La note de l'écrivain

Le rêve c'est bien, mais la réalité est plus nuancée, plus complexe, terreau du meilleur parfois du pire. L'histoire humaine est jalonnée de rêves aux allures de cauchemars..

Le voyage que notre famille entreprend permet sans nul doute d'être témoins privilégiés de faits souvent ignorés ou mal évalués. Quand on vit, comme le plus grand nombre, abrité par quatre murs et un toit, on a parfois peur mais on suppose que le danger ne passera pas la porte, préférant regarder par la lorgnette (le petit écran) ce qui se passe au-dehors. Le danger n'est pourtant pas dans la réalité, mais dans le fait de ne pas vouloir la voir, où d' en nier une partie, car elle n'est ni bonne ni mauvaise, elle est ce qu'elle est.

Notre gazette s'invite dans vos boudoirs chaleureux, petit moment de pause, réflexions, idées, impulsions et initiatives pour que résolument attentifs, nous nous souvenions que notre humanité tient dans notre faculté à rêver et notre capacité à transformer nos rêves en réalité. Pour le meilleur et le meilleur!

dimanche 16 octobre 2016

Samedi 15 à Limoux c'était pleine lune et... les loups hurlaient.





Cette journée pour contrer le mouvement FN (contre les migrants à Limoux ce samedi 15 octobre place de la République) fût teintée d'émotions: il me fallu regagner, seule, ma voiture garée en périphérie pour m'en rendre compte. Mes émotions étaient si mélangées, qu'à dire vrai, j'aurais été incapable d'y mettre des mots le jour même. Alors que la voiture filait vers la maison, je regardai le ciel: incroyablement lumineux, teinté de cette magnifique lumière du couchant mélangée de rouges d'oranges et de bleus, et trônant majestueuse au milieu, une lune énorme, généreuse et pleine. Aussitôt inspirée, m'est venue une image: celle des loups hurlant à la lune, ensuite une autre, celle des masques affreux d'Halloween...Ensuite... Les faces affreuses des manifestants FN (étions- nous déjà à Halloween? Mon dieu, comme le temps passe vite...)



Car dans le défilé plusieurs choses m'avait frappée: D'une part la présence significative dans le groupe FN de nombreux jeunes, ensuite l'apparence des manifestants. Une partie d'entre eux étaient très "propres sur eux", en costumes et cravates, petits tailleurs, tenues classiques, sport "décontracté et sans auréoles jaunes sous les bras", çà et là le groupe égrenait ses vieilles et ses vieux boiteux comme on égrène les grains du chapelet (cathos extrémistes obligent!), encore une autre partie du groupe était constituée par une bande de "sales tronches", tatouées et/ou masquées, les vêtements noirs, le regard chargé de haine. Ces derniers criaient des insultes, faisaient des grimaces (à moins que ce ne fusse leurs faciès habituels? Ceux là pensais-je, méchante, il eut mieux valu finalement qu'ils portent un masque!). Ils nous "saluaient" par des "fuck" levant le majeur dans notre direction, à peine "calmés" par les "caresses" des politiciens en costard qui les encadraient. Alors que debout, sur la fontaine de la place, je m'égosillais sur les paroles de la chanson de Brassens "L'auvergnat", tentant désespérément de couvrir les insultes et les sifflets à mon sens totalement stériles et inutiles car copiant en tout point le langage attendu du FN (ce qu'on peut être con des fois!), je songeais soudain à ces bigots un peu précieux à cheval sur leurs principes qui, sortant le dimanche, baladent leurs bichons tenus en laisse en se baissant pour ramasser leurs petites crottes, sauf qu'ici, pensais-je, il s'agissait plutôt de promener les chiens de combats sans ramasser les crottes derrière (c'est passible d'amende), certains pourtant munis, comme la loi l'exige pour les races dangereuses, d'une muselière noire sur-imprimée d'un motif blanc imitant les os de la mâchoire. (Effrayant et grotesque. C'est ce que je disais Limoux faisait déjà son carnaval, ou alors, Halloween cette année fût un peu avancé?! Mon dieu comme le temps passe vite!)



