La note de l'écrivain

Le rêve c'est bien, mais la réalité est plus nuancée, plus complexe, terreau du meilleur parfois du pire. L'histoire humaine est jalonnée de rêves aux allures de cauchemars..

Le voyage que notre famille entreprend permet sans nul doute d'être témoins privilégiés de faits souvent ignorés ou mal évalués. Quand on vit, comme le plus grand nombre, abrité par quatre murs et un toit, on a parfois peur mais on suppose que le danger ne passera pas la porte, préférant regarder par la lorgnette (le petit écran) ce qui se passe au-dehors. Le danger n'est pourtant pas dans la réalité, mais dans le fait de ne pas vouloir la voir, où d' en nier une partie, car elle n'est ni bonne ni mauvaise, elle est ce qu'elle est.

Notre gazette s'invite dans vos boudoirs chaleureux, petit moment de pause, réflexions, idées, impulsions et initiatives pour que résolument attentifs, nous nous souvenions que notre humanité tient dans notre faculté à rêver et notre capacité à transformer nos rêves en réalité. Pour le meilleur et le meilleur!

jeudi 19 novembre 2015

Boum... quand notre cœur fait boum!


Il y a des jours qui nous feraient presque croire aux superstitions les plus ridicules : vendredi 13 ! Il fallait le faire, et ils l'ont fait ! Le cœur de Paris a fait  "boum » et avec lui, quelque chose en moi s'est à nouveau fissuré... Le cœur voulait faire la fête mais finalement il y a renoncé. Tout en morceaux qu'il était, il préférait rester chez soi, rester en soi, avec les siens, les plus proches, ceux qui ont le don par un seul de leur regard de vous redonner la vie.

La vie par opposition à la mort, la mort infligée comme « solution finale ». Quoi de moins original ! Le monde actuel n'avait-il rien d'autre à proposer que solutions et réponses ? Les religions, la médecine, l'enseignement, pouvaient-ils encore offrir autre chose que réponses, certitudes et dogmes ? Etions-nous encore capables de nous entendre, de nous comprendre, de nous écouter sans jugement? J'avais, les jours qui précédaient ce jour funeste, l'impression étrange que nous étions trop pleins de nos convictions, de nos certitudes et que nos égos, assoiffés toujours, jamais satisfaits, engrossis mais jamais repus, étouffaient sans relâche un coeur qui au départ n'était pourtant qu'ouverture...

Ah ! Le paradoxe de la réponse ! Nous vivions à l'heure de la réponse et de l'intime conviction ! Nous vivions à l'heure des réformes et des programmes, des nouvelles découvertes, des nouvelles technologies, des nouvelles communications, pour certains mêmes, nous étions à l'orée d'un monde nouveau, et, l'air ravi, ses disciples tentaient de nous convaincre que celui-ci allait enfin apporter toutes les réponses... Pourtant aujourd'hui dans nos  "démocraties » on ne se privait toujours pas d'exclure, de bannir, d'insulter, de corrompre, de tricher, mais on le faisait sous l'apparence de l'égalité, de la fraternité et de la liberté. Ce monde était plein de biens pensants, con-vaincus d' avoir les bonnes réponses, crétins joyeux d'un monde plus libre (confondant « la liberté » avec « leur liberté »). Abrutis, qui à la moindre contrariété se levaient d'un bond pour lapider, jeter la pierre, condamner et bannir. Non, décidémment le monde n'était pas nouveau, il ne le serait jamais. Inutile d'attendre un monde nouveau; l'histoire qui se déroulait, se déroulait suivant la logique implaccable des causes et des effets... Ce qui s'est passé vendredi 13 n'était que l'effet catastrophique de causes engagées depuis le début de l'humanité. Ceux que nous appellions à juste titre « barbares » n'étaient que les innombrables verrues sur nos faces blanchies et poudrées de nos démocraties malades.

Des réponses, mon dieu ! Depuis que j'étais née, j'en avais reçu des paquets ! A la maison des réponses, à l'école des réponses, dans les livres des réponses, à l'église des réponses, et à chaque nouvelle réponse mon coeur se rétrécicait. Une porte se refermait doucement sur un jardin dont, un moment furtif, j'avais entrevu l'étendue infinie. Petite, mon coeur était à la taille de ce jardin et puis il a fallu grandir et s'élever dans un monde qui ne semblait pouvoir offrir autre chose qu'un simple bouquet de fleur (souvent artificielles) donné furtivement dans la cage d'ascenceur d'un immeuble haut et propret, où à chaque nouveau pallier, derrière la grille fermée de ce coeur- ascenceur, défilaient une série de portes numérotées et... fermées.

Les questions ouvrent, les réponses ferment... C'est assez triste mais c'est ainsi. Nous en sommes là, on se retrouve seul, derrière la porte blindée de nos certitudes et l'on guette par le judas l'arrivée potentielle d'un traitre. L'on ne songe pas une seconde qu'en posant les verrous sur la porte de nos maisons- prisons l'on s'est fait soi-même traitre...de nos coeurs. Pourrons-nous un jour retrouver la liberté de courir dans nos jardins immenses et surprenants, de nous y promener seul ou accompagné? Y aurait-il aujourd'hui un lieu, un espace susceptible d'ouvrir aux questions ?

Oui ! Je m'y suis promenée peu avant cette tragique débacle. Je vais vous parler de vrais « barbares » car j'en connais personnellement... Ceux-ci ne sont pas voilés, au contraire ils se dévoient (parfois jusqu'à la nudité), ils sont artistes, artistes de scène. Ils représentent tout ce que j'aime chez l'artiste : ils sont fragiles et ne s'en cachent pas, ils sont inventifs, ils peuvent plonger dans le grave autant que dans le rire, ils sont debouts terriblement vivants et ils posent des questions auxquelles ils ne cherchent pas à apporter de réponses. Bref, ils sont « philosophes »... Comme quoi, il est possible d'être spirituel sans s'engluer dans la religion. Il est aussi possible, quand les coeurs sont ouverts, d'être barbare sans sombrer dans la barbarie. Ce sont de beaux artistes généreux, ils m'ont offert, un moment, une porte ouverte sur cet autre monde, celui-de l'imaginaire, comme un miroir à ce monde trop dense. Ils m'ont rappelée à la nécessité de rester libre et créateur. Ils m'ont invitée à m'armer... de courage, de passion, d'une furieuse envie de vivre et dans le vacarme de ce monde même s'il n'est pas facile d'entendre l'harmonie, de me souvenir, plus que jamais, que le devoir de l'artiste est de s'armer de la plus grande détermination pour y arriver. Donc, si votre coeur explosé a envie de faire « boum » mais, cette fois-ci, pour battre à l'unisson d'autres coeurs, je vous invite à découvrir l'univers de la Compagnie « les philosophes barbares » avec « Monsieur Jules », spectacle familial et « La chair périssable », spectacle à partir de 11 ans.

