La note de l'écrivain

Le rêve c'est bien, mais la réalité est plus nuancée, plus complexe, terreau du meilleur parfois du pire. L'histoire humaine est jalonnée de rêves aux allures de cauchemars..

Le voyage que notre famille entreprend permet sans nul doute d'être témoins privilégiés de faits souvent ignorés ou mal évalués. Quand on vit, comme le plus grand nombre, abrité par quatre murs et un toit, on a parfois peur mais on suppose que le danger ne passera pas la porte, préférant regarder par la lorgnette (le petit écran) ce qui se passe au-dehors. Le danger n'est pourtant pas dans la réalité, mais dans le fait de ne pas vouloir la voir, où d' en nier une partie, car elle n'est ni bonne ni mauvaise, elle est ce qu'elle est.

Notre gazette s'invite dans vos boudoirs chaleureux, petit moment de pause, réflexions, idées, impulsions et initiatives pour que résolument attentifs, nous nous souvenions que notre humanité tient dans notre faculté à rêver et notre capacité à transformer nos rêves en réalité. Pour le meilleur et le meilleur!

vendredi 21 décembre 2012

Singularité + 9% = Egalité



Ce matin  tôt, après avoir bu mon deuxième café, j’ai failli m’étrangler en entendant que les femmes allaient payer 9% plus chers leurs contrats d’assurances- auto. Pour une fois que je me levais à l’aube, je n’ai pas été déçue ! En effet, les assureurs ont décidé d’augmenter les contrats d’assurances-auto pour les femmes jusqu’à égaliser la valeur de celui de leurs homologues masculins, et cela, bien entendu, au nom de l’égalité des sexes.

Une fois passé le choc financier en cette période de crise, je n’ai pu m’empêcher d’anticiper sur toutes les perspectives d’égalité qui s’offraient enfin à moi et dont je manquais cruellement à ce jour. On m’avait dit que le 21 décembre 2012 serait le jour de la fin, j’avais espéré que ce serait le jour du grand début, et bien, je ne suis pas déçue : ça commence fort…

Suivant la logique des assureurs, qui n’ont pas tenu en compte la plus grande prudence des femmes au volant et leur plus grande lenteur, je me réjouis déjà des possibilités plus ou moins heureuses que cette nouvelle engendre dans mon petit cerveau embrumé (surtout tôt le matin). Simone de Beauvoir n’aura pas lutté pour rien. Le deuxième sexe est enfin aussi premier que le premier. Enfin, un juste hommage  est rendu à toutes ces emmerdeuses comme ma mère qui m’ont dit et répété que : «  la liberté des femmes, et donc la mienne, c’est fait, et c’est un peu grâce à elles ! ». C’est vrai qu’aujourd’hui particulièrement, on peut se réjouir de prendre un volant en toute égalité.

On va pouvoir, rouler plus vite et moins prudemment, ne plus se contenter bêtement de créer lors de nos accidents de la simple tôle froissée. Revenant des courses, après avoir été chercher les enfants à l’école, tout en téléphonant sur le portable (c’est dangereux mais passible d’amende, donc tout va bien) au médecin de famille pour prendre un rendez-vous pour le petit dernier qui a une vilaine gastro, pensant à ce qu’on va faire à manger ce soir en écoutant le deuxième (enfant) qui énumère ses devoirs, tout en pensant en même temps au souper de Noël qui approche, « merde j’ai oublié d’acheter des croquettes pour le chat , tant pis il faut encore donner le bain et il est déjà 19h00 », on va donc pouvoir appuyer sur le champignon et pourquoi pas écrabouiller enfin la petite vieille qui passe tous les jours à la même heure avec son cabas chargé de poireaux parce que justement elle est vieille et que les vieux c’est pas rentable, ça sert donc à rien ! Et ça mesdames, ce n’est que la première des perspectives…

Oh ! Comme elle va être drôle la tête de mon gynéco quand je vais lui expliquer qu’étant égale à mon homologue, je désire maintenant un examen de la prostate, et dans la foulée, je propose de prendre d’ores et déjà un rendez-vous urgent pour mon mari qui a tendance à se négliger, (mais le pauvre est un peu surbooké par les enfants et les tâches ménagères), de prendre donc un rendez-vous, pour une mammographie, un frottis vaginal les pieds dans les étriers, et soyons folles, un vaccin pour le cancer très probable de l’utérus, ah, et aussi des prises de sang, car je soupçonne que son irritabilité est liée à sa pré ménopause… Ensuite, fatiguée par ma grosse journée de travail et mes multiples responsabilités, mais jamais en reste d’une libido explosive, j’irai rejoindre mon petit homme dans le lit pour un petit quick-quick rapide et performant, avec un orgasme dans les 3 à 4 minutes, je pourrai m’endormir sereine et la bouche ouverte jusqu’au lendemain en faisant des rêves reposant puisque je ne m’en souviendrai pas ! (Mais c’est là, précisément, que réside l’intérêt reposant de l’inconscient puisque justement, il n’est pas conscient…) Je pourrai enfin rêver à l’organe mâle, car Freud le savait depuis longtemps, je souffre cruellement de ne point en avoir (la nature est injuste et si elle appliquait simplement les règles des compagnies d’assurances tout fonctionnerait beaucoup mieux.)


Non, vraiment, je fus réjouie ce matin de constater à quel point les assureurs ont su simplifier les nombreux problèmes posés par la troublante singularité des femmes et leurs années de lutte acharnée à la recherche d'idées concrètes des concepts compliqués et liés à « l’égalité et la liberté »… Mais il est vrai qu’ils étaient sans doute majoritairement des hommes, et donc plus rapides, et nous sommes des femmes donc, comme nous l’avons vu, en terme de conduite et de sexe au moins, nous sommes plus lentes, voir prudentes, peut-être trop. Mais tout ceci est enfin rentré dans l’ordre d’un monde qui sent déjà le neuf… Y’ a juste une question que je me pose, mais bon c’est un détail…

Comment vais-je payer les 9% supplémentaires réclamés par mon assureur, alors qu’aujourd’hui je touche encore 9% de moins de salaire que mon homologue masculin ? Mais bon, je n’ai jamais bu que deux cafés, et la solution n’apparaît pas encore dans mes connexions un peu lentes et prudentes, et puis je fais confiance aux hommes ils doivent certainement avoir déjà des solutions.
          
 

mercredi 19 décembre 2012

C'est la fin!


Voilà... On savait déjà « qu' on irait tous au Paradis », puis on a su « qu' on irait tous à Torre Molinos », et maintenant on sait qu'on doit tous aller au Bugarrach... Car oui, une fois de plus c'est la fin... Et j'espère bien que cette fin là sera la bonne, car cela faisait quelques temps déjà que ça n'en finissait plus de finir...

On avait déjà eu la fin de Jésus- Christ, on avait eu la fin des hérésies, on avait eu la fin du communisme, on avait la fin de la métallurgie, la fin de la Yougoslavie, la fin de Khadaffi, la fin de Saddam Hussein, la fin du deuxième millénaire, la fin des 35 heures, la fin dans le monde (Ah ! Non, pardon : ça c'est la faim et c'est pas fini!), la fin des Cathares, la fin du redoublement, la fin qui justifiait les moyens, la fin des accords de paix, la fin de Sarkozy, la fin des ceintures de sécurité seulement à l'avant, la fin de la retraite à 65 ans et puis la fin à 60 ans, la fin du CDE, la fin de nos relations, la fin des haricots, la fin des privilèges, la fin des libertés, la fin du nucléaire (en cours), la fin des négociations, la fin du cesser le feu, la fin médicalement assistée, la fin de l'état de paix, la fin d'Arcelor Mytal, la fin tragique de Lady Di, Michael Jackson et tous les autres, la fin des dinosaures, la fin du néolithique, la fin des rides disgracieuses, la fin de la cellulite, la fin des cheveux blancs et des dents jaunes, la fin des maux de gorges et des ballonnements, la fin des congés payés (pas encore, mais bientôt!), la fin du pétrole, bref... la fin quoi !