Oui, j'ai tenté de chanter, car quand on a que l'amour pour couvrir un canon... Mais qu'elle est triste cette chanson quant elle ne suffit pas à convaincre un tambour... Car, chantant tour à tour "Amstrong" de Nougaro, et puis des chants aux paroles improbables qui parlaient d'âme damnée et d'enfer, je me disais, chantant l'Auvergnat, que l'enfer c'était ça: Faire chanter à tue tête une belge, sur la place de la République (?!), une belge ayant vécu chez des aveyronnais qui lui avaient demandé quelques années plutôt ce qu'elle était venue chercher ici car il n'y avait rien à lui donner, et d'ajouter en riant grassement qu'elle avait de la chance de ne pas avoir choisi l'Auvergne, car l'Auvergne, disaient-ils, c'est encore pire! (Fallait-il croire Brassens? Moi, en tout cas, j'avais de sérieux doutes sur la République) Et me voilà donc en enfer, hurlant les paroles de Brassens, ou encore d'un chant des partisans que je ne connais pas. Les sanglots qui serrent ma gorge, je tente d'entraîner vainement cette foule dans un chant qui n'est pas le mien (moi c'est Brel) pour faire taire les quolibets, les insultes et poser là, ma petite humanité, ma condition fraternelle. Oui, les loups étaient entrés à Limoux... Mais qui étaient finalement ces loups? Chacun dira c'est l'autre, évidemment...



Pourtant des loups, il y en avait parmi nous, en fait y en avait un peu partout... La violence n'est pas toujours là où on l'attend. Il y avait la violence facile, grossière, visible du FN et puis il y avait aussi ça et là, une violence plus subtile, moins visible, qui participe pourtant de la première. Passant et marchant dans la foule, je croisai une petite bande d'individus habillés eux aussi de noir (Tiens? Bizarre?), l'un d'entre eux portait une écharpe qui cachait le bas du visage, j’assistai impuissante à l'échappée soudaine d'une d'entre nous qui prise de furie et la bouche pleine d'insultes tenta de passer le cordon de sécurité arrêtée juste à temps par un pacifiste. Coincée entre le noyau dur des manifestants en première ligne et le cordon formé par les CRS, j'ai tenté par la douceur d'une caresse et de mon regard d'apaiser une jeune femme qui voulait" en découdre avec les salauds d'en face", j'ai croisé le regard de ce policier qui me voyant faire, me demanda de continuer à agir dans ce sens, lui-même, tentant de rester calme malgré les forces autour, derrière et devant, qui se déchaînaient, j'ai rencontré le regard soucieux de mon amie suivant la scène un peu en retrait, j'ai répondu à ce jeune à mes côté qui me dit outré: "mais pourquoi, ils nous repoussent? C'est nous, les gentils, on est légitimes nous, eux pas!!!", et moi de lui répondre, "ils nous repoussent et demandent que l'on se calme car notre manifestation est illégale, ils auraient pu nous demander de nous disperser depuis le début, et ils ne l'ont pas fait! Calmez-vous! Chantez, tapez dans les mains!", j'ai croisé le regard d'une autre qui m'écoutant dire: "Calmez-vous... OK? Calmez-vous, ça va?", me dit les bras croisés sur la poitrine d'un ton de défi: "Ah! Mais moi, ça va très bien, moi!"...(Qu'est c'qu'on peut être con parfois!)



Oui, convaincue d'aller bien, elle l'était. Et là, je me suis dit, voilà, c'est ça : la violence se nourrissait toujours de nos convictions et de cette incapacité récurrente à les c-analyser... Nos convictions grossières nous transformaient peu à peu en cons- vaincus... Puis étant cons, l'on s'en allait hurlant des chants patriotiques menant un con-bat... Et pour que le con-bat soit bon, il faudrait un vainqueur. L'on était con-vaincu que le vainqueur c'était nous... Et puis con... On s’apercevait trop tard que chacun avait pourtant perdu d'avance.



Mon amie, malade et sans voix, me dit: "Tu crois vraiment que ça sert encore à quelque chose d'être là?". J'ai répondu dans un sourire plein, que je voulais vigoureux: "Oui!!! Bien sûr! Comment pourrais-je imaginer ne pas être là! Notre présence est importante! Que ce soit en chantant, ou non, en mangeant des tartines, ou des spéculoos, notre présence est essentielle. Notre absence serait trop facilement lue comme un consentement!" Car même, si des loups étaient aussi parmi nous, je ne pouvais envisager de ne pas être là, essentielle dans mon humanité blessée.