Pour ma part, c'est clair, pas de réponse, pas de solution à ce monde... Juste une respiration, un bol d'air dans le souffle des mots, dans la poésie, dans la musique de nos âmes, une pause, un répis dans la folie qui n'en finit plus de s'étaler... Pauvres fous que nous sommes, convaincus de ne pas l'être ! Le monde entier qui hurle ne pas être fou... Mais chut !... J'entends quelque chose... Comme un p'tit air de rien qui fredonne dans ma tête, un p'tit air de rien qui fait du bien... Chut... Ecoutez... ça fait... Boum... quand notre coeur fait boum, tout avec lui dit boum, et c'est l'amour qui s'éveille... Boum... Quand notre coeur fait boum...

jeudi 1 octobre 2015

Couffoulens... Terminus? Ou nouveau départ?

L'entrée du Domaine. J'y crois pas, c'est chez nous!




Les roulottes installées sur l'esplanade centrale du Domaine 


Une partie des maisons de vendangeurs du Domaine
Ça y est nous sommes installés au Domaine d’Oustric à Couffoulens. Comme son nom l’indique Couffoulens est un petit village situé au confluent du Lauquet et de l’Aude, non loin de Carcassonne, au sud, à un peu moins de 10 kilomètres, sur la route allant vers Saint Hilaire. Nous avons quitté le Domaine de Gaure début du mois d’Août. Après avoir déménagé nos roulottes, nous nous somme attaqué à la maison que nous occuperons le temps des travaux. Car le Domaine d’Oustric est un grand projet. Il s’agit de transformer ce Domaine de plusieurs bâtiments en un petit hameau de onze habitations, notre lieu y compris. C’est pourquoi, actuellement, nous occupons une de ces maisons en attendant que la cave viticole que nous investirons définitivement soit transformée. La cave qui nous est destinée est construite sur deux niveaux de chacun 200 mètres carrés. La partie haute sera réservée au logement et la partie basse au travail (studio musique, loges et salle de répétition). Il nous faudra probablement attendre 2 années minimum pour pouvoir l’intégrer. En attendant…

Il nous a fallu 3 jours pour quitter nos roulottes une fois que la maison fût prête (travail de nettoyage intensif, remise à neuf des peintures, réparation de meubles trouvés afin de meubler la surface de 200 mètres carrés). Pas facile quand on vient de 14 mètres carrés avec meubles intégrés ! Nos enfants avaient tous hâte de rentrer dans cette maison où chacun y avait sa chambre, il n’y avait que nous (Xavier et moi) pour traîner de la patte… C’est dur de quitter des roulottes…, une page se tourne. Une page de notre vie qui fût si dense, éprouvante parfois, mais si riche d’expériences.

Le tas de déchets attendant d'aller à la déchetterie

L'aile complète des maisons de vendangeurs, tout au bout et non visible sur la photo: la cave que nous occuperons.
L’enjeu était pour nous de terminer de nettoyer la maison avant que nos enfants reviennent de leurs vacances chez les grands-parents en Belgique. Découvrant cette maison que j’avais jusqu’à lors à peine entrevue, je restai pétrifiée, main sur la poignée, découvrant l’état de  « squat » de la demeure abandonnée. Des toiles d’araignée partout avec leurs araignées respectives, des poignées de portes collantes, des éviers dégueulasses et collants aussi, de la moquette crade à l’étage, des nids de guêpes à tout les volets, une puanteur de vinasse et mégots de cigarette dans chaque pièce. Bref, nous avons investi le premier « Brico » du coin, et nous sommes ressortis avec quelques litres de peintures, des gants malpa roses, du Saint Marc (il fallait bien l’intervention d’un Saint !), du papier à poncer, de la pâte à bois et une bonne dose de courage…

Vue des bâtiments côté nord
Trois semaines plus tard, les enfants revenaient, la maison était « clean » et prête à être investie. Les enfants ont fait « whouaw ! », nous on a fait « ouf ! » et, pressés, ils nous ont demandé d’y mettre leurs matelas, leurs objets personnels, leurs vêtements… Bref, nous avions réussi, ne restait plus qu’à emménager, décorer, faire les courses de la rentrée scolaire, car une semaine plus tard la rentrée démarrait déjà.

Vue de notre future cave côté nord

Cette rentrée fût assez éprouvante. Ysaline notre aînée découvrait l’univers du lycée avec bien sûr ses injustices, ses absurdités et sa bêtise. Il a fallu écouter tous les soirs le récit de sa journée une fois de plus, pénible… Heureusement, elle poursuivait sa formation à la Fabrique des Arts en piano et chant et cela l’aidait à tenir le coup. Les deux du milieu, Mado et Gaspard, étaient quant à eux, un peu mieux rôdés… Erwenn, lui, montrait de plus en plus de difficulté à se rendre à l’école, il exprimait son ennui et disait ne rien trop comprendre au travail demandé…ça tombait bien, comme c’est demandé en Occitan (la Calandretta étant une école en immersion occitane), nous non plus on n’y comprenait rien !

Le pigeonnier qui servira dans un premier temps de studio musique et ensuite de gîte pour mes beaux-parents


Oh! Une cuisine aussi grande qu'une roulotte!

Et qu'elle est jolie la cuisine...!

Une salle à manger comme dans les châteaux!
Reste à faire, maintenant que tout ce petit monde est éclaté dans ses parcelles d’aventure personnelles, le ménage de 200 mètres carrés, des rideaux pour chaque fenêtre, l'entretien des allées, la réparation d'une des chasses d'eau, la lessive pour 6 personnes, les allers-retours de chacun à la Fabrique des Arts (car, dieu merci, l’école, c’est pas l’tout !), Gaspard fait de la batterie, Mado de la Danse, Ysaline du piano et chant, Xavier du chant, et moi-même du violon, (ça en fait des allers-retours), Erwenn est sur liste d’attente pour la guitare électrique il veut jouer du ACDC, il trépigne, les courses de la semaine, le nettoyage et les chantiers de réparation sur nos roulottes, les devoirs des enfants quand ils rentrent, les dossiers de demandes de subsides pour la compagnie du Contoir Déambulatoire pour une nouvelle création, nouvelle création qu’il faut imaginer et faire bien sûr, l’amende à payer de 90 euros pour non marquage du stop à du 2 kilomètres à l’heure (c’est pas une blague), les papiers à ranger, la citerne de gaz à faire remplir en vue de l’hiver qui approche (la maison possède le chauffage et l’eau chaude au gaz), l’orthodontiste à aller voir avant les quatorze ans des enfants ou sinon ce n’est plus remboursé par la sécu et dans ce cas là on se retrouve avec les dents pourries ou pire à 46 ans comme moi, aller voir le dentiste pour moi justement, téléphoner au médecin pour faire des ordonnances qui permettent à ma fille de s’hydrater à la demande et de se rendre aux toilettes quand elle le souhaite (au lycée c’est interdit), faire pipi parce que moi j’y ai droit mais j’oublie,…
Toute la maison est baignée de lumière...
...
Notre incroyable salon.