Alors, j'ai décidé d'anticiper et de me faire ma petite fin à moi toute seule : je me suis choper une petite crève, qui me donne un peu l'impression que je vais mourir, et comme le virus est tenace, j'en ai au moins pour trois jours, ce qui devrait m'amener tout doucement au 21 décembre, tout en entretenant le suspens d'une fin prochaine et annoncée... Je trouve en effet beaucoup plus drôle de mourir seule qu'en tir groupé, car vraiment, quel manque d'originalité que de vouloir mourir tous ensemble, puisque je rappelle que cela vient de se faire avec Sarkozy « Tous ensemble » et cela a, par ailleurs, montré ses limites (y' en a qui participent à l'effort et qui crèvent, pendant que certains autres en réchappent). De plus, il y a longtemps que je nourris l'intuition que le fameux « tous ensemble » a tendance à nous distraire de nos responsabilités individuelles...

Ainsi donc, je souhaite vivement qu'on en finisse une bonne fois pour toute, et ce n'est jamais que la cent quatre vingt troisième fin du monde, et pour en finir, je m'annonce la fin des bons sentiments pour que chacun individuellement puisse travailler sur un vrai début (Enfin!)... Je propose que l'année 2013, qui débute justement après la fin, soit, pour une fois, l'année du « chacun pour soi » (vive l'égoïsme) et que chacun, donc, prépare sérieusement l'avènement d' un monde du début, où tout serait toujours à commencer... Et s'il faut un titre sensationnel, je propose "Avènement" au lieu du très anxiogène "Apocalypse".

Et pour impulser la dynamique, je commencerais par le commencement : « Au commencement, il y avait un homme et une femme... ». (Encore à créer et ce n'est jamais que la première phrase, mais bon, contrairement à certaines fausses fins, c'est un vrai début !...) A méditer, un petit peu tous les jours jusqu'au 22...

jeudi 13 décembre 2012

Restée sur "Vénus"



(Si cette histoire est inspirée de faits réels, toute ressemblance avec des personnages ayant existés est purement fortuite.)


C’est l’histoire toute simple d’une femme… Mais déjà, comme il s’agissait d’une femme, il me faut, sans doute, corriger : C’est l’histoire compliquée d’une femme pourtant simple… Voilà donc ! Je vous raconte…

Cela faisait un certain temps que la femme errait sur Terre avec la sensation étrange d’être  « échouée »… Elle s’interrogeait sur les causes de ce sentiment troublant, car c’était une femme qui aimait comprendre. Un jour donc, fatiguée de chercher une réponse à ses interrogations, (car comprendre est fatiguant, on peut le comprendre…) et alors qu’elle s’apprêtait à ne plus chercher, on lui rapporta une chose étrange.

Une rumeur se répandait prétendant que les femmes venaient de Vénus et les hommes de Mars… Voilà qui expliquait parfaitement son sentiment ! Elle n’était tout simplement pas de cette planète, et, pour une raison obscure, elle avait atterri sur le caillou rond où elle errait sans réponse à ses questions ! Mais que faisait-elle là ? Et comment, et pourquoi, hommes et femmes se retrouvaient –ils tous sur cette Terre ?

Le soir même, elle s’endormait sur cette étrange idée. Désormais « échouée » et nostalgique, elle rêvait sur sa planète d’origine… Elle songeait en souriant que le mot lui semblait beau ;  « Vénus ». Cette nuit là, une nuit de pleine lune bien sûr, elle fit ce rêve…

Elle vivait alors sur Vénus, cette boule toute ronde et laiteuse, ce cocon blanc et chaud chauffé par les rayons du soleil, et les femmes, semblables à elle-même, s’y sentaient bien aussi. Toutes vivaient là en parfaite harmonie, et, à cette époque lointaine, elles ne se posaient pas de question. La raison de cette innocence était simple : Vénus était entourée d’une telle couche de nuages qu’il n’était pas pensable qu’il existe un autre, un ailleurs… Abritées par le cocon, elles vivaient nues, sans s’inquiéter jamais du regard de l’Autre, puisque l’Autre était si semblable… Et des milliers d’années s’écoulèrent paisiblement. Pourtant un beau jour, tout allait basculer. Certaines d’entre elles s’ennuyaient, et l’une d’entre elles, (peut-être celle de notre histoire), se mit à poser 1000 questions et à rêver d’un ailleurs… Mais était-ce un rêve où une réalité ?

Le matin arriva  et notre « petite Vénus échouée » entama sa journée avec la conviction inspirée qu’elle était arrivée sur Terre par ennui, elle irait donc, dès ce jour, interroger un de ceux que l’on appelait «  homme », mais qu’elle savait, à présent et en vérité, s’appeler « martien ». Enthousiaste, et un peu innocente (innocence héritée de sa planète d’origine), elle allait partager un moment avec un homme et lui parler de ses étranges sensations d’ennui sur Terre, et cela, elle en était sûre, suffirait à lui redonner le goût de la Vie… Elle allait rencontrer l’Autre… Il n’y avait plus de temps à perdre car notre petite Vénus avait 41 ans, et sur Terre l’espérance de vie n’excédait pas 80 ans…

Arrivée chez son ami, après avoir, joyeuse, fait quelques emplettes au marché, elle lui fit part de son rêve, elle discuta longuement avec lui : sur le sens de la Vie, sur sa conviction d’appartenir à la grande famille des femmes, et sur la conscience récente et curieuse de pouvoir voyager dans ce continent inconnu peuplé d’hommes, car ajoutait-elle, ce n’était certainement pas un hasard si  hommes et  femmes se trouvaient maintenant tous sur Terre, partageant le même espace et semblant si différents. Il était évident que cet ennui commun les avaient conduits sur Terre ! Son œil pétillait, et animée d’une sorte de belle jeunesse, elle concluait donc sur le défi excitant que représenterait la vrai rencontre de ces deux mondes… La Terre, sans aucun doute complice, offrait son espace généreux à cette aventure déjà pleine de promesses.

Hélas ! Une fois qu’elle eut fini son récit, il lui dit : « Tu sais, pour moi, une femme au-delà de 40 ans, elle est finie… ». Notre petite échouée ce jour là, ramassa en pleine face, la double gifle de cet homme qu’elle pensait intelligent, et qui pourtant imprimait froidement deux dénis dans son cœur : Niant l'existence de toutes femmes (puisque forcément vieillissantes), et oubliant tout simplement, que son affirmation s’adressait justement à une femme et une femme qui, de plus, avait passé la quarantaine,  cet homme venait de couper le pont possible qui menait à son continent.

Voilà, mon histoire se termine… Ce jour là, Echouée rentra en elle, en pensant que chez elle c’était Vénus, et que sûrement derrière les nuages de sa planète cocon, devait exister une planète qu’on appelait Mars, mais qu’elle devait être tellement petite, tellement insignifiante, qu’il ne servait sans doute à rien de vouloir la rejoindre car même si,( et elle le savait maintenant), elle était peuplée, ses habitants devaient tous ressembler à des "martiens", des petits hommes verts, pas très jolis… 

Quant à la Terre, elle abritait désormais deux peuples incapables de construire ensemble, la pauvre planète se transformait peu à peu en champs de bataille sous les ordres de Mars. Un dieu Mars devenu sanguinaire et assoiffé de guerre, le cœur souffrant l'absence définitive de la déesse Vénus. C'est ainsi, que comme je vous le disais au commencement de cette histoire," l'Histoire devint compliquée"... Gageons qu'il existe en réalité des hommes et des femmes simples, car après tout ce n'est qu'une histoire.

Ah ! Oui, j’oubliais un détail amusant, mais est-ce important ? Le martien de mon histoire avait 53 ans. (Bêêêêêê, quelle horreur, à dire vrai il était vraiment très vert, voir très mûr, voir un peu pourri !)     



   

mercredi 28 novembre 2012

Tant va la cruche à l'eau,...



