La note de l'écrivain

Le rêve c'est bien, mais la réalité est plus nuancée, plus complexe, terreau du meilleur parfois du pire. L'histoire humaine est jalonnée de rêves aux allures de cauchemars..

Le voyage que notre famille entreprend permet sans nul doute d'être témoins privilégiés de faits souvent ignorés ou mal évalués. Quand on vit, comme le plus grand nombre, abrité par quatre murs et un toit, on a parfois peur mais on suppose que le danger ne passera pas la porte, préférant regarder par la lorgnette (le petit écran) ce qui se passe au-dehors. Le danger n'est pourtant pas dans la réalité, mais dans le fait de ne pas vouloir la voir, où d' en nier une partie, car elle n'est ni bonne ni mauvaise, elle est ce qu'elle est.

Notre gazette s'invite dans vos boudoirs chaleureux, petit moment de pause, réflexions, idées, impulsions et initiatives pour que résolument attentifs, nous nous souvenions que notre humanité tient dans notre faculté à rêver et notre capacité à transformer nos rêves en réalité. Pour le meilleur et le meilleur!

samedi 17 mai 2014

Eh, oui! Ce sont des roulottes, pas des camping-cars...



L' aire de stationnement à côté de l'Aude à Limoux
Arrivés à Limoux sans encombres, nous installons le convoi sur l'aire de stationnement réservée aux camping-cars... Nous sommes salués par les occupants du lieu qui semblent être habitués à l'aire de Limoux. Nous ferons visiter, à la demande de certains, notre convoi qui en émerveille plus d'un. Les gens ont l'air plutôt ravis. Fatigués, Xavier et moi, nous partons en quête de pizzas (chez Jean-Mi) au centre de Limoux, qui non seulement, est sympathique mais en plus, fait des pizzas à tomber par-terre pour des prix plus qu'honorables.


Revenant au bout d'une heure (Jean-Mi était surbooké), nous retrouvons les enfants un peu inquiets. Ils nous racontent que notre voisine directe (tout à côté de notre roulotte) est passée pour leurs dire qu'il ne fallait pas faire de bruit, que nous n'avions pas le droit de stationner avec nos roulottes (ce ne sont pas des camping-cars) et que de plus, elle connaissait personnellement les gendarmes qui eux, seraient extrêmement stricts la- dessus. D'emblée donc, je m'inquiète de savoir qui est cette voisine dont mes enfants me parlent. C'est une petite vieille (65/70 ans) qui ira se coucher à 21HOO au moment où nous allions souper. Je rassure mes enfants et leurs explique qu'elle a peut-être vite peur, qu'ils veillent donc à être polis (comme d'habitude), pas trop bruyants (plus dur pour Erwenn), bref, qu'ils soient juste discrets vis-à-vis d'elle, ajoutant qu'elle ne doit pas être méchante, qu'elle doit juste se sentir un peu « chez elle ».

Le lendemain matin, nous constatons qu'elle a bougé son convoi pour le placer en face... Encore une fois, je répète aux enfants de ne pas s'inquiéter, qu'ils n' avaient rien à se reprocher, que la petite dame était sans doute vite apeurée, que malheureusement, il y avait partout des gens comme ça.  Puis, nous déjeunions. Xavier et moi, allions faire notre « criée » et distribuer des affiches aux commerçants du centre de Limoux. Xavier promet aux enfants d'aller à la piscine avec eux, une fois notre travail achevé, tout le monde est ravi.