Même la porte s'est mise sur son 31...



Quand on avait fini de jouer, les gens venaient nous voir et certains me posaient cette question qui revenait régulièrement : « Quel courage ce que vous faites, et en plus avec quatre enfants !… Mais… comment vous faites ? ». Je ne savais que répondre, il ne s’agissait sans doute pas de courage mais d’envie. Aujourd’hui, même si je bénis le ciel de m’avoir donné ce lieu magnifique pour y mettre tout ce petit monde à l’abri et permettre à chacun de continuer sa route, je comprends mieux cette question. Pour ces gens qui me questionnaient, le fait de vivre en roulotte et la difficulté que cela supposait venait probablement s’ajouter à la longue liste des multiples choses absurdes qu’il leurs fallait faire dans un monde régit selon les lois de la sédentarité et de la rentabilité la plus outrancière… Pour moi, ce monde là était désormais un monde parallèle, avec lequel nous interagissions selon nos propres règles et nos propres rythmes, nous étions libres… 


L'escalier qui monte à l'étage des chambres

La chambre de Gaspard, à côté de celle d'Ysaline

Notre bureau
Notre chambre

La chambre d'Erwenn


La chambre de Mado

Pourrons- nous construire et préserver encore cette liberté dès lors que nous sommes revenus à la sédentarité et aux rythmes fous qui la sous-tendent ? Aurons- nous encore le temps et l’envie de rêver fort et haut, assez haut pour propager nos graines et insuffler parfois l’espoir ? Gageons que ce nouveau lieu, le nôtre, soit une belle pépinière de rêves, il se nommera "la p'tite fabrique du Contoir".


Partout, invitant à la promenade, les vignes s'étendent autour du Domaine d'Oustric

mardi 28 avril 2015

Surréalisme français à la sauce belge...


Depuis peu, Xavier et moi allons de temps à autres à Carcassonne, au Colysée (cinéma de quartier), pour aller y voir des films qui n'intéressent pas forcément nos enfants. Ainsi, nous nous offrons nos premières petites escapades à nous deux, laissant nos quatre enfants seuls à la roulotte. Expérience rafraîchissante pour tout le monde, les uns y testent leur autonomie, les autres apprennent à être un peu plus responsables, et les plus grands (je vous laisse deviner lesquels...) s'échappent en ricanant, jouissant du sentiment précieux d'une certaine liberté retrouvée.

Hier soir donc, nous décidons de nous rendre à la projection de 20H30 du film de Pierre Jolivet « Jamais de la vie ». Olivier Gourmet y incarne un gardien de nuit, dans une banlieue, chargé de la surveillance d'un complexe commercial non loin de Paris. Arrivés, nous payons nos billets et nous nous installons dans la salle. Le film est précédé, comme à l'habitude, des publicités et bandes-annonces.

Un petit film publicitaire met en scène un jeune homme (la trentaine tout juste), celui ci vient d'hériter des biens de son grand-père ou de son vieil oncle, je ne sais plus... Il se rend en voiture, à la vieille demeure (style manoir délabré) de son ancêtre. Le jeune homme tient une lettre à la main. Une fois, dans la place (une sorte de grande pièce encombrée de choses éparses et poussiéreuses : un genre de laboratoire sympathique), l'homme déplie la missive, et l'on entend à travers la voix « off » de l'ancêtre, le message contenu dans le courrier. Il explique au jeune homme les motivations qui l'ont poussé à le privilégier lui, plutôt qu'un autre membre de la famille. Il lui a en effet légué tout ce qu'il possédait. On comprend que le « jeune » appréciait le « vieux » pour ses qualités de visionnaire alors que les autres le percevaient comme un vieux fou et n'avaient jamais rien compris à la nature de ses travaux. La lettre invite le jeune homme à entrer sans crainte dans une des deux sphères posées côte à côte dans la salle... Pendant que le « quidam » obéit sans comprendre, la voix de l'ancêtre continue enthousiasmée par son génie. On voit le jeune homme disparaître et réapparaître aussitôt dans l'autre sphère : l'ancêtre a réussi rien de moins que la mise en pratique de la téléportation. « Imagine ! Un monde enfin débarrassé des routes, des problèmes d'embouteillages, de la fatigue des longs trajets, un monde sans voiture...! » : sont à peu près les mots qui concluent joyeusement le message. Le visage de l'homme est penché sur la missive, il prend son briquet dans sa poche, il brûle la lettre, il sort rapidement de la demeure, il monte en souriant dans sa voiture flambant neuve et il s'en va, laissant derrière lui l'héritage légué par un « vieux fou visionnaire », préférant s'accrocher à la « valeur sûre » de sa voiture. Fin du spot. Xavier et moi nous nous sommes regardés et avons souri en silence, frappés tout les deux par la violence du message publicitaire et de son conditionnement induit.

Ensuite, le film de Pierre Jolivet commence. Lourd, lent, social et dépressif mais aussi, plein de bons sentiments : le « gentil » héros est un gardien de nuit, disons plutôt un gardien d'ennui, qui pisse sur le parking déserté du complexe commercial miteux dont il est un des agents de sécurité, il n'arrive pas à tuer son ennui mais il essaye, en jouant à la voiture téléguidée, en grillant clopes sur clopes, en buvant quelques petites rasades d'alcool, en recousant son pantalon, en hurlant très fort très fort dans le petit cagibis qui lui sert d'abri pour la nuit, en réparant de vieilles choses achetées au rabais ou volées par son ami éboueur et arabe, pour ensuite les offrir en cadeau à son autre ami agent de sécurité et black qui a réussi à trouver du travail grâce aux papiers d'identité de son cousin. Le héros reçoit parfois, dans l' appartement deux pièces de sa cité très miteuse et moche, sa sœur (qui est une salope et qui/ car elle trompe son mari), son beau-frère (qui est un raté et qui/ car il ne sait plus bander), le petit voisin de cité arabe qui pourrait l'aider à glaner, en échange d'un peu de fric, quelques informations sur un étrange véhicule qui rôde sur le parking du complexe commercial et dont la présence inquiétante semble présager d'un braquage probable. Le braquage aura lieu. Notre protagoniste, victime et malheureux, se transformera alors en « héros des temps sont durs » quand il tentera de récupérer, in extrémis et au péril de sa vie, la somme volée. Il n'utilisera pas pour lui le fruit du larcin ! Non, non !... (de toute façon il va crever) Il ira poser la valise, tel un Robin des bois « des temps sont très durs » dans le coffre de son assistante sociale chargée de sa réinsertion dans le monde du travail. Elle même, était en bien mauvaise passe, coincée à son poste pour gagner une misère, habitant une cité (encore pire que celle du héros) avec deux enfants qu'elle élève seule parce que, bien sûr, son mec (qui est un salop) s'est barré du jour au lendemain sans assurer les ressources de la famille. « Elle ne sait plus se payer de crème pour la peau depuis un an, elle doit choisir entre un nouveau lit pour son fils dont les pieds dépassent du matelas et l'orthodontiste pour les dents de sa fille qui filent à droite » (les dents! Pas la fille, car dans le film le tout tire à gauche!). Tout le monde finit par mourir, sauf l'un(e) ou l'autre qui résiste mais qu'on se demande finalement s'il n'aurait pas mieux valu qu'il/elle meure. Bref, moi-même j'ai failli m'endormir ou mourir plusieurs fois, croulant sous les poids de la déprime et du « fatalisme » de ce film, assortis du sentiment de totale impuissance. Le film de Jolivet était aussi gai qu'un dimanche à Carcassonne ou à Castelnaudary ! (N'y allez pas forcément un autre jour, ce n'est pas mieux!)