(Hommage à Nathalie, Cathy,...Et toutes les autres)

C'était au temps où le temps n'existait pas...
Les femmes alors jouissaient de leur temps librement et suivaient le rythme de leur cœur, de leur corps et de leur intuition. Elles se donnaient à leurs enfants, à leurs maris, à leurs passions, à leurs solitudes, à leurs rêves, à leurs créations, à leurs souffrances, à leurs méditations, bref, elles se donnaient donc librement et sans compter. Chaque seconde étant accueillie comme un don car chaque seconde était nourrie d'elles-mêmes. En ce temps là, les femmes étaient toujours jolies, et même vieilles, elles rayonnaient, toujours plus, de cette grâce qu'elles possédaient à suivre leurs intuitions. Elles savaient aussi que l'on ne possède rien : ni l'amour, ni l'amitié, ni la terre, ni les Hommes, ni les biens, ni les gens, ni la santé, et ni même, le temps. Elles savaient dans leurs chairs, au plus profond d'elles mêmes, qu'un beau jour tout se sépare, tout est vie, tout est mouvement et qu'il ne sert à rien de vouloir retenir. En ce temps là donc, la Vie circulait librement et ce qui était donné, était toujours rendu, et la nature, seule, régulait magnifiquement ces mouvements dans une harmonie parfaite... De nombreuses femmes d'ailleurs célébraient par leurs passions cette Vie toute entière, certaines, par leurs danses, d'autres par l'écriture, d'autres encore par la peinture, d'autres par leurs prières et leurs chants, d'autres par leurs dons de guérisseuses, elles étaient riches de désirs et d'envies, donc, elles étaient belles...
Un jour funeste arriva pourtant. Et l'une d' entres elles, dont on m'a rapporté l'histoire, en paya le prix, gageons que la pauvre soit certainement une exception, car alors, à quoi servirait ce qu'elle endura, et à quoi serviraient les histoires ?
Elle portait le doux nom de Marie-Lou, elle adorait le bleu, elle aimait danser, et possédait la grâce d'un ange et le cœur d'un loup. Les gens aimaient Marie-Lou car elle n'était jamais en reste de donner un peu de lumière et de joie à tous ceux qui l'entouraient. En outre, elle était douée de naïveté, et cette énergie de l'enfance, la faisait appréciée, autant par les plus jeunes que par les plus vieux, les stupides, et les plus malins. L'idiot du village trouvait chez elle quelqu'un capable de le comprendre et, le philosophe, lui, trouvait en elle, toutes les questions chères à son activité de penseur.
Un jour donc, un jeune homme étrange arriva au village. Il semblait chercher quelqu'un ou quelque chose. Marie-Lou, audacieuse, allait s'enquérir de ce nouveau venu. Les vêtements de l'homme étaient tenus dans un soin extrême, il avait, de plus, le langage bien fait et de belles manières. Son visage gracieux semblait, pourtant, porté la marque d'une grande mélancolie et c'est l'air inquiet qu'il regardait Marie-Lou approcher. Cette dernière fût immédiatement séduite par cette si belle apparence mais aussi, et surtout, par cette blessure qu'elle sentait maintenant au fond de son cœur, et qui était comme un écho à la tristesse profonde et sourde qu'elle percevait chez l'étranger.
Il expliqua à Marie-Lou, qu'il voyageait depuis longtemps, allant de villages en villages et de villes en villes, pour y vendre une drôle de petite boîte de son invention, qui émettait de façon régulière un petit « tic-tac » obsédant. Ensuite cet homme réclama de l'eau, car il semblait fort assoiffé. Marie-Lou, partagée entre émerveillement et questionnement- à quoi pouvait bien servir ce petit objet?-, alla chercher une cruche bien faite et remplie d'eau, afin de servir l'homme.
Ensuite, elle, qui n'avait jamais eu à craindre personne, proposa le gîte à l'homme. Ce dernier accepta, reconnaissant et épuisé par cette longue marche qui lui semblait avoir duré l'éternité. Il s'installa donc et à la lueur des bougies, le soir venu, dans la chaleur et la douceur du foyer de Marie-Lou, il lui fit découvrir toutes ses magnifiques petites boîtes. C'était de pures merveilles, il y en avait de toutes les tailles, et de tous les métaux, il y en avait des précieuses, serties de pierres chatoyantes, d'autres ciselées en métal doré ou bien argenté. Il y en avait qui étaient gravées d'une petite phrase et qui sonnait si bien à l'oreille comme « Carpe Diem », mais, toutes produisaient ce petit bruit étonnant et fascinant. Ce même bruit, qui maintenant, envahissait la maison de Marie-Lou, et il semblait que cette chanson régulière vous hypnotisait. Ensuite l'homme alla se coucher, non sans avoir demandé à Marie-Lou de lui servir encore cette eau fraîche qui l'avait si bien désaltéré le matin même. Marie-Lou chercha la cruche et le servit, quand le soleil fût couché, elle alla s’aliter.
Et quand le soleil se leva, Marie-Lou fît de même... Elle préparait le repas, fît le feu, et tout cela en chantant et d'un pas joyeux, comme à l'habitude. L'homme était encore à se reposer. Quand celui-ci se réveilla, elle lui demanda à quoi pouvait bien servir ces petites boîtes et, qui pourrait en avoir un usage. Il lui expliqua alors que cet objet pouvait posséder le temps, et qu'ainsi, celui ou celle qui le possédait, posséderait le temps. Marie-Lou se réjouit d'abriter en sa maison un tel inventeur, un tel génie, et enthousiaste lui fit la promesse de l'aider à écouler ses petites boîtes magiques. Elle alla chercher la cruche, servit à boire à cet homme que rien ne semblait pouvoir désaltérer vraiment... Et la journée de labeur commença.
Ainsi, peu à peu, le village émerveillé, porté par l'enthousiasme et la confiance de Marie-Lou, eut vite fait de se partager, ce qui semblait aux yeux des habitants, un trésor dont seul l'étranger connaissait le mystère. Chacun s'extasiait de cette acquisition, trouvant la sienne plus jolie que celle de l'autre. Bientôt, plus une activité ne se faisait sans qu'un coup d’œil rapide ne soit jeté sur la petite boîte. Les femmes, les hommes et les enfants accomplissaient leurs activités au rythme du « tic-tac » obsédant... Marie-Lou ne se couchait plus à l'heure du soleil mais elle se couchait à heure fixe et cela lui donnait l'impression étrange d'avoir « gagné » un peu de temps pour le lendemain. Désormais, elle servait les repas à même heure, et encore réjouie, elle gagnait peu à peu du temps précieux pour ses passions et pour ceux qu'elle aimait sans compter. Elle remerciait le ciel de lui avoir envoyé cet inventeur brillant installé à demeure maintenant. Elle alla chercher la cruche et se servit un grand verre d'eau car elle avait très soif, puis elle alla rejoindre son homme pour la nuit.
Un jour, qu'elle préparait le repas entre huit et neuf heure, après avoir fait le feu à sept heure, et préoccupée, parce qu'à dix heures elle avait un rendez-vous important avec une femme malade à qui elle dispensait chaleur et soins, elle vit arriver, chez elle, l'idiot du village. Il avait l'air très agité car Marie-Lou, disait-il, n'était pas venue, la veille, faire des ronds dans l'eau avec lui : Marie-Lou allait toujours passer un moment près de la rivière pour faire des ricochets avec l'idiot et cela était bon et cela était bien. Elle expliqua vivement à l'idiot qu'elle n'en avait pas eu le temps, et qu'il  était inutile qu'il se mit dans tel état, elle lui promettait qu'avant le soir, si elle avait cinq minutes, elle le rejoindrait à la rivière. Lui expliquant encore, les yeux rivés sur le « tic-tac », qu'elle ne pouvait se libérer maintenant car la vieille « Mortemonde » l'attendait à dix heures précisément. L'idiot s'en alla enfin. Elle alla chercher la cruche car elle avait fort soif, et se rendit en courant chez la « Mortemonde ». Elle arriva trop tard : Hélas, la « Mortemonde » était morte cinq minutes plus tôt. Elle pleura beaucoup, et quand elle fût sèche, elle alla chercher la cruche et se servit un grand verre d'eau.
Sur le chemin du retour chez elle, elle observait les yeux mouillés, les femmes et les hommes et les enfants qu'elle avait tant aimés, cherchant peut-être dans cette vision, la paix de son âme. Mais ce qu'elle vit, elle ne le reconnut pas. Rien qui n'existait auparavant. Tout les hommes et toutes les femmes s'agitaient et couraient en tout sens, tous semblaient marqués par cette même tristesse qui marquait étrangement le visage de cet inventeur devenu son époux... Plus aucuns enfants ne souriaient, les vieilles et les vieux étaient comme prostrés et ressassaient sans cesse les histoires du passé, passé qui semblait lui même s'échapper sans cesse dans les méandres d'une mémoire vieillissante. La nature elle-même avait changé, les fruits étaient récoltés sans qu'il ne soit tenu compte de leur maturité, une femme accouchait de même, et les yeux rivés sur l'horloge, elle poussait dans de grandes douleurs un enfant trop petit et effrayé, les hommes se hâtaient de finir leur besogne, car les femmes pressées les voulaient à la maison, l'on se lavait, l'on mangeait, l'on s'amusait même à heure fixe, et celui ou celle qui ne le respectait pas, était aussitôt suspecté d'avoir usé malhonnêtement de son temps. Plus grave encore, chacun répétait « Je n'ai pas le temps » et semblait atteint d'une maladie étrange.
Elle même, Marie-Lou avait peu à peu délaissé les activités qui lui tenaient à cœur, la danse, le chant, l'étude des plantes, la peinture et le dessin, car elle n'en avait plus le temps. Elle se sentait exilée d'elle-même ; ces gens, ce village, tous ce qu'elle avait tant aimé, elle ne les reconnaissait plus. Elle aurait tant voulu rejoindre cet idiot pour faire des ronds dans l'eau et rire avec lui. Elle regagna sa maison, elle regarda cet étranger qu'elle même avait fait entrer. Il était maintenant gros et gras, il était toujours pressé d'en finir avec le repas, il était pressé de regagner cette couche et pressé de faire des câlins à Marie-Lou, parfois, il était pressé de dormir, pressé de se lever, il était pressé que vous cessiez de parler, il était maintenant un homme fortuné et il était même pressé de l'être plus, et partout, on demandait son invention et partout les gens étaient pressés de la lui acheter. Il lui demanda pressé:  « de l'eau ! » car il était assoiffé. Marie-Lou alla chercher la cruche, elle le servit et comme l'horloge indiquait déjà dix heures, elle alla se coucher.
Le lendemain à l'aube, quand le soleil se leva et que les oiseaux se mirent à chanter, Marie-Lou se leva, mais ce jour là, elle ne fit pas le feu, elle ne fit pas le repas, elle prit un petit papier et un crayon, elle y griffonna quelques mots à l'attention de cet époux, et elle quitta cette maison tant aimée pour ne jamais revenir. Sur le petit bout de papier était écrit : « La cruche est partie, elle s'est cassée !... ». L'homme n'a jamais compris...
On raconte que depuis ce jour, le monde est comme « séparé », exilé de lui-même, les femmes et les enfants sont séparés, les hommes et les femmes aussi, et tout ce qui vit sur la terre et dans le ciel, semble comme « séparé » du monde lui-même. Tous portent sur le visage une étrange tristesse, une mélancolie d'un temps disparu, les femmes sont laides et les hommes aussi, les enfants sont impatients et capricieux, et les choses et les êtres sont prisonniers d'eux-mêmes, l'amour et l'amitié sont comptés car dans ce monde tout se compte et tout se calcule à la lumière du moins de temps qu'il a fallu pour créer. L'amour et l'amitié et toutes choses qui supposent du temps deviennent rares, voir inexistantes. Et les femmes pleurent, et les hommes et les enfants aussi, car l'eau devient rare et ne suffit plus à arroser les terres devenues arides et ne suffit plus à remplir les cruches qu'il faudrait à ces humains pourtant, toujours assoiffés, jamais désaltérés.
Ah oui, avant de finir (le repas est sur le feu, il est neuf heure) ! Quelqu'un m'a dit que Marie-Lou après avoir quitté cette maison, a vécu seule, loin de cette agitation, elle dansait et chantait pour elle même, elle vivait au fond des bois, et quand on la croisait on ne lui adressait pas la parole, on l'appelait « sorcière », elle se levait au lever du soleil, et se couchait avec lui, elle regagnait parfois cette rivière qu'elle aimait tant et l'on dit qu'on l'y a vue faire des ronds dans l'eau en riant avec l'idiot du village. Oh ! Une dernière chose (mais est- ce important ?) : Quand elle a soif, elle n'utilise jamais la cruche, elle boit à la source !

