de monter un dossier pour une demande de subsides ce qui nous permettrait de proposer le spectacle gratuitement où à un prix diminué, tout en continuant à assurer les frais inhérents à notre choix de vie. Nous pourrions aussi rester plus longtemps dans un même village, augmentant ainsi l’efficacité du bouche à oreille, en effet, le public est souvent conquis, mais,  au moment où le bouche à oreille commence à fonctionner nous sommes déjà repartis vers un nouveau lieu. Ensuite il faut être convaincus et patients, car encore trop de gens ne voient pas l’intérêt de payer l’artiste, n’envisageant sans doute pas le métier comme un « vrai » travail ! Ceux- là changent toujours d’avis, lorsqu’ils finissent par se déplacer pour venir voir notre spectacle…

Les petites ruelles sinueuses
La mairie de Saint Ybars

En tout cas la représentation du vendredi était excellente, le public était unanimement ému, et nous avons, une fois de plus, fait de merveilleuses rencontres, nous avons passé de magnifiques moments avec Mirelle et Jean-Pierre (Ambassadeurs du Contoir Déambulatoire) qui habitent le village, le Maire est un homme charmant et s’est mouillé la chemise pour nous accueillir dans le plus grand confort (Ah ! Ca fait du bien d’avoir à faire à des Mairies qui s’impliquent)… Le temps était au beau fixe, « était », car malheureusement, le temps à tourné, il nous a fallu démonter le chapiteau le soir même du vendredi, nous avons donc terminé notre journée de travail à deux heures du matin, mais le démontage fût joyeux car nous étions portés par l’enthousiasme du public de ce soir… Nos enfants se sont endormis contents d’eux. Et déjà, il nous faut penser à repartir, prochaine étape, Toulouse, il s’agit d’un contrat, nous sommes donc  à peu prêt sûrs d’avoir un chapiteau plein. Nous y jouerons notre spectacle et un passage en duo « La Dame Oiseau et le Bigleux » vendredi 14, dans les jardins de Bonnefoy, non loin de la gare Matabiau.

Les maisons en briques et colombages



Nous prenons la route demain lundi, probablement sous la pluie qui tombe à nouveau… Décidément le temps semble être capricieux cette année- ci…  Peut-être reviendrons nous avec joie, pour tenter d’émerveiller les enfants…  Car si « Faut pas rêver ! » est une invitation à renouer avec son rêve et à le réaliser, il est sûrement bon de transmettre le message aux enfants, car ceux-ci sont souvent bien plus proches de leurs rêves, que nous,  les adultes pétris malheureusement de croyances effrayantes empêchant l’accès à notre intuition…
L'entrée de l’église construite sur les fondations du château

 

mardi 4 juin 2013

Et une bonne inondation à Montbrun bocage (Haute-Garonne)





Arrivée sous la pluie à Montbrun bocage
Nous sommes arrivés sans trop de peine le 29 mai à Montbrun-bocage, petit village à la limite entre la Haute-Garonne et l’Ariège… Après avoir rencontré  le maire, il a été convenu que nous pourrions jouer 3 dates, soit le vendredi, le samedi et le dimanche. Nous espérons ainsi profiter de l’affluence du public pour le marché du dimanche afin d’augmenter les chances d’avoir un chapiteau plein. Nous voilà donc le jeudi tout occupés à monter le chapiteau et nous sommes sur le point de terminer l’installation, quand vers 20h00 nous recevons la visite des pompiers…

On nous avait prévenu que l’année 2013 serait l’année du changement, j’espérais quant à moi qu’il s’agirait de l’année d’une confirmation (celle de notre projet de vie), en fait il s’agit des deux : Il ne fait plus l’ombre d’un doute que nous subissons un changement climatique, et plus de doute non plus quant à la confirmation que notre projet est une sacrée aventure ! Un bon petit déluge ça vous nettoie l’esprit…

Alors que calmement, pour ne pas dire blasés, nous terminions d’accrocher la gouttière du chapiteau sous des litres d’eau tombés durant toute la journée, alors que nous commencions à rêver à une petite soirée au chaud (j’ai allumé un feu dans les roulottes) et tranquille sous la couette douillette, voilà qu’un véhicule de pompiers approche de la roulotte… Ils viennent nous mettre en garde car nous sommes à côté d’une jolie rivière qui menace de sortir de son lit alors que nous rêvions justement de glisser dans le notre ! La nature peut être extrêmement contrariante…

La rivière en crue


L'eau est montée d'un mètre en 1h30


 
Ceci devrait être un petit ruisseau très calme!
 Ainsi donc, il a fallu  faire souper tout le monde, réatteler le 4x4 à la roulotte, coucher les enfants en donnant des consignes en cas d’évacuation durant la nuit, sangler et sécuriser, à nouveau, les objets et meubles dans la roulotte, et organiser des tours de garde avec Xavier toutes les deux heures, afin de surveiller de près la montée des eaux… Chouette nuit en perspective.