Nous stationnerons là 3 ou 4 jours avant de jouer
Au moment où nous allions partir, la petite dame en question m'aborde en s'exclamant : « J'adore votre convoi, les enfants m'ont fait visiter hier... Ils ne vous l'ont pas dit ?... Mon mari aimerait bien un toit semblable sur sa caravane... (Puis, faisant allusion à une dame venue la veille me demander nos dates de spectacles) elle enchaîne : « Ouh ! Vous avez de la chance, cette dame est partie ce matin, elle cherchait des misères à tout le monde, elle m'a insultée pendant deux semaines, j'ai été obligée d'appeler les gendarmes... Vous vous rendez compte ? A mon âge ?... Se faire insulter comme ça, mais moi j'ai été avocate, je connais bien les gendarmes... Je l'ai enregistrée la dame, j'aurais pu les faire chasser... Maintenant, tout le monde ici croit que c'est moi qui appelle tout le temps la police, parce qu'il y a quelqu'un ici qui s'amuse à dénoncer tout le monde... Y'en a encore un là, à côté de mon camion, celui là c'est un hollandais... Mais bon, il ne me dérange pas... Celui-là, là bas c'est un anglais, il fait pipi dans une bouteille en plastique et il vide ses bouteilles dans l'herbe, les gendarmes lui ont fait déplacer son véhicule,... Il croit que c'est moi qui l'ai dénoncé mais c'est pas vrai, c'est pas moi, les seuls que j'ai fait chasser ce sont des Manouches... Ils avaient une machine à laver et ils mettaient de l'eau partout, en plus ils faisaient des feux alors que nous on n'a pas le droit de faire des barbecues, et puis leurs véhicules n'étaient pas du tout aux normes, alors un matin, les gendarmes sont venus et avec leurs mitraillettes ils les ont obligés à partir, ils ont fourré vite fait tout leur bazar dans une remorque et ils sont partis... Bon débarras, la seule chose qui me fait de la peine, c'est qu'ils avaient des enfants... Les pauvres enfants. (Regardant Erwenn blotti contre moi, elle continue)... Oh ! Il est beau votre titi, il a les yeux bleus, c'est un beau titi, c'est bien, ils sont beaux vos enfants, j'ai dit à tout le monde que l'on se doutait pas que vous aviez quatre enfants tellement ils sont calmes, on les entend pas,... Mais vous êtes quoi vous ? Vous êtes des itinérants, vous vivez à l'année dans vos roulottes ? Est ce que vous avez le droit de vous mettre là ? Les gendarmes ils ne vous disent rien ? Et est-ce que vous avez des toilettes la dedans ?... ». Je lui expliquai ce que nous faisions là, et sans me douter de rien je partais maintenant avec Xavier pour aller déposer mes affiches dans les commerces.

A mon retour, je suis abordée cette fois, par les autres camping-caristes qui me mettent en garde m'informant que la dame a créé des soucis à tout le monde sur l'aire de stationnement, qu'elle a fait déplacer plusieurs fois les gendarmes pour des broutilles, qu'elle est tout sourire "devant" mais que "par derrière" elle vous dénonce aux gendarmes dès lors que vous ne lui plaisez pas. Je souris et je dis à l'un de mes interlocuteurs, qu'elle est étonnante par sa capacité incroyable à changer de comportement en fonction de la personne à qui elle s'adresse (sans doute est-elle un peu malade?). Je continue en m'étonnant que les gendarmes acceptent encore de se déplacer ayant pourtant compris que la dame était pour le moins une "emmerdeuse". Et pour conclure, je m'interroge tout haut sur cette attitude qui consiste à « emmerder » l'autre et à se comporter comme si l'on était partout chez soi... (Cette dame est installée là, de façon quasi permanente et se sent donc sans doute autorisée à faire régner la terreur sur la petite aire de stationnement ouverte à tout voyageurs).

C'est alors qu' un des messieurs me regarde et enchaîne : « C'est vrai, que parfois y'en a qui ont des camions qui ne sont pas aux normes, ils ont des "dreds" (cheveux entremêlés en sorte de tresses, coiffure typique des chanteurs de reggae) et leurs chiens pissent partout, ils respectent rien et ils s'installent là avec leurs camions pourris... ». Je rappelais donc mon chien juste derrière, qui était entrain de lever la patte sur l'arbre à l'ombre duquel nous parlions, je me repliai polie-ment et discrètement dans ma roulotte et je me dis en souriant que c'était une bien bonne idée de m'être couper les cheveux récemment, que nous avions de la chance d'avoir quatre enfants blonds aux yeux bleus, que décidément le spectacle nous protégeait de la malveillance, qu'il nous fallait faire bien des efforts pour exister sans heurter, que même sur l'espace publique destiné à l'accueil des voyageurs il se trouvait toujours des "propriétaires", et que, obstinément, l'homme avait bien du mal à se rappeler à sa nature initiale et nomade car l'on prend si facilement ses petites peurs et ses petites habitudes en voyage, ... Et puis avec un rire désormais cynique sur la question, et un petit air de musique dans la tête, … je me disais qu'une fois de plus, ma vie d'errance allait me permettre d'écrire un petit article un peu acide dans ma Gazette, avec pour titre ;  « Eh, oui, ce sont des ROULOTTES! Ce ne sont pas des CAMPING-CARS! ». On dirait qu'ça t'gêne de diner avec nous... On dirait qu'ça t'gêne de traîner avec nous...  

jeudi 15 mai 2014

Un peu d'air au lac de Cavayère...