mardi 27 novembre 2012

petite fable citoyenne



Il était une fois une poignée d'hommes et de femmes...
Pour être exacte, il y avait là, quatre hommes et une femme...
Tous avaient en commun qu'ils cherchaient un sens à leur vie...
Les cinq erraient donc depuis longtemps, chacun ignorant la présence de l'autre,
le regard attentif cherchant une voie parmi les herbes et les cailloux, traversant les fossés et les bois,
croisant parfois un animal dangereux, ou se protégeant dans quelque grotte qui offrait un abri.

Epuisés par tant de périls rencontrés, ils se retrouvèrent enfin au départ de six routes...
L'une de ces routes était au centre et, partant sinueuse, elle coupait le paysage en deux.
De part et d'autre, mais non loin d'elle, se déroulaient, une route à droite et
une autre très identique à gauche, qui soulignaient maintenant l 'aspect dual du paysage...
Et à droite de la droite, et, à gauche de la gauche, mais éloignées de celle du centre se trouvaient encore deux autres routes, elles, radicalement droites, semblaient être façonnées par la seule oeuvre des hommes, en sorte que la nature y avait été tenue à l'écart, et l'on pouvait deviner, qu'assurément, elles iraient plus vite au but... Enfin, la dernière ressemblait à un chemin, non, en fait c'était une piste, et si elle semblait engageante, aucun pourtant ne lui accorda son attention... L'un d'entre eux, lisant l'écriteau, tout à côté, indiquant “Voie sans issue”, confirmait, par là, le peu d'intérêt qu'offrait d'emprunter une telle voie... Il ne restait donc plus que cinq voies et cela tombait fort bien, car ils étaient si justement cinq... Le hasard fait si bien les choses!

Il s'en suivit de longs débats, chacun tentant de convaincre l'autre de le suivre sur cette route là: La meilleure étant cette route, ses raisons étant les meilleures! Je passerai ici sur la forme des débats, de peur d'effrayer le lecteur ou de le lasser, lui, pressé de connaître la suite de notre histoire. Je dirai juste que ces quatres hommes et cette femme, aguerris sans doute par les nombreux périls rencontrés jusque là, se livrèrent une bataille acharnée. Pour finir chacun emprunta sa voie, convaincu de ses raisons et riant de la naïveté qui habitait l'autre...

Ainsi un homme commença à avancer sur la voie du centre, deux autres empruntaient les deux routes non loin, l'une à droite et l'autre à gauche... Enfin, les derniers finirent par emprunter les routes les plus éloignées l'une de l'autre, chacun campé dans sa certitude d'arriver au but plus rapidemment...

Commençait pour eux une très longue marche; elle allait durer des années. Enfin, un beau jour, ils devinèrent une clairière annonciatrice sans doute du but de leurs efforts. Chacun nourrissait en son sein l'espoir de pouvoir jouir d'une récompense bien méritée...