C’est ainsi qu’entamant mon premier tour de garde, je profite que le monde dort pour écrire ces quelques lignes en méditant et en invoquant tous les saints compétents à convaincre le cours d’eau de suivre son chemin et à oublier nos roulottes… Il est 23h00 et la nuit risque d’être longue, je vais donc boire mon petit café et aller jeter un œil par-dessus le muret afin  de juger du niveau d’eau.

Et voilà qu’ayant vaillamment passés la nuit sans devoir évacuer d’urgence, nous nous réveillons à 7 heures et demandons à Mado d’aller vérifier le niveau de l’eau. Celle- ci revient en hurlant : « Papa, le niveau est monté, l’eau est montée jusqu’à la terre ! ». Xavier va vérifier et revenant l’air penaud, il m’annonce qu’il faut démonter car l’eau est montée d’un seul coup d’un mètre environ…  Et donc la journée s’entame avec le démontage du chapiteau et la perspective de notre première soirée à Montbrun bocage annulée ! Autant dire que l’ambiance est comme le climat : maussade…
J'ai à peu de chose près la même tête au mois de Novembre pour la fête des morts..
Nous nous installons plus haut dans le village sur un parking en face de l’école et ainsi nous pourrons passer la prochaine nuit en sécurité… Nous projetons de pouvoir remonter le chapiteau le lendemain matin, si les crues ont stoppé. C’est ainsi que nous nous réinstallons à l’endroit initial et nous aurons terminé le montage à 14h30 pour jouer à 15h30. A 15h30, inquiets, nous constatons qu’il n’y a que 5 personnes se présentant au chapiteau, nous obligeant, fatigués et découragés à annuler cette seconde représentation. Nous invitons les gens à revenir le lendemain, jour de marché, ou nous espérons avoir un peu plus de monde…

Le temps ce dimanche matin est encore à la pluie et le marché fait grise mine, le public n’est donc pas au rendez-vous, et malgré des passages répétés sur la place du marché pour essayer d’égayer le monde et attirer les badauds à 13h00… Nous n’aurons que 25 personnes courageuses et audacieuses venues un peu remplir nos bancs… Cela aussi, faut il le dire, grâce à un rabais de dernière minute pratiqué sur le prix de la place : « dur, dur, le métier d’artiste ! ».

L'eau ne passera jamais au dessus du pont, mais on a craint le pire!
Bref, nous quittons Montbrun- bocage assez épuisés, les poches vides, et un clignotant cassé (qu’un conducteur maladroit a cassé en partant pendant que nous jouions-dommage il n’a pas laissé ses coordonnées…). De plus, j’aurai droit à une visite d’urgence chez l’ostéopathe à 30km, le Docteur Farines à Cazeres, pour me débloquer le cou que je me suis coincé au petit matin… Ah ! Y’a des jours, je vous jure, où on se demande qui a eu cette bête idée de faire du spectacle sur la route.

Enfin, le village de Montbrun est très joli, son maire est d’une efficacité et d’une rapidité exemplaire, et si le temps avait été de la partie, cela aurait pu être une belle étape, en tout cas c’est une belle région pour ceux et celles qui aiment les belles ballades et l’authenticité des bâtisses. Merci donc aux habitants de nous avoir si bien accueillis, merci aux rencontres sympathiques et solidaires, à Patricia pour son tuyau d’arrosage et son petit café expresso, merci à ceux qui nous ont donner trois buches de bois pour allumer du feu et permettre le séchage de nos vêtements, merci à Dominique pour le prêt de son grenier  afin d’étendre notre linge et merci à « la Renée » 84 ans, pour le petit moment à « craquer »(papoter) sous le rosier ancien  en profitant des quelques rares rayons de soleil… Et peut-être à une prochaine fois, sous des cieux plus cléments ! Prochaine étape : Saint Ybars, les mercredi  5 juin à 15h30 et vendredi  7 juin à 20h30…   





Tempête à Spirale dans le Gers



Et voilà, c’est parti… Nous avons commencé notre tournée 2013 par le festival Spirale à Histoires dans le Gers… Après avoir vécu les derniers mois d’hiver au Pré en Bulles à Quillan, nous avons  le cœur un peu lourd de devoir quitter les amis et laisser notre hôte, Stéphane, sur le parking de la brasserie… Mais le spectacle nous attend et la route nous appelle. Le départ nous réservait déjà sa petite part de frisson car le camion ne démarre pas, heureusement que Jean-Philippe présent sur le lieu, nous aide par ses éclairages efficaces de mécanicien à détecter la cause de la panne, nous parvenons à démarrer et nous faisons une halte non- loin, à Limoux, pour remplacer le fusible grillé, facteur de la panne…