Sortant du cinéma, je m'interrogeais tout haut sur cette attitude qui consiste à broyer du noir, à se plaindre, à cultiver la déprime, tout en s'offrant la conscience tranquille du « bon », le « bon » étant, ici, bien sûr celui qui partage (même avec les blacks et les arabes), celui qui comprend " les pauvres des cités", celui qui défend en son for intérieur des valeurs de loyauté, d'honnêteté et de justice en se laissant aller parfois à traiter sa soeur de salope (chouette! Il devient humain, je me suis dit, il va enfin se passer quelque chose …) Mais non! Le soufflé est retombé aussitôt parce qu'il n'était sans doute « pas très correct » de traiter sa soeur de salope et ce n'était sans doute pas « très compatible » avec l'esprit de notre Jean « bon » pendouillant aussi gai qu'un pendu à la corde de ses bons sentiments... Moi qui espérais sortir un peu de mon quotidien routinier et du grand écart éprouvant de mon esprit qui oscille perpétuellement entre la morosité ambiante du « qu'est c'tu veux... on n'a pas l'choix!», l'esprit révolutionnairqueque du «  tout va péter ! Bien fait pour la gueule à tout le monde», la connerie éclairée du « on va tout changer... euh... à commencer par le grignotage à l'école! », la joie de l'élue hystérique « ça y est, j'ai arrêté d'manger d'la viande ! J'me sens beaucoup mieux ! Et les petits animaux aussi d'ailleurs! », le mysticisme idiot du « ce monde en crise accouchera de l'homme conscient ! Les autres ne seront plus là pour le voir...», je me suis retrouvée bêtement engluée dans l'angélisme démocratique et non-raciste du film très sérieux de Pierre Jolivet contrastant désagréablement avec le petit bijou plein de joie de Jafar Panahi censuré par l'Iran et vu la semaine précédente : « Taxi Téhéran ». Un film réalisé dans des contraintes extrêmes et qui dépeint avec intelligence et humour la dure et grave réalité des citoyens (dont lui-même, assigné à résidence et interdit d'exercer son métier) soumis au régime autoritaire et liberticide en place.

Calmant ma colère en tétant compulsivement sur ma vapote (car mon esprit sain et les esprits sains de tous les non-fumeurs réunis me répétaient depuis des années que fumer n'était « pas bien » pour mon adorable corps et surtout ce n'était « pas bien » pour l'adorable corps de tout ceux qui avaient eu le bon sens de ne pas fumer! ») Bref, mon esprit sainement éclairé dans mon corps désormais « sain » avait fini par gagner: me taraudant depuis 5 mois comme l'aiguillon de l'infirmière pour que j'arrête de fumer, je m'étais mise à vapoter. Ma déception est tout de même grande car si j'y ai gagné en santé physique, maintenant je dois bien le dire, je me tape régulièrement les non-fumeurs qui étaient fumeurs, les vapoteurs qui ont envie d'arrêter, les ex-vapoteurs redevenus fumeurs, et les vrais non-fumeurs qui n'ont jamais fumé, tous me rappellent à quel point il est important de vivre dans un petit corps « sain » et de travailler à l'effort du groupe, au travers de petites remarques dont ils ne sont jamais en reste et qui font vasciller ma santé mentale : « Je pense que vapoter est très mauvais, il faudrait que tu arrêtes...Le nombre de saloperies qu'il y a dans ces produits... J'ai lu un article qui... Finalement, je suis revenu à la clope... Ah, moi, j'y ai jamais touché, je n'en n'ai jamais éprouvé le besoin... Tu as vu ils ont interdit de vapoter dans les lieux publics, il paraît que c'est nocif pour ceux qui ne vapotent pas... ». Parfois je me demande pourquoi on interdit pas la parole dans les lieux publiques (mais ça, ce n'est pas très sain de le dire!) Au désespoir et baignant dans le marasme angélique, je me disais en vapotant, que notre déterminisme individualiste à vouloir voir dans cette démocratie l'incarnation de nos idées très personnelles (et forcément plus justes que celles des autres) occupait nos jours et nous offrait la conscience tranquille, pendant que la dictature démocratique du « bien gagner », du « bien penser », du « bien croire » grignotait peu à peu les libertés du plus grand nombre, y compris et depuis longtemps, celles des citoyens de pays lointains que nous percevions comme les victimes ou les tyrans de systèmes « anti-démocratiques », nous angéliques et cachés derrière une « démocratie » hypocrite qui asservissait quotidiennement toujours un peu plus. Petite réflexion découlant de ma soirée et à l'usage de tout les candidats au vapotage : comme vous vous en êtes sans doute rendu compte, le fait de vapoter ne calme pas forcément l'esprit, mais en tout cas ça ne l'empêche pas de penser... je ne sais pas, par contre, si ça rend l'esprit plus lucide, ou plus malin, ou plus intelligent, et je préfère ne pas le savoir car j'ai souvent observé que dans la posture qui consiste à se savoir intelligent, on s'ignore souvent con!...

Donc je vapotais dans la voiture, heureuse de regagner « ma caverne-roulotte » après cette sortie risquée.(Je suis Cancer, et en tant que représentante des crabes, je revendique fièrement le droit à l'absence et au manque de courage : face au marasme, je me replie donc en marchant de côté et j'attends en scrutant le monde extérieur depuis l'entrée de ma discrète retraite). Je conseille par ailleurs à toutes les personnes sensibles et/ou allergiques en souffrance de pratiquer le retrait silencieux, plutôt que d'entamer une guéguerre d'égos avec le Xième égo qui s'exprime. En attendant ma retraite, je tentais de me calmer dans l'habitacle protégé de la voiture, quand soudain, je vis au loin une femme sur le bas côté de la route qui agitait les bras : la pauvre faisait du stop sous la pluie battante. (Je précise donc qu'il n'est pas toujours facile de pratiquer une retraite pourtant ardemment souhaitée et urgemment nécessaire). Même si, Xavier et moi, nous n'en n'avions pas envie, nous nous arrêtions (on peut tout de même pas laisser une femme faire du stop à cette heure avancée, et sous la pluie, au seul prétexte qu'on est tellement mieux dans sa caverne!...). Aussitôt que notre voiture fût arrêtée, la femme arriva en courant, elle ouvre la porte arrière du 4X4 et indique qu'elle se rend à Quillan.