Quelle ne fût pas leur surprise, découvrant qu'il y avait là UN trône juché sur un socle. Un socle si haut, qu'il semblait toucher ciel... L'un et l' autre pensait en son for qu'il devait être bon de s'y reposer, sous l'ombre légère d'un nuage, n'ayant pas moins que l'autre compté ses efforts. Transformés par tant d'années de marche solitaire et obstinée, ils étaient maintenant devenus si forts et si sauvages, qu'ils engagèrent bataille à seule fin d'éliminer le voisin.

C'est donc, convaincu de son but, que l'un d'eux, fier et souriant entamait à présent la montée de l'échelle qui le menait déjà si proche des cieux, réjouis de contempler bientôt d'un peu plus haut, cette belle terre qui était la sienne... A vrai dire, je ne sais plus qui a gagné, je ne sais plus si c'était un de ces hommes ou bien cette femme, tant il est vrai qu'à la fin on ne pouvait plus bien les distinguer, il semblait que, leur langage était devenu le même, façonné de même manière par ces longues années. Mais ceci n'est pas important pour la suite de notre histoire... Je continue.

Arrivé donc sur le trône, l'Homme contempla le monde à ses pieds et ce qu'il vit était éloquent, partout des humains se guerroyaient, partout l'on piait et volait, partout on violentait, partout on parlait fort, partout l'on se moquait, raillait et ripaillait, partout l'on construisait, puis on démolissait, partout l'on vendait, et l'on vendait de tout: des poules, des légumes, de l'eau, des arbres, des oiseaux, des meubles et des femmes, des enfants, des voitures et des homes, des immeubles, des maisons, des croyances, du pétrole et du plastique, des livres, des médicaments, et des crêches, des organes et des morts et même, on vendait de l'argent. Chacun marchandait fort car ce qu'il vendait était meilleur.

Et ainsi, l'Homme sur son trône, satisfait et rassuré d'avoir su saisir son but, s'endormit serein bercé par de doux rêves nourris par un monde merveilleux et si parfaitement à son image. Il remerciait Dieu (qu'il avait acheté au rabais ou vendu à bon prix, je ne sais plus) d'avoir créé tout cela pour lui...

Notre histoire s'arrête là, car le but est atteint, mais avant de te laisser, cher lecteur, j'ai envie d'attirer ton attention sur cet endroit oublié du début de l' histoire... Te souviens-tu? La petite piste avec l'écriteau “Voie sans issue”... Suis-moi encore un moment, je t'y emmène... Voilà nous y sommes.

Cette piste là, préservée du regard des Hommes, si, par hasard, tu voulais l'emprunter, faisant ainsi acte de courage car tout le monde se moquera, tu y rencontreras un Homme qui l'avait empruntée il y a bien longtemps, avant même que cette histoire n'existe. Cet Homme cultive un jardin, il semble inscouciant au temps qui passe, il marche d'un pas lent, il a le geste posé mais déterminé, il ne poursuit rien et seulement occupé à sa tâche, il ne choisit pas de route, ni au centre, ni à droite, ni à gauche, car il sait que la seule route à suivre est la sienne, sur cette route n'existe aucune dualité, et c'est donc en paix qu'il travaille à sa tâche, il ne vend rien et n'achète rien car il a déjà tout, rien dont il n'ait besoin, pas même de choisir, car son coeur lui souffle toujours la même réponse. Ainsi lecteur, si tu regardes, tu verras là, dans cette voie de garage, un monde créé, où chaque chose est à sa place et où l'oeil ne peut être distrait par ce qui se passe, là tout à côté. Tu sais, là, où vivent ceux qui ont façonnés l'Histoire et que l'on appelle aujourd'hui encore les “cons-citoyens”: citoyens solidaires de ce monde étrange et à leur image...

Voilà, je te laisse à présent, mon histoire se termine, n'oublie pas: Quand tu quitteras ce viel homme tranquil, ou bien était-ce une femme, je ne sais plus, n'oublie pas de le/la saluer, et tu verras alors que te saluant à son tour... il/elle te ressemble comme deux gouttes d'eau, c'est troublant... Le hasard, décidemment, fait si bien les choses.

vendredi 23 novembre 2012

Circulez... Y'a rien à voir!


Revenant d'un séjour en Belgique pour des raisons familiales, éprouvés et fatigués mais, heureux de retrouver notre rythme, notre travail et nos préoccupations quotidiennes, nous nous préparions à répéter notre spectacle en vue d' un contrat important durant la période de Noël dans les Pyrénées Orientales.

Xavier avait longuement travaillé à la négociation de ce contrat, et voilà que déçus, nous apprenions sur le chemin du retour, à trois semaines du contrat (toujours pas signé), que celui-ci serait purement et simplement annulé !

Quels sont ces gens qui entretiennent souvent inconsciemment le mythe concernant « l'artiste » ?

Car tout le monde le sait : L'artiste est une espèce rare, un humain (quoi que?) qui se passe de manger, qui n'a d'autres préoccupations (oh ! Le veinard!) que de rêvasser à longueur de journée, pour qui, le coût de l'essence n'a aucune importance, car il fait rouler ces véhicules à la seule force de son énergie qu'il a toujours joyeuse et légère, et qui a l'affront, lorsqu'on lui propose un contrat, de réclamer à être payé, alors qu'il n'a rien d'autre à faire qu'à jouer,  des sommes réclamées, souvent indécentes d'ailleurs, n'ayant aucun rapport avec l'heure prestée sur la scène, il n'a aucun besoin d'anticiper, ni d'organiser, ni même de planifier, semblant échapper mystérieusement à toutes les règles pratiquées par les autres humains adultes et responsables (re-veinard!), il monte en sifflotant son chapiteau et ses décors,  il enfile sans effort son costume, il brosse ses dents et va à la toilette une bonne dizaine de fois, et il entre en scène le pas aérien et sûr de lui, car en plus, ce salopiaud est bourré de talent, il est né avec une guitare, et son premier cri ressemblait déjà au plus grand concerto de la Calas, il échappe aussi, et heureusement, aux amendes, aux multiples factures (loyer, gaz et électricité, eau, téléphone et ordinateur), ses parents lui ayant bien dit qu'il ne gagnerait pas sa vie avec un métier qui ressemblait d'ailleurs furieusement à un hobby du dimanche, in fine, tout ceci explique sans doute, qu'il est un être à part singulier, peut-être même marginal, qui avance dans sa vie de bouffon, insensible aux crises, l'âme coquine et insouciante voir un peu barrée à l'Ouest...

Ce fameux contrat donc :