Sur le parking du Lac de cavayère
Ce que j'aime au lac de Cavayère, à quelques kilomètres de Carcassonne, c'est le bruit du vent dans les feuilles, la vue légèrement surplombante depuis le parking où sont garés nos véhicules, le reflet des eaux du lac, le calme du secteur et tout autour, des pentes vertes... Nous y étions déjà venus il y trois ans, au début de notre aventure, et à présent nous y revenons pour deux jours seulement, afin de nous ressourcer avant de gagner la petite ville de Limoux, où nous jouerons fin de semaine prochaine...

Vue depuis le parking
Après la dernière dizaine de jours un peu morose, sous le ciel plus souvent gris que bleu de Castelnaudary, la douceur de cette journée ensoleillée repose et apaise. Le silence des nuits et le calme du secteur laissent profiter de ces premières soirées annonçant l'été où l'on prend plaisir à contempler les étoiles en ne pensant à rien. La saison d'été n'étant pas encore entamée, on a un peu l'impression d'avoir le lac à soi seul, et cela fait beaucoup de bien de ne voir personne, même si les plus grands de nos enfants, eux, souhaiteraient plus volontiers l'animation d'une ville. Car ici, pas de commerces, pas de shopping, pas de petits cafés, pas de copains et de copines, et, pour couronner le tout, pas d'électricité, donc pas (trop) d'ordinateur, de DS, de téléphone et toutes ces choses qui vous tiennent en permanence aux autres. Y'en a qui râlent ! Si je souhaitais pour ma part, profiter un peu de ce lieu calme, nous n'allons pas pouvoir rester plus de deux nuits et nous repartirons déjà demain. Il nous faut en effet démarcher sur Limoux et donc, distribuer nos gazettes afin d'optimiser nos séries sur la dite ville.

Cavayère est un des rares endroits où la présence de nos roulottes est tolérée lorsque nous ne jouons pas... Et cela sur une courte période bien entendu. Xavier avait par correction contacté la mairie de Carcassonne pour bénéficier d'une autorisation de stationner officielle, mais celle-ci nous avait immédiatement renvoyés vers une aire de passage "dans la zone du pont rouge", nettement moins bucolique! Nous avons donc "fait les pirates" et c'est sans autorisation que nous sommes stationnés ici. Nous nous rappelions que trois ans auparavant les gardiens du lieu avaient toléré notre présence pour trois jours et comme cette fois ci, nous ne devions pas rester longtemps nous avons préféré prendre le risque de nous placer ici.

Déjà demain le bol d'air de Cavayère est terminé, il faut reprendre la route et retrouver l'agitation des petites villes. 

mercredi 14 mai 2014

Castelnaudary... C'est la quille !


Si la première série de cinq représentations s'était avérée difficile ,(trois annulations, une représentation devant 11 personnes et une dernière devant une jauge de 35 personnes), la deuxième série sera poussive... Il n'y aura pas eu d'annulation, mais au final, nous aurons joué devant une moyenne publique de 25 personnes. Heureusement, le public sera chaleureux et généreux au niveau des chapeaux ce qui permettra à notre petite compagnie de limiter la casse financière.

Une réaction rapide de la mairie de Trèbes permettra aussi de combler un peu les trois refus consécutifs sur le secteur (Revel, Castres et Mazamet qui ne donna jamais de réponse). Nous serons donc à Trèbes au mois de juillet. Néanmoins, comme il n'est pas possible d'y jouer en juin, Xavier se voit dans l'obligation de trouver très vite d'autres lieux pour cette période qui reste donc problématique. Car, trouver un lieu dans l'urgence n'est jamais aisé: Xavier doit encore démarcher les commerçants locaux (et cela se fait trois semaines au préalable) afin de pouvoir prester au chapeau et laisser ainsi le public décider librement de la valeur de notre travail (plus efficace qu'une billetterie). Bref, une saison qui ne nous laissera aucun répit nous soumettant déjà à des pressions assez fortes. Là aussi, heureusement que cette saison est la troisième et que nous sommes maintenant relativement à l'aise avec les manœuvres du convoi, les montages et démontages du chapiteau, le spectacle qui roule bien.