-« Nous n'allons pas à Quillan... Nous prenons la direction de Limoux, mais nous nous arrêtons bien avant... »
-« Pas de problème, déposez moi s'il vous plaît à la sortie de Carcassonne sur l'axe rapide vers Quillan, ça ira déjà très bien... »
-« O.K, montez... Ça ira ?... Y'a un peu de bazar...»
-« Putain ! C'était royal !... »
-« !!!... »
-«  Qu'est-ce qu'on leurs a mis ! On était en mode... On leurs a retourné le système nerveux au CRS ! »
-« !!!... »
Wouaaaw ! C'était génial... Ils sont venus nous emmerder, mais nous on a tenu bon, on leurs a foutu la pagaille... On était à la free party... Tu connais ? Tu vois ce que c'est... Une free Party? »
-« Non, je ne vois pas ce que c'est... »
-« Putain ?! Tu sais pas ce que c'est une free party ? C'est une grande teuf ! Tu vois ? Une méga teuf quoi ! Putain, ça a bien caillassé, y'en a quelques uns qu'ont bien ramassé... On était en mode méga teuf... Tu vois... Les flics ils voulaient pas qu'on soit là, mais on les a bien fait chier. Waaaaouw, c'était super ! Je m'suis un peu pété la cheville, mais qu'est-ce qu'on s'est marré !...J'attends la prochaine elle s'ra encore plus grave... »

Pendant que je m'inquiétais un peu de l'irruption de cette « bizarrerie » qui ne me semblait pas dans son état « normal » (écoutant la meuf qui revenait de sa teuf je ne savais plus trop ce que voulait dire normal...), je l'interrogeai sur l'endroit d'où elle venait... Je me disais, réfrénant un fou-rire, qu'il lui faudrait bien 10 jours pour retrouver le calme (elle était complétement survoltée), je me disais aussi que vu ce qu'elle avait pris, elle devait sans doute me voir en rose, avec des oreilles de lapin, une aura jaune autour et quelques étoiles, quant à Xavier, elle devait volontiers l'imaginer avec un joli bonnet rouge et une barbe blanchie tel un père Noël égaré dans la pampa carcassonnaise... Pendant qu'elle me confirmait par ses propos la prise collective de substances bizarres en se moquant de la tête des CRS qui devaient sûrement les prendre pour des voleurs et des drogués, je surpris chez moi la présence d'une pensée similaire: elle allait sûrement voler nos... jolies poches de chez Leclerc (Non, cette idée était trop incongrue : personne ne vole les poches de chez Leclerc, quoi que... la remarque n'était pas stupide puisque je les avais tout de même payées!)... Halala, on ne se refait pas ! Je chassai immédiatement cette idée mesquine héritée à la fois d'un bagage instinctif puissant remontant à l'ère des cavernes ou la peur était une alliée (caverne dont finalement je n'étais jamais vraiment sortie) et d'un fatras d'idées reçues provenant sans doute d'un lourd passé historique et culturel... Elle, toujours excitée, enchaînait :

-« Ben j'viens d'Avignon ! T'as pas vu?... Normal, ils ont pas voulu couvrir l'événement via les médias... Ils ont trop peurs que ça renverse et que ça foute la merde partout... Wouaaaw ! Putain ! On leurs a mis sur la gueule grave ! On leurs a renversé le système nerveux aux CRS! Mais, t'inquiète ! On a balancé des images sur youtube ! Ils vont voir !... Putain ! Y'en a un qu'on a quand même réussi à envoyer à l'hôpital !... Bon, c'était pas méchant... Mais on l'a eu quand même!»

La voiture arrivait à la sortie de Carcassonne, nous allions pouvoir déposer la "raveuse" (rêveuse?).

-« Y'avait des grosses enceintes tu vois, du gros matos quoi!... On avait tout un mur d'enceintes, tu vois... Fallait sauver l'matériel, putain... Alors on a caillassé puis on s'est barré, on est monté dans un bus genre mode... euh... Mode... Tu vois mode London quoi... Tu sais les gros bus, y'avait des fauteuils partout à l'étage... C'était méga top grave... On a réussi... Waouaaaw ! Putain ! On est en mode... En mode révolution!... Aller ! Salut... Merci... A plus!... »

Donc, en fait, le salut du monde c'était ça ?... Une nouvelle prise de la Bastille version 2015... D'un coup je me souvenais que j'avais débarqué en France pays des Lumières, des grands auteurs, des grands principes, bastion des esprits scientifiques les plus brillants, terre de citoyens courageux et braves issus tout droit de la révolution et qui n'avaient pas hésité à guillotiner leurs rois (eux!)... Une rave party bien arrosée, quelques cachets d'acide et dans un hangar agricole pouilleux, sur une musique after cac, quelques cailloux balancés sur des CRS venus faire démonter l'installation... Wouaaaaaw ! Alors là ! J'étais grave renversée dans mon système nerveux!... Et même qu'on en parlait déjà sur Youtube, pas de doute, la révolution était en marche ! Plus aucun souci à se faire quant à l'état de notre planète, une bande d'esprits éclairés allaient tout péter et « caillasser » tous les méchants du monde: les lapins roses à grandes oreilles allaient tuer les vilains chasseurs à têtes de renard, en criant tue tue tue sur un rythme pulsé en mode... en mode guerre totale ! Wouaaaaw ! La méga teuf !

Je rentrais chez moi, la tête en vrac sans avoir pris aucune substance illicite, à part la vapote! (nicotine et vapeur d'eau bio : c'est triste la santé!) Et oui, depuis que je vivais ici, débarquant un jour avec une certaine idée de la paix, pensant être au pays des Lumières, je faisais pourtant l'amer constat que je n'avais toujours pas trouvé l'interrupteur! Mais bon, je ne viens pas des Lumières moi! Je viens d'un pays qui se passe de gouvernement tout en occupant la mission obscure et non moins délicate d'abriter le parlement européen... Alors dans tout ce « brol » (bordel), je décidai de plus en plus fréquemment de gagner mon jardin.