Il nous était demandé de prester pour la somme de 1500 euros, 2 animations d'une heure en duo. Le même jour, nous devions jouer trois représentations de notre spectacle « Faut pas rêver ! » (soit trois fois une heure et demi), le même jour encore, nous devions monter notre théâtre de poche (soit trois heures et demi de travail)... Tout ceci en assumant les repas de nos enfants, la vaisselle et le confort général des uns et des autres. Il ne faut pas être finaud pour se rendre compte à quel point ce contrat là nous était impossible à tenir. Nous appelons l'association des commerçants pour leur expliquer gentiment les contraintes incontournables de notre métier. Nous nous mettons d'accord pour prester deux représentations de notre spectacle sur deux jours différents, et deux animations en duo, nous leurs faisons cadeau des frais de déplacements et nous sauvons ce contrat en péril, nous soufflons, et nous quittons notre interlocutrice qui semble satisfaite de cet accord, nous lui rappelons la nécessité pour nous d'arriver rapidement à un accord écrit et signé, les dates de prestations approchant à grands pas... Sans nouvelle, (mais ne dit-on pas : « Pas de nouvelle, bonne nouvelle ! ») nous rappelons notre interlocutrice, celle-ci, nous explique qu'une des commerçantes est septique, ayant (enfin) compris qu'il y a une limite d'âge au spectacle, elle souhaiterait un public plus large, et ne voit dès lors, plus bien l'intérêt d'offrir ce spectacle à un public familial à partir de huit ans, il a donc été décidé de nous faire prester une seule représentation du spectacle pour 500 euros, plus deux animations duo à 300 euros, et bien sûr, les frais de déplacements resteront gratuits... Après réflexion, nous estimons que le contrat étant revu  à la baisse et toujours pas conclu (nous avons entre- temps refusé une autre opportunité à la même date), nous facturerons les frais de déplacements légèrement minorés à 200 euros, nous tentons de sauver ce contrat qui bloque toutes autres démarches, nous quittons notre interlocutrice en lui faisant part de l'urgence pour nous d'un contrat signé, car le temps avance et ne nous laisse que peu de  possibilités de chercher un contrat ailleurs. Alors que nous sommes sur le chemin de retour pour la France, nous recevons un message annulant purement et simplement ce contrat au prétexte que nous avons refusé la dernière proposition à 800 euros. Ils ne semblent pas comprendre pourquoi nous cherchons à leur faire payer des frais de déplacements... Xavier catastrophé, et déçu de voir ce contrat se réduire à peau de chagrin, écrit par voie de mail deux propositions : nous acceptons de jouer pour 800 euros deux ou trois représentations en assumant notre billetterie (réduite pour le public), offrant une trentaine de places aux commerçants, et prestant deux animations duo, Xavier cherchant à atteindre ou approcher les 1300 euros prévus initialement dans notre comptabilité et n'ayant plus de possibilité pour démarcher ailleurs, vu les délais trop courts à présent... Ouf ! Ils acceptent par voie de mail, en précisant toute fois qu'il subsiste des problèmes d'emplacement, notre interlocutrice nous rappellera le soir pour en discuter... Le soir venu, Xavier rappelle et notre interlocutrice répond qu'elle rappellera  le lendemain. Le lendemain donc, la présidente de l'Association des commerçants (qui n'a jamais été notre interlocutrice) nous appelle pour annoncer à Xavier qu'il n'y a pas d'emplacement sur la place du marché pour nous installer à cause de la présence du sapin de Noël ! Elle justifie par là le refus définitif que nous jouions notre pièce et propose à Xavier que nous prestions deux animations duo à 300 euros avec les frais de déplacements toujours gratuits bien sûr... Xavier accepte à la hâte, encore sous le choc de voir  ce beau contrat réduit à une aumône donnée du bout des lèvres et sans excuse aucune...

Deux heures après ce dernier coup (c'est le cas de le dire) de téléphone, Xavier vient me voir avec le sentiment coupable d'avoir mal fait son travail, doublé du sentiment désagréable de s'être fait encore avoir, ayant accepté de prester sans faire payer les frais de déplacements... Ce contrat de 1300 euros s'est peu-à-peu transformé en prestation à 200 euros, (les frais d'essence étant à notre charge, c'est la somme que nous toucherons) ! Le comble, c'est que l'amie qui avait introduit le dossier auprès de l'Association, nous dira par téléphone : « Je crois, qu'ils sont un peu refroidis par votre refus, mais bon, ils ne m'en disent pas plus, parce que tu comprends G. (notre interlocutrice) est une amie... » (elle a bon dos l'amitié). Alors là ! La colère gronde, en moi, et réactive d'un coup toutes les bêtises qui entretiennent le mythe de l'artiste que j'ai encaissées sans broncher ça va sans dire, car l'artiste est quelqu'un qui, résolument, traverse la vie comme on joue un GRAND JEU et il patauge dedans tel un enfant irresponsable en faisant des grands SPLACHS...

Alors, mettons en regard le mythe et la réalité :

L'artiste est au service de son art et son œuvre est reconnue, ou non d'ailleurs, par un public. Ceci explique que bien souvent l'artiste qui crée une œuvre, non encore ou peut-être même jamais reconnue, ne peut que bafouiller lamentablement devant le quidam qui lui pose la sempiternelle question : « C'est quoi ton métier ? ». Car ce dernier vient de soulever chez l'artiste, cette ambiguïté bien ancrée, que ce qu'il fait n'a que peu de valeur, voir n'en aura jamais, qu'il est absolument rarissime, qu'un artiste puisse gagner sa vie correctement, et que donc par voie de conséquence ce métier n'en n'est pas un... De plus n'est il pas un peu présomptueux quand on ne fait que s'amuser de prétendre à être payé, et de se nommer soit même « artiste » sans que ce public ne vous ait accordé le titre fameux... De nombreux artistes vont d'ailleurs se répandre (parce qu'ils n'ont rien d'autre à faire) sur le divan d'un psy, c'est bien la preuve qu'ils sont un peu fous, un peu malades, et qu'en plus, ils ont bien assez d'argent pour se rendre à une activité aussi oisive qu'égocentrique, allongés sur un divan en se racontant éternellement (encore un mythe). L'artiste, et certainement le comédien, est quelqu'un qui ment mieux que les autres, donc peut- on même accorder du crédit à ce qu'il raconte ? Vous-mêmes lecteurs, je vous mets en garde, mes propos pourraient sortir tout droit de mon imagination malade et un peu névrosée... Et cette vilaine colère n'est que le signe d'une hystérie maladive et féminine (c'est en effet moi qui écrit, Xavier étant occupé à nourrir les enfants, après les avoir instruits et aidé simultanément le voisin à déloger sa voiture du fossé, échappant du même coup à l'hystérie qualifiée souvent de « féminine »).

Alors les faits :

Le spectacle a été travaillé deux ans (écriture et mise en scène), pendant ces deux années, nous avons, en outre, créé des roulottes (plans, et homologation), trouvé un chapiteau, des gradins, fait faire des tissus et jupes de scène, trouvé des costumes pour tous les acteurs (cinq), les accessoires de scène, un véhicule approprié pour tracter notre roulotte, créé avec l'aide précieuse de Anne Benout notre site internet, pensé une fiche technique et les tarifs de notre spectacle (pas cher), préparé à la hâte une première tournée à nos frais et tout cela en continuant à assumer les tâches ménagères, (parfois sans machine à laver, le chauffage au bois des deux roulottes, la vaisselle et les repas, sans lave-vaisselle ça va de soi) l'instruction de trois de nos enfants, trouvé un baby-sitter pour le dernier quand nous sommes en représentation, fait l'entretien obligatoire de notre matériel et de nos véhicules, assuré la communication pour la saison prochaine, tout ceci en ayant, comme tout le monde, des journées de 24 heures... Mais bon, je vais arrêter d'avoir l'air de pleurnicher, car cette vie après tout, je l'ai choisie ! Et à ce titre, Monsieur, Madame, eux, ils ont payé (parfois !) pour rêver, et tout ceci c'est plus un rêve c'est un cauchemar (Que je pourrai toujours raconter à ma psy : elle est Jungienne, (« c'est une maladie ? »), « non », c'est juste qu'elle suit les méthodes de Jung, (elle travaille donc aussi sur la symbolique des rêves)... Au passage d'ailleurs, on ne guérit pas chez un psy (« Ah ! Voilà, je le savais ! Tous des arnaqueurs! »), mais on travaille à plus de conscience ! ( « Qu'est ce que c'est la conscience ? »).

Alors voilà, circulez, y 'a rien à voir ! Noël, ressemblera pour moi, à tous les Noëls : une espèce d'hystérie collective, d'hommes et de femmes courant chez des commerçants ravis encore une fois, de s'en mettre plein les fouilles et, moi, (mais qui suis-je moi ?) essayant de joindre les deux bouts de ficelle pour offrir à mes enfants une fête qui  les ferait rêver, même si, pour moi, le rêve aurait été de jouer ma pièce « Faut pas rêver ! ». Décidément, circulez, y' aura rien à voir... 

samedi 3 novembre 2012

Portrait


 Le voyage est avant tout la rencontre de l’Autre… Rencontre de l’inconnu, d’autres paysages, d’autres lumières, d’autres couleurs, odeurs, saveurs, contrastes, émotions…
Depuis un certain temps déjà, je réfléchissais à la forme que pouvait prendre le témoignage de ces rencontres singulières, posées là, sur cette route empruntée par nos roulottes. Là où l’on se pose, là où quelque chose nous arrête, là où l’Autre interpelle, choque, dérange, éclaire, calme et se réfléchit en nous-mêmes.