En outre, nous avons peu à peu appris à reconnaître et anticiper les phénomènes météo, à écouter de plus loin les « tu devrais faire ceci », « vous devriez plutôt faire ça », « les enfants semblent être biens », « j'ai adoré le spectacle mais... », « vous devriez appeler les festivals », « pourquoi pas une billetterie? »... Car tous, c'est vrai, sont pleins de bonnes intentions et souvent sentant les difficultés inhérentes à nos choix, tous veulent aider d'une manière où d'une autre, mais finalement, nous avons souvent besoin de plus de concret (merci à la maman de Nelly- démarchage pour trouver des autorisations sur des lieux, merci à Elodie partie en quête d'une tirette de 2,50 m pour réparer l'ouverture fatiguée du chapiteau). Les conversations d'après spectacle, qui remettent constamment en question notre mode de fonctionnement, demandent une attention accrue de notre part et appellent des justifications où des explications souvent fastidieuses. Alors que, l'essentiel de notre travail ayant été fait (jouer), nous aspirerions plutôt au repos et nous nous abreuverions volontiers des paroles des spectateurs échangeant avec nous leur enthousiasme et partageant leurs émotions. Alors quand cela arrive, là seulement, c'est la quille...

Car effectivement, quand nous arrivons sur un lieu semblable à Castelnaudary, où la crise se fait sentir à plus d'un niveau : commerçants moroses, vitrines fermées, ville vide de passage, désœuvrement, absence d'enthousiasme,... Une ville qui peine à se faire comprendre : Le maire viendra jusqu'à notre petit chapiteau cinq minutes avant que nous montions en scène, entouré de deux adjoints, pour nous signifier qu'il ne viendrait pas, qu'il « était désolé mais ne pourrait pas rester » ?! (Je n'ai pour ma part pas bien compris la démarche. Se sentait -il obligé ayant eu une invitation à venir ? Était' il ennuyé face à la tentative de vol que nous avons subie sur nos véhicules ? Voulait-il montrer au public présent qu'il s'était déplacé ?) Enfin, voilà,c'est fait, la mairie nous avait bien signifié qu'elle ne ferait rien pour informer de notre présence (ceci dit, la plupart des mairies ne font rien mais elles ne pensent pas devoir le dire), mais en tout cas nous, nous avons bien été informés de la présence « absente » du maire... Serait- ce un phénomène « chaurien » (chaurien savoir !) car plusieurs personnes nous avaient promis qu'elles viendraient, mais finalement ne seront pas venues. 

On a ainsi, un peu l'impression de vivre une guerre, une petite guerre d'usure, une bataille sans cesse renouvelée, une guèguèrre du quotidien, la pluie s'y ajoutant, on se retrouve dans les tranchées, et l'on ne sait, quand on est pacifiste comme moi, pour qui où pour quoi l'on se bat encore. Bien sûr, habituellement, ces petites histoires me font gentillement sourire, mais ici à Castelnaudary, j'avoue que, sur la durée, ma joie de vivre c'est progressivement émoussée, et mon engagement a pris un peu de plomb dans l'aile. Aujourd'hui, jour de la naissance de ma première fille, je me sens un peu lasse de tout ça. 

Mon cœur, en ce 13 mai, s'est hissé en drapeau blanc, en petit morceau de linge immaculé et pur derrière lequel le souvenir intact de ce moment intense où je la prenais dans mes bras, sur la terrasse de ma maison de Bruxelles par un après-midi de mai plein de douceur ensoleillée et de promesses de ravissements, ce moment parfait sur une chanson d'Amstrong me fît goûter à ce que l'on nomme la paix. Où l'on cesse de se battre, où l'on cesse de patauger lamentables dans la gadoue des petits sentiments, où l'on a besoin de rien puisque l'on a tout, où la vie minuscule sourit, où la vie s'appelle... Ysaline. Il y a quinze ans déjà... Aujourd'hui, un instant, c'est drapeau blanc, grâce à toi, aujourd'hui, c'est la quille...

mardi 6 mai 2014

"Engagez-vous!": Qu'ils disaient...

Après une courte pause à Montréal, nous voilà repartis vers Castelnaudary... Nous arrivons au petit matin du mardi, sous une pluie fine et têtue. Nous découvrons la place Tuffery, qui en fait de place est plutôt un immense parking, entouré de murs tagués, des bâtiments de la Caf et du Pôle emploi et de la médiathèque. On sent qu'il va falloir s'accrocher car c'est une des rares fois où nous sommes placés dans un endroit peu engageant. De plus, le bassin de population de Castelnaudary s’élevant à 13000 habitants, nous y resterons plus longtemps qu'ailleurs (deux petites semaines), avec l'espoir d'y jouer 10 dates. Courage, courage !

