La note de l'écrivain

Le rêve c'est bien, mais la réalité est plus nuancée, plus complexe, terreau du meilleur parfois du pire. L'histoire humaine est jalonnée de rêves aux allures de cauchemars..

Le voyage que notre famille entreprend permet sans nul doute d'être témoins privilégiés de faits souvent ignorés ou mal évalués. Quand on vit, comme le plus grand nombre, abrité par quatre murs et un toit, on a parfois peur mais on suppose que le danger ne passera pas la porte, préférant regarder par la lorgnette (le petit écran) ce qui se passe au-dehors. Le danger n'est pourtant pas dans la réalité, mais dans le fait de ne pas vouloir la voir, où d' en nier une partie, car elle n'est ni bonne ni mauvaise, elle est ce qu'elle est.

Notre gazette s'invite dans vos boudoirs chaleureux, petit moment de pause, réflexions, idées, impulsions et initiatives pour que résolument attentifs, nous nous souvenions que notre humanité tient dans notre faculté à rêver et notre capacité à transformer nos rêves en réalité. Pour le meilleur et le meilleur!

mardi 22 juillet 2014

Carcassonne, ... On s'est pris un vent!

Je me demandais pourquoi l'on concluait par « courage! », chaque fois que je répondais aux multiples questions que l'on me posait concernant notre mode de vie. Je pensais et concluais en riant par cette affirmation : « Oh ! Du courage, nous n'en manquons pas, c'est du public qu'il nous faut! ». Mais ici, j'avoue que sur le site de « Tridôme » à Carcassonne, le courage commence à vaciller, le chapiteau aussi...
Xavier en caleçon essaie d'attirer l'attention, on n'a pas de public...
Car si dès notre arrivée, nous fûmes surpris par l'extrême chaleur (40° et pas un souffle de vent), la suite, allait encore nous réserver quelques petites joies...
Nous nous installons donc sans traîner, en vue de commencer notre série de représentations, et nous observons, curieux, la « ferme Pinocchio » installée tout à côté. Nous nous arrangeons avec eux, pour brancher à la hâte le tuyau d'eau et le câble électrique sur leur installation, nous irons rencontrer le gérant de »Tridôme » le lendemain pour voir ce qu'il est possible de faire pour notre installation qui durera deux semaines. Le lendemain, Juliana fera une entrée franche dans notre roulotte familiale.
Juliana est une femme d'âge mûr, les cheveux longs et foncés, la peau basanée et tannée par le vent et le soleil, le regard lumineux et franc, elle est habillée d'un jeans et de bottes de cuirs, elle porte un t-shirt blanc à motifs. Je pense « cette femme est très belle », elle dit : « Je voulais voir la roulotte quand-même, il fallait que je vois la roulotte, ma mère vivait dans une roulotte comme celle-là,.. ». Elle enchaîne en me posant de multiples questions:  « Et les enfants y dorment où,... Ah ? Et alors, vous, vous dormez dans une autre roulotte ?... ». Voyant ma fille Ysaline, elle continue en lui disant : « Et toi, toi, t'as une belle vie, hein ?!.. ». Ma fille la regarde sans répondre, Juliana insiste : « C'est chouette, hein, le voyage? ». Ma fille ennuyée ne sait que répondre. Juliana me regarde perplexe. J'explique doucement que ma fille a 15 ans, qu'elle souhaite partir et continuer une formation dans une école, qu'elle souffre parfois de rester avec ses parents et sa famille... Juliana s'adresse alors à Ysaline : « Mais tu as à peine 15 ans, tu n'es pas prête pour partir, chez nous, chez les Manouches, la fille ne peut pas fréquenter un garçon avant 18 ans, et le garçon doit demander au père la permission de fréquenter la fille, quand il a eu l'autorisation, il devra encore attendre trois ans pour pouvoir vivre avec la fille, et toi, tu veux partir! Moi, mon fils il ne veut pas partir, il est content d'être près de maman... Et tu vas faire quoi à 15 ans ?... ». Ysaline répond : « Non, je ne veux pas « partir »,... C'est compliqué... Je veux continuer ma formation musicale, je veux juste m'éloigner de mes parents, de ma famille, tout ça quoi... ». Juliana qui a du mal à comprendre : « C'est ta caravane là ?... Tu as déjà ta maison ?!!! ».Ysaline s'en va chez elle, Juliana me regarde : « Elle en a dans la tête, hein ! Elle veut être sédentaire, ça se sent qu'elle veut être sédentaire... ». J'explique alors à Juliana qu' Ysaline aime le voyage, mais qu'elle est à un moment de sa vie où elle réclame plus d'autonomie, de liberté et d'espace personnel, je la rassure en lui disant qu'elle ne veut pas nous « quitter », mais qu'elle souhaite « partir » pour respirer. Juliana me parle alors de sa fille Mireille (qui doit avoir environ 35 ans), de son gendre et de tout le protocole qu'il a suivi pour fréquenter Mireille, elle parle aussi de ses deux fils qui doivent tout deux avoir près de 40 ans, elle me quitte, je la salue, et elle va rejoindre les siens qui vivent, tous, auprès d'elle. (Les enfants, le beau-fils, le mari et les petits enfants). Le lendemain, elle m'invitera à venir visiter ses caravanes (deux énormes camions, une caravane et de multiples remorques), nous finirons Xavier et moi dans le camion de Mireille à boire le café préparé par Juliana. 