Le voyage alors ne serait plus une errance perpétuelle, mais, un chemin éclairé par ces repères extérieurs où le moi s’arrête un moment comme en un refuge chaleureux qui ressemblerait à un retour à la maison.

Pourquoi publier ces pensées nées de ces rencontres ?
La première raison réside dans le fait que je suis comédienne : J’aime observer les choses et les gens, pour ensuite tenter d’en faire une esquisse aux autres. La deuxième raison est encore que je suis comédienne : à ce titre, à priori, j’ai la parole libre, dans le cadre de la scène tout au moins. Cette liberté m’a toujours donné le sentiment puissant d’être actrice, dans le sens de « faire les choses ». Hors, dans ce monde qui vit une transition extrêmement délicate mais nécessaire, je décèle souvent une forme de résignation, d’impuissance grandissante. Cette résignation s’exprime le plus fréquemment par un long silence accompagné d’un soupir lourd et parfois d’une petite phrase assassine : «Que veux-tu faire, je n’ai pas le choix ! ». Il n’est pourtant rien d’inquiétant dans la réalité elle-même si ce n’est notre résignation à son endroit.
Voilà donc, pour moi, un moyen de plus de prendre la parole et peut-être de la rendre à ceux qui pensaient l’avoir perdue, la donner à ceux qui pensaient ne pas l’avoir, et enfin, faire taire ceux qui pensaient que parler était facile, et que lorsque l’on parle beaucoup (comme moi), on ne peut écouter !

J’avertis donc d’emblée, que mon témoignage ne serait être objectif, car je ne peux, (comprenne qui peut), qu’écouter en moi-même et mes limites trahiront sans doute l’Autre au détour de mon regard (trop ?) personnel… Mais l’Aube de l’Autre se lève exactement à cet endroit. Que tous ces autres que j’ai écouté du mieux que je l’ai pu, m’en excusent, mais qu’ils sachent que s’ils apparaissent dans notre petite Gazette, c’est sûrement qu’ils m’ont offert une part d’eux-mêmes, un éclairage neuf, une petite bougie pour ma lanterne, et je leurs en suis infiniment reconnaissante.

Ceci m’amène à la troisième raison : La reconnaissance vis-à-vis de la Vie, et une forme d’hommage à tout ce que j’ai pu observer durant ce vaste périple. Alors tel un Ulysse sur son vaste océan, je veux créer une carte des points forts rencontrés, rencontres étoiles empêchant aux voyageurs de s'égarer.

Notre voyage en roulotte a commencé à Montréal (Carcassonne) en avril 2012. L’idée de la Gazette s’est imposée, alors que nous étions en tournée. Il m’était dans ce contexte difficile d’écrire : Le temps étant partagé entre l’instruction des enfants, l’intendance de la famille et les montages/démontages successifs du chapiteau, enfin, les temps de représentations. Pour toutes ces raisons je n’ai démarré la Gazette qu’en Septembre, alors que nos roulottes et notre petite famille s’étaient mises à l’arrêt pour préparer la saison 2013. Nous travaillons d'arrache pieds à la communication afin d’élaborer une saison prochaine plus efficace.

Cette pause obligée est propice pour me centrer et me remettre à l’écriture !

Voici un premier portrait. C’est celui de Stéphane habitant à Quillan.
Installant nos roulottes, sur le parking des « Prés en Bulles » à Quillan, en vue de jouer nos dernières représentations de l’été, nous rencontrons Stéphane, le fondateur de l’association « Les Prés en Bulles ». Je l’avais déjà vu quelques trois mois auparavant afin de discuter des conditions d’accueil de notre structure.

Ma première impression fût mélangée. Moi-même, ce jour là, je me sentais quelque peu mal à l’aise : j’étais en position de demande face à quelqu’un que je ne connaissais pas du tout. De plus, nous démarrions notre saison et je n’avais pas encore l’assurance d’un spectacle « qui plairait » (l’aurais-je jamais ?).

Stéphane, debout derrière « son » comptoir, Xavier et moi, assis de l’autre côté, sirotant tous trois une bière fameuse et artisanale faite par les bons soins de notre hôte. Ah ! Oui, « Les Prés en Bulles » c’est aussi une brasserie artisanale. Cela aurait du me mettre à l’aise, car pour une belge (nous sommes belges) c’est une sorte de retour aux sources… Et bien, pas du tout.
Stéphane, très sérieux et peu bavard, me semblait d’un seul coup, bourru et peu comique. J’avais du mal, sous sa très belle moustache, à desceller ce petit sourire discret, souvent teinté de malice que j’ai pu observer par la suite…

Je l’avoue, la première fois que j’ai rencontré Stéphane, c’est grâce à une femme, elle s’appelle Louise, elle possède la grâce des anges et elle m’a facilité le chemin vers lui...

Car Stéphane ne se rencontre pas en pleine lumière, il se découvre sous les lumières tamisées… Il est charmant, pudique, discret et il inspire la précaution : on n’entre pas chez lui sans se sentir invitée, on essuie ses pieds pleins de boue et on demande doucement, sans crier, si l’on peut partager un moment avec lui. Stéphane est complexe car on peut entrer chez lui les chaussures pleines de boue, on ne doit pas demander dix fois si l’on peut prendre une douche, et vos enfants peuvent ne pas dire s’il vous plaît ou merci (si, si, j’y tiens !), cela n’a pas l’air de le fâcher. Il aime les enfants, et nos enfants l’aiment.

Stéphane aime la culture, il est vaste et ouvert, il n’a pas choisi « une » culture mais bien « la » culture. Il pèse ses mots avant de parler, il met des silences qui parlent plus, il croise votre regard un moment avec une belle fixité puis il revient en lui-même, les yeux rapides qui vont de droite à gauche, cherchant le mot juste, la parole authentique. Il caresse de sa main droite, les graines de malt posées dans une assiette sur le comptoir de bois, il tient de la main gauche sa cigarette roulée, et quand, installée pour un entretien avec lui, je me préparais à poser ma première question, il me surprend par deux questions à mon endroit : « Qui viens-tu rencontrer, Stéphane le membre de l’association, ou juste Stéphane… » Je réponds, il enchaîne : « Pourquoi moi ? »
Car oui, Stéphane est pour moi quelqu’un de surprenant, belle surprise, Mais chut… Je me tais… Levé de rideau sur cet homme qui aime les coulisses… Stéphane.