Face à l'obscurantisme des paroles, un silence lumineux aurait été bienvenu. Malheureusement, il est bien difficile de maîtriser le loup sauvage qui hurle en nous. A l'approche de la catastrophe, les oiseaux font silence, quand les hommes, souvent, hurlent en tous sens. Les premiers sont sauvés, quand les seconds pleurent leurs morts... C'est exactement ce qui me traversait, quand l'anecdote de fin de journée m'arriva.



Nous nous étions rapidement dispersés, mesure de précaution, pour ne pas "offrir" d'occasions aux plus enragés. Ainsi, je me retrouvai d'un seul coup, seule, exténuée, la voix cassée d'avoir braillé des chansons improvisées. Je cherchais des yeux mon amie pour lui dire au-revoir, elle s'était évaporée (tant pis, me disais-je, il est des amitiés comme ça... qui s'évaporent dans des brumes Thiefaines...), j'entendis soudain les voix chaleureuses et amicales de mes amies Pat et Alison qui m'invitaient à la terrasse d'un café de la place pour boire un verre, sans réfléchir, je me dirigeai vers la table pour m'installer près d'elles,... Sauf, qu'arrivant à la seule chaise restante, je m'aperçu avec une certaine horreur que je me retrouvais par un hasard des plus malicieux, assise tout à côté d'une personne que je ne pouvais absolument plus "sentir", une personne pourtant, avec laquelle je venais de manifester pour des valeurs telles que la "fraternité"(?!)... Il est comique le hasard! Partagée entre mon envie de lui mettre une bonne baffe, ou encore, de lui jeter à la face toutes les belles choses que je pensais d'elle, j'ai hésité... Un moment... Suspendue... Sur un fil... La serveuse vint prendre les commandes... Et puis d'un coup, je me suis levée, je suis passée derrière elle, je l'ai juste ignorée, allant rejoindre une amie sur la place, je l'invitai à boire un verre au café en face, prenant soin de lui expliquer la posture fâcheuse dans laquelle je me trouvais... Il y avait entre cette personne et moi une distance suffisante pour l'oublier aussitôt et préserver ma fraternité sans tomber dans les affres de la stupidité.(Ouf!)



Oui, face à certains, l'option la plus juste, mais la moins facile parfois, est le silence, car on ne discute pas avec les con-vaincus. On se replie en soi doucement, on s'accorde bienveillance et tendresse, et on trouve ailleurs la chaleur qui fait défaut chez ceux-là. J'ai terminé mon après-midi par un pas de danse souriant avec mon amie Isabelle, une accolade pleine de douceur, un regard tendre et complice et puis j'ai regagné ma voiture.



J'ai vu la lune pleine... J'étais reconnaissante pour cette après-midi qui m'avait confrontée tout à la fois à des ami(e)s que je n'avais pas vues depuis longtemps, à des ami(e)s que je côtoyais aujourd'hui, à des ami(e)s évaporé(e)s, à d'autres de passage, à des ennemi(e)s grotesques et déguisé(e)s, à des paumé(e)s dont le nom est personne, à des connu(e)s qu'on se dit qu'on n'aurait voulu pas les connaître, à des inconnu(e)s qui le resteront, à la violence déchaînée et brutale, aux petites violences quotidiennes, à ma tristesse et à ma joie d'être là, à ma louve qui hurlait à la lune et qui se réjouissait d'avoir une meute à aimer profondément à la maison.



Un peu inquiète toutefois, je songeais que le loup était tapi là dans mon cœur et qu'il faudrait toute la sagesse du monde pour l'apprivoiser. Car pour empêcher le loup d'entrer dans Paris, il fallait pouvoir le reconnaître, pour le reconnaître il fallait l'apprivoiser. C'était la seule issue pour que ma petite meute puisse grandir dans un monde peut-être plus juste. Devenir maître loup: lui commander de se taire, lui ordonner de parler quand cela serait nécessaire, connaître sa sauvagerie, utiliser sa force, son habileté et sa sociabilité pour avancer fiers et droits sur le chemin impérieux de notre humanité... Maître oui, mais, seulement de soi.





P.S: prochain rassemblement prévu et officiel à "Bienvenue à Limoux" 15h30 place de la République le samedi 22 octobre.









  












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