Les 12 prochains jours se passeront donc là ...(Courage! Me dis-je)

Deux mois auparavant, la mairie de Castel nous avait renvoyés vers EDF pour notre branchement électrique, et à notre grande surprise nous apprenions que nous ne pourrions jouer notre spectacle à Castel sans avoir payer une ouverture de compteur à l'entreprise de 160 euros! Ne nous sentant pas avoir d'autres choix, nous nous étions donc pliés à cette étrange pratique et nous avions pris rendez-vous avec un employé d'EDF pour le jour de notre arrivée. Voici donc, qu'arrivant à peine, nous sommes accostés par l'employé qui finalement déclarera à Xavier que le boîtier indiqué par la mairie ne contient aucune connexion électrique (le branchement n'est pas possible). C'est donc dans le froid et sous la pluie que Xavier tente de joindre dans l'urgence le responsable de mairie avec qui les négociations préalables avaient été discutées. Sans succès, Xavier s'énerve, il est 9h00 du matin, nous n'avons pas pris la peine de déjeuner, les enfants ont froids et ont faim, il faudrait s'installer au plus vite. En outre, toute une caravane de forain occupe l'emplacement convenu et ils ne repartiront que la semaine suivante. Je suis pour ma part assez irritée. Nous avons un retard d'un jour sur notre arrivée (il faudra donc monter le théâtre le jour même), les dépliants publicitaires étant arrivés avec retard nous ne pourrons les distribuer que le lendemain (soit le même jour que notre première à Castelnaudary), il pleut des cordes et cela ne va pas s'améliorer, et pour couronner le tout l'emplacement négocier est occupé et les branchements semblent impossibles ! Les choses paraissent bien mal engagées...

Mais voilà, face à cette situation Xavier sort de ses gongs, et... nous aurons deux employés communaux (charmants et très rigolos) dans les dix minutes qui nous installeront un branchement dans les cinq minutes et nous indiqueront la connexion à l'eau par tuyau (l'eau courante : le super luxe!). Nous ne devrons pas payer les 160 euros réclamés par EDF. C'est à n'y rien comprendre... Faut-il obligatoirement s'énerver pour obtenir des autorisations pourtant déjà négociées et acceptées au préalable ? Que doivent donc faire tout ces gens vieux, malades, mal outillés pour « se battre » contre ces multiples petits sabotages quotidiens liés à l'inertie, à l'inefficacité, au désintérêt et où, malheureusement de plus en plus fréquemment, les seuls intérêts économiques prennent le pas sur les besoins pourtant essentiels de tout un chacun ? Car l'on n'a pas toujours la force, ni l'énergie pour lever ces inerties et se mettre en quête d'un responsable introuvable, voir injoignable, afin de solutionner nos problèmes (les maires, les responsables d'entreprise sont de plus en plus difficile à contacter directement).

Bref, nous monterons le chapiteau l'après-midi même, et nous distribuerons nos dépliants le lendemain matin. A 19h30, le mercredi, nous sommes prêts à jouer mais... Personne ne viendra. La première se verra donc annulée. La seconde n'est pas mieux : nous avons une audacieuse que nous devrons renvoyer chez elle. La troisième encore : 4 braves et téméraires se sont déplacés, nous passerons néanmoins la soirée avec eux et à défaut de leur montrer notre travail, nous nous improviserons « buvette » et ma foi, en leur compagnie joyeuse, notre moral remontera un peu la pente boueuse sur laquelle il glissait lamentablement (merci à Elodie, Joël, Joseph et Brigitte). Ils nous quittent en promettant de tout tenter pour faire venir du monde. Enfin la quatrième nous jouerons devant... 10 personnes. Mais l'on peut espérer que le phénomène du bouches à oreilles fasse enfin son travail. La cinquième se jouera devant un public enthousiaste et chaleureux de 35 personnes. Ouf ! On respire un peu et l'on peut espérer des jauges mieux garnies pour la seconde série de cinq représentations débutant ce mercredi 7 mai.