Stéphane et Louise


Nom :
Stéphane Lacourtiade.
Age :
43. «  merde je sais plus… Non… Oui… 43 ans ».
Origine :
Né dans le Gard, mais n’y a vécu qu’un an, il grandit à côté de Toulouse.
De Toulouse à l’Aude :
Il fait des virées avec les copains à la mer au moment du permis, il aime la région, sa sœur s’y installe, par son biais, il se fait un réseau de connaissances.
Dans l’Aude :
Il travaille comme cuistot à la montagne, il est travailleur saisonnier : « Tu travailles 17 heures par jours, tu rencontres des gens exigeants. Je commençais à m’épuiser, je ne suis pas particulièrement sociable, pas pour rien que j’ai choisis la cuisine. Par contre tu rencontres toutes sortes de gens, tu vis comme sur un bateau, dans une grande intimité, des amitiés se développent, des relations… A la fin je ne supportais plus les autres, j’avais envie d’isolement, j’aimais la montagne, le plateau de Sault, je me suis installé à Espezel, il y a treize ans. 
Les Prés en Bulles, qu’est ce que c’est ? (devise : Mieux vaut une bière d’ici à l’eau de là)
C’était un projet, un outil que j’ai créé tout seul, je n’ai trouvé personne pour le créer, peut-être parce que je ne savais pas en parler clairement, je pense que le projet pouvait faire peur, au début, un copain m’a aidé puis il a laissé tomber. C’est un outil de travail qui sort du cadre privé de l’entreprise, lieu de partage et d’échanges que la brasserie vient compléter. Depuis beaucoup de gens m’ont aidé et soutenu, sans eux ça n’aurait pas existé. Aujourd’hui, c’est un lieu développant les activités non lucratives telles que les débats, conférences, projections, concerts, soirées jeux, stages, ateliers, lieu de répétition, groupement d’achat pour favoriser la production locale et l’ouverture au monde agricole,… un lieu où la culture est prise en charge par le secteur privé. La brasserie vient compléter ce lieu et offrir son espace structurel à toutes ces manifestations. Son principal handicap, le chauffage : la brasserie fonctionnant intensivement en été, les activités doivent s’étaler de Septembre à mai. 
Le bilan aujourd’hui, ou, le rêve est- il en phase avec la réalité ?
Oui, même si on n’est pas au point. C’est un projet… Nous ne sommes pas assez nombreux, c’est toujours la même équipe, il y a un épuisement général. Mais j’ai toujours voulu avoir affaire avec la culture, j’ai travaillé 10 ans dans les cuisines, j’ai fait beaucoup d’intérim, dans les travaux agricoles, j’ai aussi travaillé dans les milieux associatifs et par le biais du théâtre à Toulouse je suis entré dans les lycées, les collèges, les maisons de retraite, j’ai fais un peu de décor. La lame de fond, c’était toujours « Les Prés en Bulles », c’est bien un rêve. J’y ai vécu des moments d’émotions intenses, des émotions générées par l’observation du plaisir que prennent les gens. Je n’aime pas me mettre en avant, j’ai plutôt tendance à vouloir fuir ça peut-être à cause de mon éducation ?… Je me suis construit dans le manque de confiance, et puis, je doute sur tout, mais j’aime donner du plaisir au gens, c’est pourquoi j’aime la cuisine. 
A ton dernier repas tu dirais quoi ?
Merci ! 
Les jours difficiles qu’est ce qui te fait tenir ?
Les autres, même si j’essaie de les fuir, je cherche à être seul avec moi-même, c’est peut-être là que je prends véritablement conscience des autres… Je suis un solitaire qui croit au collectif. 
Si tu avais une citation, laquelle ?
« Quand on est dans la merde jusqu’au cou, il ne reste plus qu’à chanter. » Ce n’est pas de moi, c’est de Beckett. 
Est-ce que ta moustache à un rapport avec Dali ?
Du tout (sourire)… 
Rat des villes ou rat des champs ?
Ni l’un ni l’autre. J’aurais du mal à revivre en ville, j’y ressens une grande violence sociale, la quantité des gens en difficulté, la promiscuité contrastée entre les classes pauvres et riches et l’indifférence face à ces choses, il en résulte une grande violence. Ces facteurs sont présents en campagne mais je le ressens moins. J’ai les deux, c’est aussi pour ça que j’ai voulu amener ma culture (citadine) en milieu rural (les Prés en Bulles).
Comment perçois-tu le monde ?
En transition, en mouvement permanent. Ce qu’on vit aujourd’hui n’est pas facile, pas rose pour tout le monde. Il y a de plus en plus de peurs. Mais ça dépend de quel côté on pose le regard, c’est toujours la même histoire, celle du verre à moitié plein ou à moitié vide… (Rire)… Un verre de bière bien sûr ! J’essaie d’approcher la vie de façon universelle, d’avoir une vision de l’humanité dans son évolution et j’essaie d’avancer au mieux avec mes moyens et mes compétences, de tendre vers… 
As-tu un gros regret ?
(Silence long), oui, mais je l’ai oublié… (A la fin de l’entretien, il dira : les seuls regrets viendraient de ce que j’aurais pu faire, que je n’ai pas fait et que je ne ferai jamais, donc je ne peux répondre « oui » actuellement.)
Qu’est ce qui te rendrait plus heureux ?
Un monde sans argent, sans profit… Sans argent non… Un monde plus juste où tout le monde serait acteur,… Non même pas, plutôt où chacun aurait sa place,… En fait, la vie pourrait être beaucoup plus simple. 
Qu’est ce qui te met particulièrement en colère ?
Le manque de respect. Aujourd’hui, le respect est lié à la crainte de l’autre, le respect de Dieu, le respect d’une personne hiérarchiquement perçue comme supérieure (patron, personne âgée)… Je veux parler de la politesse, la courtoisie à l’égard de l’autre, l’acceptation de tout ce qu’il est, sans le rejeter, ne pas le juger. « Ne fais pas à autrui ce que tu n’aimerais pas que l’on te fasse. »… Il y a aussi la méchanceté sous toutes ses formes. 
De quoi as-tu peur ?
La mort de mes parents… Et puis, des proches en général. 
Quelle est ta plus grande qualité ?
La gentillesse, je crois que je suis quelqu’un de gentil. 
Ton plus gros défaut ?
Ma méchanceté… (Rire) 
Si tu étais un animal ?
Humain… (Regard et sourire malicieux)
Pourquoi ?
Parce que je ne le suis pas complètement encore… (Re- regard malicieux)
Une plante ?
Une graminée peut-être, ou un arbre. La graminée nourrit et se ressème et l’arbre pour sa durée de vie… Pourquoi pas une fougère, une des plus vieilles plantes, je crois.
Une épice ?
Le piment. J’aime son goût. Ça relève, ça pique, ça réchauffe, c’est plein d’arômes. 
Ta vision sur la Vie, quelle y est ta place ?
Je ne fais que passer dans l’Histoire de l’humanité, j’essaie d’y passer avec beaucoup d’humilité. La place que j’ai est celle que m’accordent les autres. 
Être libre pour toi c’est quoi ?
Vivre le mieux, le plus agréablement possible sans nuisances, je ne peux pas dire en l’absence de contraintes, les contraintes n’étant pas forcément des absences de liberté, mais sans nuire aux autres et avec les autres… Encore une idée collectiviste ou humaniste,… Je ne sais pas. 
Le comble de la misère ?
Qu’elle soit une habitude… Qu’on s’y habitue, qu’elle soit banalisée… (Silence)… Mais ça, c’est déjà fait… Peut-être la résignation est elle une forme de tolérance à la souffrance…
Le comble de la connerie ?
La méchanceté sous toutes ses formes : le pouvoir, l’avidité, et la domination y participent.
Qu’aimes-tu chez les enfants ?
Leur imaginaire, ils ne sont pas encore conditionnés, leur émerveillement, leur curiosité. Ce sont des choses que l’on n’arrive pas à préserver dans notre société, on ne développe pas suffisamment ces qualités à ce moment là, ce qui explique sans doute que l’on devienne  adulte résigné. 
Comment vois- tu  « le couple » ?
C’est le début de la famille, j’ai du mal à concevoir le couple sans l’idée de la famille… Enfin… J’ai du mal (il relativise)… La famille est la première structure où peuvent  se développer des valeurs libertaires… (Pause) La famille idéale peut-être ? (il s’interroge)… Les formes de relations les plus complexes : le respect, on peut se permettre des choses qu’on ne se permettrait pas avec les autres. Elle peut-être une forme d’autogestion, c’est là, que l’on peut se forger une ouverture au monde. Mais elle peut aussi représenter une forme de danger : le sens du clan, la famille peut se fermer au reste du monde. 
Ton livre de chevet ? 
Y’en a plusieurs… (Soupir ennuyé)… « Voyage au bout de la nuit », c’est un livre très juste, le personnage est très juste. « Crimes et châtiments » de Dostoïevski, il est tellement allé loin, ils ont tellement été loin…
Un film?
 “Pat Garret Billy the Kid”, de Sam Peckinpah.
Une musique?
“Requiem allemand” de Brahm et “Fable of Faubus” de Charles Mingus.

Voilà. Cet entretien se termine… On se regarde, on se remercie, on se serre dans les bras, je déguste ma bière, je me fais la promesse de lire (ses) ces livres et d’écouter (ses) ces morceaux, de voir (ses) ces films. Je suis émue, frustrée aussi de ne pouvoir faire le tour de l'étoile... L' Autre garde toujours son mystère… et puis… Chacun retourne à son chemin…