Au calme, dans ma roulotte, je voyais pousser toutes sortes d'herbes, les aromatiques, les odorantes, les vénéneuses, les calmantes, les excitantes, et mêmes celles que l'on qualifiait de « mauvaises », à chacune je trouvais les vertus particulières, et j'exploitais par là, les paradoxes de ma terre intérieure, ses richesses aussi... Peu à peu, je retrouvais la paix tout en intégrant profondément que la paix n'était qu'une « idée » comme une autre. J'observais que l'idée échappait au réel. Je méditais : L'esprit libre accorde peu de foi aux idées, même celles qui défendent "la liberté", mais il expérimente plutôt ses propres contraintes et par là il se libère. Ensuite, bien sûr, je reprenais ma vapote en rêvant de fumer mon tabac. Car vapote ou cigarette, l'important n'était-il pas de cultiver et d'aimer derrière nos brouillards?...

samedi 24 janvier 2015

Les nouvelles choses naissent parfois en hiver...

Voilà,

Ça faisait si longtemps que j'en rêvais...
Ça faisait si longtemps que j'avais peur...
Ça faisait si longtemps que je cherchais, tâtonnais, hésitais, doutais... Et puis

Il y a eu cette rencontre par le biais du spectacle avec quelqu'un qui connaissait quelqu'un qui connaissait quelqu'un... J'ai rencontré quelqu'un, quelqu'un de bien... Quelqu'un en qui j'ai placé toute ma confiance, il a lu mon ouvrage, et sa maison d'édition a décidé de publier, je l'en remercie infiniment...

Ceux qui apprécient donc mon écriture, peuvent désormais acheter ce premier ouvrage disponible sur 200 librairies en ligne. Le plus simple étant de cliquer sur le lien ci-joint, en bas (les éditions Loup gris). Le livre est un livre numérique disponible au prix de 3,99 euros. Vous pouvez le lire sur portable, liseuse numérique ou ordinateur (en installant un programme de lecture, de type "Calibre").

C'est un ouvrage très différent de ce que j'écris dans ma gazette: il s'agit d'un roman/ témoignage auto-biographique, peut-être pour certain(e)s, un éclairage possible sur leur propre chemin, son titre: "Je vous salue ma mère, Pleine de grâce". La couverture est illustrée par une jeune illustratrice talentueuse Mathilde Reboul, rencontrée lors de nos tournées. Son univers poétique et emprunt d'humour, parfois provocant ou même violent, rencontrait parfaitement le propos de cet ouvrage.

Si vous appréciez cet ouvrage, merci de diffuser le plus largement possible l'information, ainsi, vous soutiendrez cette confiance nécessaire à toute création et encouragerez mon travail d'écrivain.

http://www.editionsloupgris.fr/products/je-vous-salue-ma-mere-pleine-de-grace

lundi 12 janvier 2015

Une minute de silence ?!... Et à propos...Bonne année à tous!


J'avais hésité longuement sur le fait de participer ou non à la marche de dimanche, finalement, je décidai d'y être, espérant pouvoir pleurer avec les autres et me recueillir tout le long de cette marche qui devait nous rassembler, nous, humains, juste humains...

Je ne regrette pas d'y être allée avec mon petit stylo et mon petit carnet de notes (intégrés) car j'y relevai certains paradoxes qui allaient me permettre d'écrire ce nouvel article. Maheureusement, si mon amour de l'écriture allait être satisfait par une matière fraîche apportée sur un plateau, la citoyenne du monde que je suis, n'a pu trouver dans cette marche l'apaisement aux multiples inquiétudes qui la taraudent depuis maintenant des mois.

Voilà donc que dimanche je me rends le coeur lourd à la fameuse marche... Nous garons notre véhicule à environ un kilomètre du centre de Carcassonne, nous marchons pour rejoindre le lieu de rendez-vous collectif, place des Jacobins. Arrivée sur les lieux, je regarde, je lis les pancartes, je vois quelques drapeaux, quelques têtes voilées, d'autres chapeautées, d'autres chauves et sans protection, d'autres enturbanées... Une pancarte tenue par un individu à casquette attire particulièrement mon regard, elle mentionne : « Tous à poil pour Charlie! ». Je souris en retrouvant, dans la formule, un peu de cet esprit, de cet humour, et de ce second degré qui colorent la ligne éditoriale de Charlie Hebdo. Quand une dame d'environ 65 ans, juste derrière moi, et s'adressant à son compagnon, soupire indignée : « Oh lalalala!!!... Tous à poil pour Charlie... Quelle horreur ! Non, mais je te jure y'en a vraiment! ». Me retournant vers elle, je m'interroge : « La pauvre ! Elle a pas compris que personne ne lui demandait de se déhabiller sur le champ?... », ça y est mon esprit s'emballait, qu'est ce qui diable semblait l'offusquer à ce point ? Et mon esprit échaffaudait déjà des hypothèses : « Est-elle horrifiée à l'idée de s'imaginer nue au milieu de tous ces autres nus ? Peut-être encore n'a t'elle jamais prononcé les mots, « à poil », « cul », « bite », « couille », « nichon », ou moins vulgairement, le mot « nu » sans rougir ? Ou peut-être n'aime t'elle plus ce corps qui est le sien et qui viellit inéluctablement? Ou peut-être encore lui a t'on appris que tout ce qui touche au corps est forcément sale... » Bref, prise dans mon flot perpétuel de questions en tout genre, et concluant en moi-même que dans ce contexte pudibon, ben, ça allait pas être simple de répondre à la question « peut-on rire de tout? », elle coupa court par cette révélation soudain éclairée mais surprise: « Ah, oui ?!!!! Peut-être faut-il le prendre au deuxième degré ?» Je respirais, y'avait de l'espoir: si elle avait gagné le second degré, peut-être cela serait il accessible à tous un jour.

Après l'épisode du « tous à poil! », j'avais hâte que la foule se branle...Oup !... Pardon... je voulais dire s' ébranle. (Euh... Là, c'était donc du second degré!). A dire vrai, les bavardages incessants autour m'indisposaient, j'avais besoin de silence, juste une minute, mais du silence!...

Nous avancions en foule compacte et lente, nous nous arrêtions ça et là, fesant une pause, comme d'énormes brontausores ruminants ... (l'humanité était-elle vouée à une disparition certaine, nous n'en voulions sans doute rien savoir, puisqu'à la marche récente pour le climat nous n'étions que 100.000) puis nous applaudissions comme des abrutis sans savoir pourquoi. Mado me demanda pourquoi nous applaudissions. La foule était si nombreuse qu'il nous était impossible de percevoir ce qui se disait ou, même, ce qui se vivait au devant du cortège, ainsi, une vague d'applaudissements émergeait de temps à autre, et quand elle nous atteignait, nous applaudissions. « Devant » ça a applaudi, j'applaudis, « derrière » ils applaudiront. Pour le coup, je me sentais ridiculement conformiste et obéissais sans comprendre simplement comme pour dire : « je suis là, avec vous ».