Plusieurs petites choses éveillèrent une émotion étrange en moi : Alors, que leur journée de travail était finie, tous étaient pourtant occupés à travailler , les uns changeant une roue, l'autre refaisant l'intérieur d'une caravane, l'autre encore remettant à neuf une porte, l'autre ponçant, et tout cela apparaissait comme l'activité joyeuse d'une ruche, et les abeilles travaillaient en accompagnant parfois d'une voix forte la sono qui fonctionnait pour tout le monde, et qui jouait tonitruante « Méditerranéenne... ». En sirotant mon café, je regardais émerveillée le poisson dans son petit aquarium posé sur le comptoir du camion de Mireille et je m'étonnais qu'il puisse survivre au voyage. Mireille souriait et me dit : « Quand tu bouges, il suffit de mettre l'aquarium dans l'évier, c'est simple! ». Juliana me montrait tout ce qu'il était possible de montrer, les tiroirs coulissants, le chauffage au fuel, la toilette, la douche, la chambre à coucher des parents, celles des enfants, elle me présenta à ses fils... Et je finis par les quitter, avec cette émotion particulière qui, elle, ne me lâchait pas.
Ce soir là, faisant le bilan des multiples difficultés auxquelles nous étions confrontés cette saison, je regardais mon compagnon et je dis : « Tu vois, ils sont beaux, ils sont rayonnants, ils sont joyeux, ils sont travailleurs, ils semblent n'avoir peur de rien, ils sont incroyablement forts. Leur force, c'est la famille, leur force, c'est le clan, où qu'ils aillent ils ne sont jamais seuls, si ils s'éloignent, ils savent qu'ils ne sont pas seuls, ils ne comprennent absolument pas la solitude! ».