Et malheureusement, après cinq jours, une tentative de vol (pris sur le fait) dans les véhicules...
Face à ces multiples annulations alors que nous proposons pourtant notre spectacle en accès libre, les tensions sont fortes et les questions nous taraudent de plus en plus : Mais que se passe t'il ? Les facteurs sont multiples : Faiblesse de la communication liée au retard des délais de livraison de l'impression de nos dépliants, absence de propositions de la part des mairies de relayer l'information sur notre présence (Manque d'intérêt ? Manque de temps? Pas dans leurs compétences ?), les commerçants ayant participé à l'édition de nos dépliants ne semblent pourtant pas avoir informé « anticipativement » leur clientèle locale sur l'événement, les conditions météorologiques sont mauvaises (la pluie incessante et le froid n'engagent pas à sortir), le public de Castelnaudary semble peu curieux et ouvert à notre démarche (plusieurs personnes nous fuient à la distribution de nos dépliants, certains nous diront dédaigneux que « ça ne les intéresse pas » et d'autres montrent même des signes de peur et d' évitement quand nous passerons dans les rues en jouant de l'accordéon et en annonçant à la « criée » les dates de notre spectacle!).

Notre impression désagréable face à la froideur et à l'austérité de cette ville ne fera que se confirmer quand nous rencontrerons quelques rares et précieuses personnes sympathiques qui nous feront part de leurs propres difficultés à « bouger » les habitants de Castel (Allez visiter « la cave du canal » vous y rencontrerez ces gens là : courageux, ouverts, généreux et tenaces). Castelnaudary, est en effet devenue, selon les dires de certains « une ville triste et sans animations » par : sa seule vocation à être une cité dortoir (proximité de Toulouse), une crise économique aiguë touchant le centre de la ville et cela depuis trois ans, la difficulté notoire de ces habitants d'origine à s'ouvrir aux choses nouvelles, l'ouverture récente de Castel O (un complexe commercial situé juste à l'entrée de la ville), les légionnaires consommateurs qui ne prennent plus le temps de s'attarder au centre ville et regagnent au plus vite leur caserne où s'arrêtent au fameux complexe commercial, les habitudes ancrées et indélogeables des habitants qui refusent obstinément de modifier les heures de repas même exceptionnellement (12h00 pour le déjeuner et 19h00 pour le souper), enfin la présence forte du Rotary Club qui détient une forme de pouvoir sur les activités développées (beaucoup de ses membres étant à la tête des entreprises de Castelnaudary).

Si nous avions projeté au départ de jouer à Castelnaudary et de poursuivre par Revel, Castres, et Mazamet (les petites villes situées non loin, bénéficiant ainsi du bouches à oreilles autour du spectacle) nous découvrons peu à peu que toute la région semble atteinte par cette même fermeture d'esprit. Revel a refusé notre présence sous le prétexte farfelu (selon certains habitants) qu'il y aurait trop d'animations sur ce secteur, Castres nous a refusé l'accès à son espace public n'autorisant pas Xavier à démarcher (à ennuyer) les commerçants pour leurs demander un soutien financier nécessaire à l'impression de notre dépliant et à l'indispensable communication autour de notre présence (cela ressemble à de la censure et à une privation de liberté d' entreprendre ou bien encore à une incompréhension totale de l'interlocuteur face à une idée innovante), enfin Mazamet, qui fût contactée à plusieurs reprises et qui ne nous avait toujours pas répondu, semble être (aux dires de certains de ces habitants) une ville aujourd'hui morte ce qui, finalement, décide Xavier à ne plus insister auprès de cette mairie pour pouvoir obtenir une réponse qui tardait à venir. (Il s'était déjà fâché avec son interlocutrice en mairie pour cette incapacité à donner une réponse même négative mais pourtant indispensable à l'organisation d'une tournée).


Les nouvelles pour nous ne sont donc pas excellentes sur un plan strictement financier, mais... ceci nous renforce dans la conviction que notre travail est juste : le public courageux mais difficile à atteindre reste toujours conquis et ému par notre projet de vie, et, le contraste entre cet enthousiasme d'une part et cette inertie et ce manque d'intérêt des « officiels » de l'autre part, nous renforce dans les choix difficiles que nous avons pris en démarrant voici déjà quatre ans une aventure dont nous ne pouvions évaluer tous les risques. C'est ainsi que pour conclure, et étant dans une ville résolument militaire faite de légionnaires, je dirais juste ceci : « Engagez- vous! Qu'ils disaient ! », car encore, « ce qui ne tue pas rend plus fort... ». Nous espérons donc que la prochaine « salve » des cinq représentations prévues à Castelnaudary sera pour nous une petite victoire, car, et cela est certain pour moi, malheureusement et urgemment une certaine guerre reste à faire...