Petit repas rapide pour reprendre la route aussitôt avec pour objectif, l’aire de stationnement de l’Isle Jourdain. Nous nous sommes bien sûr égarés dans Toulouse, ayant loupé la route direction Auch, et ainsi empêtrés dans une ruelle interdite au plus de 9 mètres, nous avons eu notre deuxième frayeur de la journée… Comment sortir de cet espace étroit sans risquer de provoquer un accident avec notre convoi énorme, ou sans réveiller la colère des usagers se trouvant bloqués pour un moment certain, le temps de trouver des solutions ?… Au bout d’une heure trente de manœuvres impossibles, nous tentons une sortie par le bout de la ruelle en contournant un square très exigu… C’est là que l’on se met à croire en Sainte Sarah (patronne des gens du voyage)… Y’a pas à dire les épreuves ça aide à l’émergence de la foi !

Ouf ! C’est passé… Nous continuons notre voyage vers Auch, et nous provoquerons un accident (deux conducteurs impatients tenterons de nous dépasser alors que nous demandons notre chemin à des badauds sur le trottoir d’en face, agacés, ils se rentreront dedans). Alors là, je me tasse très fort sur mon siège et je m’arrange pour être transparente… Nous rigolerons plus tard, en nous disant qu’il serait bon à tout un chacun de travailler la patience et le Carpe Diem…

Enfin, nous voilà à l’Isle Jourdain, un peu après Toulouse, les enfants sont ravis de se dégourdir les jambes autour du lac et de faire de la grimpette à l’aire de jeu, nous passerons la nuit ici, et nous terminerons le voyage vers Riscle le lendemain. C’est donc le lendemain que nous poursuivons notre route, cette fois sans incident, pour arriver fin d’après-midi sur le lieu Eco Pierre et Terre où a lieu l’événement, nous arrivons bien à temps, nous aurons 4 jours pour nous familiariser avec le lieu, monter le chapiteau, faire une répétition générale, et peut-être même nous reposer un peu…

Installation sur le site de Spirale à Histoires à Riscle dans le Gers

Le temps des premiers jours est clément, et nous bénéficions entre deux pluies, de larges moments d’éclaircies et de chaleur, cela nous fait du bien après l’hiver très pluvieux que nous avons vécu cette année, et la famille apprécie de pouvoir enfin sortir un peu de l’espace confiné des roulottes. Seulement voilà, ça allait se gâter ! En effet au fil des jours le temps devient de plus en plus incertain, Xavier et moi, sommes inquiets car les pluies augmentent sensiblement, nous sentons que l’étanchéité du chapiteau va être mise à rude épreuve et nos nerfs aussi… De plus je suis inquiète ayant eu des problèmes de santé ces derniers temps, il va falloir jouer dans des conditions de stress et de tension jusqu’alors jamais éprouvées à ce point… J’essaie d’évacuer mon stress en allant aider les bénévoles travaillant assidument dans les cuisines. Je fais à cette occasion quelques rencontres amicales qui me procurent tendresse et soutien… Mes enfants jouent souvent à l’extérieur avec les quelques enfants de bénévoles présents sur le lieu (Tao, Laïa, Artus, Julie,…) Ils sont trempés comme des soupes, et le terrain sur lequel les roulottes sont stationnées se transforme peu à peu en marrais. Les conditions météo se dégradent toujours de plus en plus, et l’on prévoit même une tempête annoncée pour le samedi qui arrive…

Rencontre avec Thomas bénévole et comédien

Rémy bénévole qui aime Renaud (le chanteur)

Dominique qui dirigera les cuisines et les nombreux bénévoles qui y préparent les repas


Thibault, un cadeau pour moi...