Ça y est... La famille pète un plomb... 20H00... Personne.
Voilà, j'avais mis le doigt sur cette émotion, étrange mélange de joie et de tristesse, émotion mélangée émanant du constat d'être dans un monde où l'on a tout séparé, la terre qui se donnait pourtant sans partage n'était à présent plus que frontières et propriétés (publiques ou privées), on avait séparé les parents des enfants, les vieux des jeunes, le matériel du spirituel, le corps de l'esprit, la femme de l'homme, la santé de la maladie, le jeu de l'apprentissage... Les familles se trouvaient donc décomposées ou recomposées, l'on avait parfois trouvé sa moitié, l'on travaillait des quarts temps, des mi-temps, des temps partiels ou des temps pleins, mais jamais l'on était accomplis, on était juste malade ou en pleine forme, on était actif ou inactif, et tout les liens subtils unissant les choses et les êtres disparaissaient progressivement de ce monde désormais divisé et qui me semblait stéril. On en était réduit à ne compter que sur soi-même, à prier d'être en bonne santé, à vieillir en bon état, à gagner suffisamment d'argent pour s'occuper des enfants, avoir assez de temps pour parler, à s'enfermer « chez soi »en espérant qu'il ne nous arrive rien, à regarder le monde abruti sur un petit écran...Même si Ysaline ne comprenait pas ces façons de voir traditionnelles, et qu'elle aspirait à la liberté et l'éloignement, à l'autonomie et au détachement, il lui était difficile de voir à quel point ces gens du voyage étaient libres et heureux, il était sans doute difficile d'accepter que cette liberté venait de l'attachement fort au groupe et des comportements qui en résultaient : la solidarité absolue à l'égard de tous ses membres et un engagement unanime et sans condition dans l'entraide nécessaire quand l'on entreprend une vie dans l'improvisation, le mouvement et le voyage. Il me restait cette question « mais si toute la vie était un voyage, alors où et qui étaient mes compagnons de voyage, dans mon monde à moi, façonné par des décennies de guerres, de jeux de pouvoirs, redessiné sans cesse par de nouvelles règles, de nouvelles lois, de nouvelles frontières, et dont la seule chose devenue capitale dans mon monde à moi s'appelait si justement le capital?».
Les jours suivants n'allaient malheureusement pas atténuer cette impression de n'être qu'un poète au milieu des fous...