Alors que, ruminante, j'avançais sans plus espérer la minute de silence (j'ai l'espoir court, ce qui m'aide souvent à m'ancrer dans la réalité...), un homme d'une quarantaine d'année se moquait derrière moi, une femme l'accompagnait qui riait fort, tendant l'oreille pour savoir le sujet de leurs moqueries si franches, je constatais consternée que le sujet de la raillerie c'était moi ! (C'était beaucoup moins drôle ! Au secours ! Où était donc mon second degré?). Là dessus, j'en étais sûre: la description moqueuse qu'ils fesaient de ma tenue vestimentaire ne laissait place à aucun doute. Pourtant, je vous le jure (et je précise avant qu'on ne me pète la gueule!) je ne portais aucun signes religieux, je n'avais même pas de bonnet, ma tête n'était pas couverte, enfin je n'avais sur la tête que mes cheveux... roux,...pitié ne me brûlez pas, je jure devant dieu... (merde là je m'enfonce!)... Enfin je jure n'être pas sorcière... Bon c'est vrai, j'avoue, je portais des vêtements clairs (trop clairs?), un pull en laine avec des poils longs (trop longs?), des chaussettes longues elle aussi (trop longues?) que je portais au-dessus (trop au-dessus?) du pantalon (trop long?), et à y réfléchir de plus près, je ressemblais un peu à « Choubaka » (je précise que la ressemblance était tout à fait fortuite et humble, car je ne voudrais pas que les adorateurs de « Star Wars » crient au blasphème et me pète la gueule à leur tour!). Blague à part, agacée par l'insistance de leurs moqueries, je finis par me retourner. Le moqueur essaya d'échapper à mon regard de tueuse (inutile d'appeller la police, comme tueuse je suis déjà fichée), mais comme mon regard est précis (des heures d'expériences en tir de précision), le moqueur ne put fuir, je lui indiquai ma pancarte collée sur mon sac « Sèm Charlie » (tr : nous sommes Charlie en Occitan) et par un geste je l'invitai à y réfléchir. L'incident clos et ma dignité retrouvée, je continuais à marcher, j'étais un peu « chipotée ». Je tentais d'apaiser mon ébranlement en méditant sur le sens du concept « liberté », pas très loin du concept de « tolérance », non loin du concept d' « amour », non loin du concept d' « égalité », lui-même proche de celui de « fraternité », non loin du concept d' « ouverture », et pas fort loin du concept de « laïcité », proche d'un concept plus récent : celui de "Charlie". Face à l'extrême complexité des différents concepts, et étant assez basique, je ne retins que cette chose simple et je tentai une sortie grâce à l'humour : « dans tout ces concepts ce qui frappe c'est le son « con » … Et, une chose est sûre, la connerie ne porte pas toujours de signes distinctifs, ça doit être pour ça qu'on se la prend si souvent sur le coin de la gueule ne l'ayant pas vue venir de loin! » Partant du constat qu'elle vient de loin, c'est à dire au-dehors par opposition au-dedans, je me dis qu'il serait sûrement utile d'habiller tout les cons du même costume, au moins, le costume offrirait l'avantage de préparer la défense. J' imaginais donc le costume de « Choubaka » (Pour les adorateurs de Star Wars, ceci est bien sûr un exemple, qu'ils n'y voient donc surtout pas une attaque personnelle).

Je continuai donc à marcher en n'espérant plus, mais en souhaitant, plus simplement, une minute de silence. (Ne pas confondre ici, le souhait et l'espérance : le souhait étant un présent que l'on offre à soi ou à l'autre, quand l'espoir, lui, nous déloge souvent du présent, en nous projettant dans un futur qu'on espère souvent « meilleur », meilleur étant aussi un concept). Je marchais donc, prête à m'offrir cette minute de silence, quand mes oreilles furent agressées (OUI ! AGRESSEES ! J'ai les oreilles extrêmement sensibles!) par des voix de femmes qui parlaient fort, très fort, en fait, en m'approchant de la source du bruit, elles criaient, à vrai dire, maintenant elles s'engueulaient et s'égosillaient, ça y est mon esprit s'emballait à nouveau : « Mais pourquoi elles crient, je veux du silence, bordel, c'est pas vrai, elles peuvent pas se retenir, juste aujourd'hui, juste une minute quoi, mais qu'est ce qu'elles ont? » Un type s'était approché, il essayait de calmer les femmes. Je m'arrêtai et j'observai la scène sidérée, atterrée. L'une des femmes, la soixantaine, petit carré court, jeans, pull et chaussures de marche invinctivait violemment les deux autres en hurlant:  « Mais enlevez moi ces foulards ! C'est un pays laïc ici ! Enlevez moi ces foulards c'est ridicule, quand allez vous cesser d'affirmer partout votre croyance, est ce que moi je porte une croix, c'est ridicule, c'est comme si tout les jours je sortais de chez moi avec un long vêtement et ma grosse croix dessus! ». Les deux femmes voilées... dans leur peine, tentaient d'expliquer qu'elles aussi étaient venues poussées par la peine et le désir de partager leur tristesse avec tout le peuple français. Le ton montait car l'autre n'entendait rien et continuait à hurler de plus belle ses principes de laïcité.

Moi, je formulais mon premier voeu de l'année nouvelle : « Je voudrais tant, juste, une minute de silence! »

En fin de compte, je rentrais chez moi vers 20H00, le coeur toujours aussi lourd, avec cette idée absurde mais ce vrai souhait pour tous, comme un présent possible : «  Au lieu d'imposer une minute de silence à laquelle on ne comprend rien, peut-être pourrait on s'offrir la possibilité d'expérimenter le vrai silence par un travail en méditation? » Ainsi pourrait- on vivre parfois quelques secondes de paix... intérieure.

Bon, j'avoue, j'ai dérapé une fois de plus : cette idée est une lamentable utopie, car, sachant à quel point « faire taire » son esprit quelques secondes pour en devenir le maître est un travail, sachant que souhaiter se conjugue au présent et que le présent est le cadeau, l'on ne pouvait jamais l'offrir en y ajoutant la formule : « Tiens ! J'te l'offre! Mais prends- le, prend- le j'te dis! » Et puis, le crayon sur la tempe, d'ajouter à la victime du cadeau: « Tu vas le prendre oui, ou je te pète ta gueule? »

Je tentais donc de faire silence en moi, quelques secondes... Et me trouvant seule et reliée... je retrouvais le sens de mes orgines, de mon humanité, je voyais mon voile, celui que j'ai toujours porté, un voile qui parfois cache mon obscurantisme, parfois il révèle ma conscience, ce jour là, ce voile était juste celui de mon indiscible douleur et ma douleur cachait un présent : la souffrance sombre et ravivée chaque fois que l'on tue et que l'on ne peut supporter la liberté... d'être, et en même temps cette certitude révélée, absolue et lumineuse, de l'infini privilège d'être de cette belle humanité.

jeudi 8 janvier 2015

Hé ? Snoopy ? Où est ton maître ?