Nous étions venu, nous avons vu, nous avons vaincu ! En effet, les vents ne cessèrent d’augmenter toute la journée du samedi, nous faisant craindre l’annulation pure et simple de la représentation peut-être même l’annulation du festival…  Des températures digne d’un mois de Novembre (8 degrés), et des vents en pleine représentation à plus de 90 km/heure, des seaux d’eau en trombe et 45 personnes présentes sous le chapiteau, sidérées d’assister à un combat en scène pour que le spectacle continue, certaines d’entre elles se relayeront pour sortir afin de solidariser les murs de notre chapiteau qui menacent de s’envoler, une panne de courant forcera les talents d’improvisation durant 5 minutes et enfin comme une cerise sur un gâteau, le lustre en cristal du décor tombera en plein spectacle, évitant de justesse un enfant du public (Magnifique réplique de sa part : « Eh ! C’était fait exprès ? ». Réponse de ma part : « Mais bien sûr, nous avons répété des mois et des mois, pour que le lustre tombe exactement à cet endroit et sans blesser personne ! » Hilarité générale du public). Franchement, je ne sais qui est le plus à applaudir quand nous arriverons enfin aux derniers mots de la pièce, et notre envie est grande de remercier le public qui a fait l’effort de nous suivre jusqu’au bout dans cette représentation apocalyptique ! La représentation du lendemain se fera sous la pluie mais le vent est enfin tombé… Et le lustre, lui, est resté à sa place… Nous avons plus que testé le système d’étanchéité, corrigé plusieurs fois par Xavier, et nous pouvons être très satisfaits : sous le chapiteau, il fait presque complètement sec… Pas mal, au vue des litres tombés du ciel Gersois ! Malgré le fait qu’un arbre est tombé sur le site, nous ne subirons aucune casse et il n’y aura aucun blessé au cours de l’événement. Un miracle ! Il doit aussi y’avoir un Dieu du spectacle.

Pas besoin de la baignoire à Spirale, nous sommes délavés par les trombes d'eau tombées du ciel!
 Nous avons joué, nous avons démonté aussi sous la pluie… Et nous nous sommes retrouvés épuisés après le week-end, le froid, les enfants ont attrapé la crève, moi aussi… Et puis il fallait déjà  que j’aille passer des examens de contrôle à l’hôpital,… OUPS… Je m’étais arrangée pour laisser cela « dans les vestiaires » (histoire d’honorer ce contrat de manière efficace), voilà donc que ce mardi arrive et que toutes mes angoisses contenues depuis mon arrivée surgissent et pleuvent comme un déluge sur mon corps embourbé, certaines personnes travaillant  sur le festival comprendront parfaitement ce qui m’arrive et je pourrai partir avec Xavier mon compagnon pour ces examens qui me stressent… Cela faisaient des jours que je méditais sur l’idée « Il n’y a rien », et voilà qu’attendant dans le cabinet du médecin pour avoir son diagnostic, je la vois apparaître, et tendue je l’écoute, aussitôt incrédule je l’entends m’expliquer : « je ne comprends pas pourquoi votre médecin vous a fait venir, il n’y a rien »… Y’aurait t’il aussi un Dieu, juste pour ma petite personne ? Et c’est soulagée, que je sors de cet hôpital, mes clichés de scanner (ou il n’y a rien) sous le bras et pressée d’annoncer la nouvelle à mes enfants que j’ai laissé inquiets, et aux deux trois personnes touchées par mes petits soucis personnels.

Parfois l’aventure est dure, quand loin des amis, il faut essayer de tenir pour soi ses problèmes qui pèsent mais que l’on juge trop personnels pour pouvoir s’en ouvrir aux autres… Car souvent dans ces rencontres particulières liées aux instants courts du voyage et rythmés par les arrivées et les départs, les relations partagées le sont autour des joies, des rires, et du meilleur en chacun de nous. Il est plus rare d’échanger sur nos parts d’ombres. Par contre, ce temps du voyage, que l’on sait court pour tisser des liens, ce temps accélère étrangement l’intuition nécessaire dans toute relation, et l’âme reconnaît plus rapidement, les âmes capables d’entendre et d’écouter avec bienveillance neutre… C’est ainsi que j’ai rencontré Thibault, Anna, Nadia, Stephan, Rémi, Thomas, Stéphane, David, Ronan, Dominique, et toute l’équipe de la Fatale Compagnie… Et je repars avec la joie d’avoir pu les croiser dans cette période difficile à gérer… Nous sommes aussi heureux d’avoir pu revoir nos amis chers habitant dans le Gers (Francis et Chantal) ou nous avons passés une soirée agrémentée de douceur, de rire et de tendresse dans leur belle maison Gasconne. A vous revoir tous mes amis ! Nos enfants, partagés entre joie de continuer l’aventure et tristesse de partir, ont quitté Tao, Artus, Laïa, Julie, Allan, Marc, Sophie, Tobin… Mais ce n’est qu’un au-revoir j’en suis sûre.

Aujourd’hui, Mardi 28 mai, je termine ces lignes, face à un champ, au loin, des petits sous bois, sous une éclaircie trop rare cette année- ci. Demain nous reprenons la route, nous avons fait une halte brève à l’Isle Jourdain pour y passer deux nuits, nous profitons de la proximité de Toulouse pour racheter un câble nécessaire à nos éclairages scéniques. J’espère un peu plus de clémence pour notre prochaine destination, Montbrun bocage en Ariège, où nous sommes attendus jeudi, pour jouer vendredi et samedi…