Je m'appelle "Dressée avec le poing"...
Comme à l'habitude, nous devions distribuer nos gazettes afin de diffuser l'information sur notre présence (Xavier joue de l'accordéon et moi j' annonce à la criée les prochaines dates de notre spectacle). Cette façon de faire à l'ancienne est souvent bien accueillie par le public... Nous voilà soudain arrêtés par la police qui nous demande de fournir notre autorisation, Xavier rigole, il croit à une bonne blague (on ne se refait pas!), les policiers au nombre de trois nous font vite comprendre qu'ils ne rigolent pas, et nous précisent que sans la dite autorisation de la mairie, il ne nous sera pas possible de jouer de l'accordéon et de faire « la criée ». Xavier tente d'argumenter, mais peine perdue, nous sommes renvoyés vers la mairie. Déjà très fatigués, par des démontages et montages successifs liés aux vents violents sur le secteur, nous nous rendons fulminants au service de la mairie, nous ne comprenons pas l'interdiction. Nous sommes reçus par une dame qui ne fait que répéter qu'il nous faut un arrêté du maire, elle nous « invite » à écrire une lettre et à l'envoyer à la mairie. Xavier s'énerve : « Mais, c'est ridicule, nous jouons demain ! Il n'y a personne qui peut nous faire une signature sur un papier ?... ». Face au refus de la dame, Xavier tente encore de convaincre par ses arguments. Peine perdue, la dame répète qu'elle ne peut rien faire dans notre sens. Elle finit par téléphoner à son supérieur (Chef de la réglementation sur la ville de Carcassonne). Alors que les bureaux devraient être fermés, on peut saluer l'effort de ce fonctionnaire de mairie qui se déplacera tout de même, bravo Monsieur! Xavier ré-explique la situation au « Chef », celui-ci confirmera les paroles des policiers et de la dame, il répétera qu'il fait bien son travail, travail qui consiste à faire respecter les règlements en vigueur sur la ville, il rappellera que la ville de Carcassonne étant classée au patrimoine, toute action doit être préalablement demandée par lettre à la mairie : « Vous comprenez, ou sinon, il pourrait y avoir de tout dans nos rues et nous pourrions être très vite envahis et dépassés ». Xavier sort de ses gongs, il explique qu'il ne comprend pas comment d'un côté on peut se plaindre du taux de chômage élevé ici sur l'Aude et de l'autre côté, on pouvait empêché ou rendre difficile toute initiative, par ailleurs, il soulignera qu'il n'a vu aucun artiste dans les rues. Le monsieur apprenant que nous sommes sur le site privé de Tridôme croira de bon goût d'ajouter : « Le Monsieur de Tridôme aurait du vous informer de la réglementation liée à la ville, ce n'est pas la première fois que j'ai affaire à lui, d'ailleurs je lui ai déjà envoyé une lettre en recommandé pour lui rappeler ses responsabilités en cas d'accident parce qu'il a le droit de faire ce qu'il fait, c'est son terrain, mais en cas de problème, il faudrait qu'il se souvienne de ses responsabilités... Il aurait du vous informer. » Moi, ahurie : « Ecoutez, je trouve assez déplacé de jeter la pierre à un monsieur qui a eu la gentillesse de nous accueillir gratuitement sur son site, qui de plus, nous fournit l'eau et l'électricité gracieusement, et encore, dois-je rappeler que si nous sommes là, c'est parce que justement, Madame G. qui se prétendait compétente comme attachée culturelle pour le festival d'été sur Carcassonne, nous a lamentablement opposé un refus et cela après deux mois de négociation, au moment de la signature de l'engagement celle-ci s'est soudainement rappelé que nous ne pourrions pas jouer avec notre chapiteau à côté de la cité... Madame G. avait pourtant notre dossier complet en main, la fiche technique, et les précisions concernant notre spectacle, c'est elle même qui avait décidé de nous placer à côté de la cité, et c'est encore elle qui voulait nous faire un contrat, nous ne demandions en effet qu'un emplacement pour jouer ! Vous comprendrez donc que si il y a une pierre à jeter j'aurais plutôt tendance à la jeter sur Madame G. qui travaillant à la mairie m'a semblé fort peu compétente ». On aurait pu ajouter face à l'obstination du bonhomme, que lorsque nous avions retéléphoner à Madame G. pour, lui exprimer toute notre déception, lui expliquer à quel point son refus tardif aurait des conséquences négatives sur notre saison, elle s'était contentée de répondre dédaigneuse : « Écoutez Monsieur, ici, on est à Carcassonne, et nous avons à peu près deux milles demandes, donc soyez contents qu'on vous ait déjà pris quelque chose (nous avons un contrat de 400 euros à prester sur la cité, le 23 juillet). Nous n'avions donc pas la moindre excuse, et pas la moindre considération. Face donc au chef de la réglementation qui n'en finissait plus de répéter à quel point il faisait bien son travail et qu'il n'était pas responsable des frasques de Madame G. (ben, voyons!) je me suis contentée d'ajouter cynique: « C'est vrai, vous faites très bien votre travail!... Donc, revenons- en à la lettre, expliquez moi bien ce que je dois faire... » Il voulait nous renvoyer chez nous et nous la faire envoyer par mail (les bureaux étaient censés être fermés et le monsieur avait fini de faire son travail depuis 18H00). J'ai dis : « Ah ! Non, vous êtes là, vous allez faire bien votre travail, et vous allez me dire tout de suite ce qu'il faut demander dans le courrier, parce qu'on va le faire tout de suite!... ». Pris de court et soupirant, il m'indiquait où m'asseoir et j'écrivis une lettre à l'intention du maire. Nous aurions la réponse quatre jours après ! (Les bureaux de mairie ne fonctionnent pas le week-end. Et le vendredi, le Monsieur devait sans doute être surbooké, c'est vrai, qu'il m'avait rappelé à quel point les réglementations étaient de plus en plus nombreuses, alors évidemment, en tant que chef de la réglementation, il ne devait pas manquer de boulot).
Alors, c'est vrai que le courage vient à manquer. Qu'après trois jours de guerres incessantes pour lutter contre le vent et puis la pluie, que dis-je le déluge, après des jours et des jours de fatigue accumulée, de lutte contre le chef de la réglementation pour pouvoir distribuer à la criée et en musique nos dépliants, de désœuvrement lié « au vent » que je me suis pris en pleine face à « Cultura » face à un public totalement indifférent, voir ennuyé, ( invitée par le gérant de Cultura, je chantais la dernière chanson de notre spectacle dans le cadre de nos démarchages en communication), tout ces efforts pour pouvoir juste « jouer », quand nous constations déçus, que nous avions à la première 6 personnes, à la deuxième 8 personnes, et la troisième 0, la quatrième annulée car le vent avait soufflé tout le matin pour s'arrêter à 18HOO, heureusement nous n'avions que 10 personnes... C'est vrai, je commençais à prendre la pleine conscience de ce que signifiait le mot « courage », car c'est souvent quand on n'en n'a plus que l'on sait la rareté d'une chose, et le courage, il faut bien le dire, vient à manquer, et cela n'est pas compensé par le public, qui lui, n'augmente pas !