 J'ai souvent pensé que pour comprendre les choses il fallait essayer de remonter aux origines... C'est ainsi que ce matin, interrogée et triste, une fois de plus, j'essayais de comprendre ce qui pouvait amener à commettre un acte aussi barbare que celui qui fût commis hier contre le journal « Charlie Hebdo ». Je ressentais comme un écho, une onde similaire, plus légère certes, mais de même nature que celle provoquée par les attentats du 11 septembre sur les deux tours. Je cherchai donc d'abord à comprendre ce qui, au juste, avait été visé. Et loin des réflexions primaires du type « bien fait pour les américains, ils ont bien mérité une bonne leçon, eux qui en donnent à tour de bras ! », ou encore « i ls l'avaient cherché, à Charlie hebdo, ils poussaient trop loin », restant à l'écoute de mon seul jugement, l'envie d'écrire me revint soudain, écrire comme on libère... Ainsi, les chiens stupides et fous sont tenus en laisse ou alors ils mordent et ils tuent, mais les chiens comme Snoopy sont libres parce qu' ils ont toujours un maître et il n'est jamais loin, il s'appelle Charlie... Charlie Brown.

 Car dans les deux événements il y a, chez moi, tout à la fois, l'effroi lié à la chose commise, mais aussi et bien plus, l'effroi lié aux amalgames, aux idées reçues, aux paroles violentes, qui foisonnent et fusent en tout sens après de tels événements... Mais sans doute aussi AVANT, et ça, nous devrions ne pas l'oublier. En fait, quotidiennement, nous pratiquons à merveille de petits actes de terrorisme au nom d'idées que nous trouvons forcément très justes et cela de manière violente et souvent peu consciente. C'est incroyable ce que la force de nos propres convictions (qui ne sont d'ailleurs souvent que le reflet de conditionnements adoptés soit en opposition, soit en accord avec l'extérieur) nous installe dans une légitimité guerrière et stigmatisante. Il est probable que si nous reconnaissions avec plus d'honnêteté nos parts d'ombres, nous pourrions ainsi éviter plus facilement de patauger lamentablement dans des zones troubles. Nous pourrions peut-être même retrouver une forme d'humour (moyen de mise à distance) que les dessinateurs de « Charlie hebdo » pratiquaient avec talent. Que l'on ne s'y trompe pas Charlie hebdo, dont le nom s'inspira du maître de Snoopy « Charlie Brown », avait bien les traits du personnage : une sorte de pessimiste en proie aux angoisses profondes mais qui au fond s'en sortait toujours grâce à son optimisme fondamental. Il s'agit bien là d'un personnage qui s'amuse en nous renvoyant avec humour à nos angoisses les plus ancrées.


 Franchement, est il possible de penser à nos paradoxes ? J'en ai connu qui venaient avec des mots comme « imposer », « éduquer », tout en m'expliquant sérieusement, qu'ils étaient « tolérants », « pas radicaux », « ouverts », pendant que moi je cherchais confusément mon nez de clown (intérieur), et que je riais du paradoxe si ouvertement révélé... J'en connais beaucoup qui ne sont "pas racistes mais"... C'est vrai que depuis les colonies, on s'est quand même un peu familiarisé avec les couleurs de peau... mais... y'en a qui boivent du coca, y'en a qui vont chez Mac Do, y'en a qui portent un foulard, y'en a qui ont un 4x4, y'en a toujours « un qui en somme ne pense pas comme moi »... Et comme j'ai l'habitude de le dire avec cynisme « c'est embêtant, tout ces gens qui pensent que, véritablement, je vous le dis, l'enfer c'est les autres, et même quand l'enfer c'est moi, c'est tellement plus facile d'être d'accord avec moi ! »

 Non vraiment, je ris de plus en plus chaque fois que dans ce pays j'entends prononcer le mot « liberté », car la liberté n'est jamais sans contrainte, la liberté ne donne pas le droit de commettre un crime, la liberté suppose un droit de réponse (égale), et personne n'a jamais tué avec un crayon ou une plume à la main (même Zemour !). Je suis résolument pour la « liberté », mais la liberté tout comme le bonheur suppose un travail, un travail constant sur soi, car elle n'est jamais acquise et elle passe toujours par le respect de soi et de l'autre. L'autre étant toujours la part que l'on croit étrangère à nous-même. (lire : la Part d'ombre d'Eric Emmanuel Schmitt). Certains bons penseurs un peu « fleur bleue » pourraient en apprendre beaucoup en lisant aussi « La loi du sang ou penser et agir comme un nazi », car ce qui tue véritablement ce ne sont pas nos idées parfois jolies (si,si!), mais c'est la force de nos croyances en ces idées qui ne laisse place à aucun doute. Cette absence de doute qui fait que l'autre devient cet étranger qui justifie que l'on pousse notre sacro-sainte liberté jusqu'à lui ôter sa liberté de vivre. La liberté suppose la confiance en soi et la vigilance de tout les instants car il est plus facile de déceler la bêtise dans une grosse ânerie mais quand la bêtise prend des allures de bonne santé, de paix et d'amour, et qu'elle à l'air de sentir bon, c'est beaucoup plus dur. Et je vous jure, que quand on fait le ménage chez soi, on en trouve plein des bonnes idées.

 Qu'y aurait il d'autre à éduquer si ce n'est nous même ? Qu'y a t' il de si beau dans cette hypocrisie et cette lâcheté qui consistent à vendre des armes, à aller faire des guerres, et tout cela au nom de la liberté ? Nous ne pourrions le faire au nom d'Allah, puisque nous clamons haut et fort notre laïcité !
Nous sommes bêtement victimes de notre innocence à nous auto-proclamer constamment libres, fraternels et égaux... Comment un tel aveuglement est- il possible ?

 Ne sommes nous pas tatoués de la marque de l'innocence et comme des chiens stupides ne rongeons-nous pas l'os que l'on nous jette, acceptant, dociles, le maître qui saura nous tenir à la laisse pour enfin nous sécuriser? Ou parfois encore, nous nous jetons aveuglément dans la masse pour mordre et attaquer mais nous nous éloignons toujours un peu plus de notre liberté...


 Ah ! Il était pourtant chouette Snoopy, c'était juste un chien certes, mais c'était un chien penseur et sans laisse, un chien libre car il avait choisi un maître libre. Un sacré bon maître ce Charlie Brown...Il ne craignait jamais d'exprimer ce qui dérange. Ce Charlie là n'est jamais loin...


 Alors c'est vrai, peut-être ont ils touché « Charlie hebdo », mais « Charlie » n'est d'aucun camp, c'est justement pour ça qu'il est libre. Il y a eu Charlie Chaplin et son « dictateur », il y a eu "Charlie Brown et Snoopy", il y a eu « Charlie Hebdo », il y aura toujours un « Charlie ». Hé ?! Snoopy, pourquoi tu pleures ?! Je crois que je viens de retrouver ton maître.