Après un quart d'heure de défoulement familial, on se prépare au prochain orage...
Bref, dans « le vent » de Carcassonne et alors que ma saison ressemblait à une succession de petites apocalypses, je me disais que, décidément, la seule chose apprise cette saison aura été l'humidité... Euh ! Pardon, je voulais dire l'humilité...  

dimanche 13 juillet 2014

Là bas, à "Albas"


- Y paraît que le paradis existe, mais il est bien caché! 


-C'est où ? Dis le moi.
- Là bas, à « Albas ». 
-Pourquoi il est caché ?
-Parce que les belles choses se goûtent mieux dans l'effort que l'on a donné pour les trouver.
-A quoi ça ressemble le paradis ?


-A « Albas », là bas...
-Mais qu'est ce qu'on y trouve là bas qui y'a pas ici ?
-De simples choses qui s'élèvent au rang d' Art, ça s'appelle l'« art caché ».
-S'il te plaît, raconte-moi !


-Il paraît que quand tu crois avoir perdu ton chemin, soudain, au détour d'une petite route sinueuse, tu aperçois le clocher de son église, la petite église d'Albas. Tu arrives alors sur la place du village, et là, une jeune femme, nommée Cécile, aux longs cheveux noirs, accompagnée du Maire d'Albas, vient te saluer cordialement. Tout deux t'indiquent ensuite où tu peux boire de l'eau fraîche et où tu peux te doucher. Tu t'installes et un « Alain » t'invite chez une « Nicole » pour prendre un apéritif avec d'autres habitants.



 La lumière baigne Albas et t'appelle pour une promenade, tu découvres alors terrasses ombragées, placettes accueillantes, bancs pour le repos, jardins fleuris, sources d'eau fraîches, Albas comme dans un écrin, protégée par les reliefs des Corbières, un plan d'eau, des chemins traversant les vignes, des moulins, des légumes, des hamacs qui invitent à la sieste.



 Lorsque la chaleur devient trop forte, Martine l'épicière distribue des glaces aux enfants et aux grands. Il y a des artistes inspirés qui habillent les jardins de leurs œuvres et le spectateur se perd langoureusement dans ces petits lieux intimes comme une Alice au pays des Merveilles sans plus pouvoir distinguer la beauté des œuvres de la beauté des lieux, ainsi, émerveillé, il marche dans une œuvre d'art toute entière.



 Un instant tu te reposes à l'ombre des arbres sur une place, et là, Rachel « la femme clown » t'emmène dans son univers de petits bouts de riens de petits bouts de rires, un peu plus loin tu entends le concert qu'une artiste termine dans l'église, si tu es toi aussi une artiste, tu joues de ton art devant un public généreux et même quand l'orage gronde et que la tempête arrive, le public te soutient et t'applaudit sans faillir les pieds dans l'eau, les larmes aux yeux, et le sourire rayonnant.



 Tu y retrouveras des amis déjà croisés, comme la belle Alexia qui sculpte du fil de fer. Il y a une potière nommée Sylvaine qui t'offrira des coquelicots faits de sa main, il y a une femme nommée Lolo qui s'occupera de donner à manger à tes enfants, et son mari André t'offrira le meilleur de son vin, ils t'ouvriront leur maison magnifique comme si tu étais chez toi, Lolo lavera ton linge et tes coussins salis par la tempête, et si tu es en panne, au moment du départ, elle viendra tirer ta caravane jusqu'à Carcassonne, Anne-Marie la femme du maire t'offrira des abricots, si tu es dans le noir on te donnera de la lumière, il y a dame Gudrun qui t'offrira le café, si tu croises Fabienne à la buvette, elle te proposera de te « payer » le verre de vin, Martine t'emmènera visiter tout le village qu'elle connaît par cœur et Cécile s’inquiétera régulièrement pour ton bien-être, si tu as perdu tes chaussures, elle t'en offrira. A Albas, tu connaîtras le calme de la paix et tu goûteras à la sécurité de n'être pas seul.


Tout y est si charmant, que lorsqu'il te faudra quitter la douceur d'« Albas », te heurtant déjà à la rudesse du quotidien, à ce moment là, tu te diras qu'ici c'est pas le paradis, car le paradis, je te le dis, le paradis c'est là bas, tout là bas, à Albas.


-C'est pas vrai! Je te crois pas, c'est trop beau! Ça peut pas exister...





-Ce qui est beau ne s'explique pas, ce qui est beau c'est de l'Art, et l'Art se donne à ceux qui croient, et l'Art s'offre à ceux qui ont cherché, et ceux qui chercheront trouveront « l' art caché », alors cherche ! 
                                              C'est là bas, tout là bas, à « Albas ».  

vendredi 4 juillet 2014

Dans le bouquet de soucis, finalement, y' avait un Lys...


Faut pas jouer les mécanos quand on est artiste...
Xavier avait mal compris : Guillaume ne viendra pas mercredi mais mardi à 10h00. Tant mieux nous gagnerons un jour précieux. Il arrive donc notre Guillaume accompagné comme promis de son ami Eric (The garagiste avec The valise) à 10h00 tapante. En les regardant je me dis que, finalement, Guillaume est un garagiste bien spécial dont le cœur est sans aucun doute celui d'un Chevalier Conquérant, aidé dans sa tâche difficile par son fidèle comparse le Chevalier « Eric Alavalise ». Je les accueille comme je peux, et je m'emploie à faire la seule chose que je sais faire en pareille circonstance (on est princesse ou on ne l'est pas!): du café. Pour le coup, je me sens un peu comme la « godiche » qui attend angoissée dans son donjon, qu'un miracle opère. Je me surprend même à prier un dieu hypothétique de venir à mon secours tenant compte de la grande pureté des intentions logées en mon cœur...

Guillaume, Chevalier "Conquérant" et "Garagiste"

Mais Dieu ne fera aucun miracle (peut-être est-ce parce que je fumais ma clope pendant la prière rendant celle-ci impure?). Après deux heures de travail pour tenter de convaincre mon fidèle destrier de redémarrer, « Eric Alavalise », connu aussi sous le nom « d'Eric Le Doux », m' annonce l'air grave qu'il ne comprend pas mais qu'il n'arrive pas à le redémarrer. Guillaume, alors toujours si justement inspiré, me demande si, par hasard, nous n'aurions pas inversé les polarités en connectant les pinces aux véhicules quand nous tentions de résoudre le problème seuls. C'est alors, que moi-même, prise d'un étrange moment d' extrême clarté (sans doute l'intervention minimum du divin et les trois cafés que j'avais pu avaler), je m'entends répondre : « Ah ! Oui... En effet, Xavier a inversé les pinces et il y a même eu des étincelles !!! ». Guillaume, l'air mélangé entre perplexité et désolation : « ... ». Face à mes yeux ronds, Guillaume toujours : « Mais il fallait me le dire tout de suite... C'est ça !!! Vous avez grillé le calculateur ! Putain... Mais pourquoi Xavier ne m'a pas parlé de ça? ». Il conclut sans appel : « A tout les coups, c'est ça, sûr à 99, 99% ». Son fidèle comparse, me regarde et malgré la douceur de son regard compatissant, il oscille la tête de bas en haut sans un mot, il confirme silencieux le verdict de Guillaume. Pas le choix, nous devrons faire emmener le destrier « Mercedes » au garage à Trèbes. Il faudra vraisemblablement changer le calculateur.

Et on regarde partir sa maison...
Devant mon air éploré, et, sensible à ma voix vacillante implorant la grâce, Guillaume enchaîne : « Écoute, je vais appeler un transporteur pour vous l'emmener à Trèbes, je pense que c'est plus prudent : tracter un véhicule, comme le vôtre, jusque là peut s'avérer trop dangereux. A Trèbes, je m'occuperai personnellement de votre véhicule, je téléphonerai au chef d'atelier et je veillerai à ce qu'ils ne vous gonflent pas les frais. Vous pouvez vider le véhicule du nécessaire pour le spectacle et ensuite partir à Albas. Je vous téléphonerai dès que j'en sais plus sur le coût de la réparation ». Entre temps, j'avais appelé Seigneur « Xavier Le bigleux » à la rescousse, qui lui, était en guerre sur Carcassonne pour effectuer son démarchage auprès des commerçants. J'étais complètement assommée : Outre, que Guillaume m'avait informée doucement du prix probable de la panne, il fallait encore que je digère l'idée de me séparer d'une partie de ma maison (ma chambre et mon bureau), de plus, nous allions devoir effectuer notre voyage vers Albas en deux fois ( pour tracter la grande roulotte et la Caravette). Je soulevai une armée d'enfants (trois d'entre eux) qui aidèrent vaillamment, à dresser la table pour le banquet (les problèmes n'empêchent jamais les enfants d'avoir faim), à charger la grande roulotte de tout notre matériel de spectacle, à préparer à la hâte quelques effets personnels pour tenir le coup lors de notre fuite vers Albas, je donnai mes ordres pour que l'on prépare le repas... les ordres furent compris rapidement, me souvenant qu'étant moi-même l' intendante! Le Chevalier Eric me quitta désolé de ne pouvoir faire plus, il était attendu en Ariège pour une autre mission urgente.

Nous apprenions le lendemain matin, ce matin même, que les frais de réparation s'élèveraient à 1855 euros, le diagnostic de Guillaume était donc exact. A cela nous devions ajouter les frais de transport s'élevant à 295 euros... Bref, notre fief se trouvait en bien mauvaise posture financière. Nous nous demandions si en guise de solution, nous n'allions pas prélever une dîme sur la population, mais nous doutions déjà de cette alternative, ayant observé que la colère grondait dans plus d'un foyer: le peuple était exsangue... Le monde allait mal, et il m'apparaissait clairement que, de plus en plus fréquemment, chacun allait devoir chercher en son propre fort, autant de générosité, d'ingéniosité et de courage que possible, pour mettre ces qualités personnelles au service du groupe. Des valeurs de solidarité telles que m' inspiraient les Chevaliers « Guillaume Garagistéconquérant », « Eric Le Doux », et, Dame « Emilie Latrèjolie » (Fidèle compagne et muse de Chevalier Guillaume).

Ça y'est, c'est fini, en route donc vers Albas avec une seule roulotte...
Quand on voit Guillaume, costaud, portant lourde bague au doigt, vêtement tâchés et noirs, godillots salis, quand on entend son langage franc et sans détour, quand on sent sa hargne façonnée par les guerres qu'il a déjà menées, l'on peut douter un instant d'avoir à faire à un Chevalier... mais ne vous y trompez pas, la noirceur de son habit cache mal la blancheur éclatante de son cœur noble... D'ailleurs Chevalier Eric et Dame Emilie ne s'y sont pas trompés eux!...
Quant à moi, je regrette de n'être ni Princesse, ni Reine, car si telle était ma condition, j'aurais certainement utilisé tout mon pouvoir pour anoblir Guillaume et ses comparses, j'aurais fait une grande fête avec beaucoup de troubadours (payés bien sûr) et au terme d'une cérémonie simple et émouvante je leurs aurais transmis, en gage de ma très grande reconnaissance, mon drapeau frappé de la fleur de Lys, symbole incontestable de Noblesse.

Mais n'étant ni Reine, ni Princesse, j'écris juste ce qu'ils m'ont inspiré : «  Dans le bouquet de soucis, finalement, y' avait un Lys ». Merci encore infiniment à eux.