La note de l'écrivain

Le rêve c'est bien, mais la réalité est plus nuancée, plus complexe, terreau du meilleur parfois du pire. L'histoire humaine est jalonnée de rêves aux allures de cauchemars..

Le voyage que notre famille entreprend permet sans nul doute d'être témoins privilégiés de faits souvent ignorés ou mal évalués. Quand on vit, comme le plus grand nombre, abrité par quatre murs et un toit, on a parfois peur mais on suppose que le danger ne passera pas la porte, préférant regarder par la lorgnette (le petit écran) ce qui se passe au-dehors. Le danger n'est pourtant pas dans la réalité, mais dans le fait de ne pas vouloir la voir, où d' en nier une partie, car elle n'est ni bonne ni mauvaise, elle est ce qu'elle est.

Notre gazette s'invite dans vos boudoirs chaleureux, petit moment de pause, réflexions, idées, impulsions et initiatives pour que résolument attentifs, nous nous souvenions que notre humanité tient dans notre faculté à rêver et notre capacité à transformer nos rêves en réalité. Pour le meilleur et le meilleur!

lundi 11 novembre 2013

Installation pour l'hiver et bilan de notre saison 2013...

Voici une semaine que notre convoi est arrivé aux Toziels, le éco-hameau sur la commune de Rouvenac. Le temps pour nous de nous poser: de résoudre les problèmes d'approvisionnement en bois, de saluer tout le monde, d'évaluer notre situation financière, de faire des courses de première nécessité de résoudre quelques petits problèmes avec le voisinage, de résoudre les problèmes de lavage de notre linge (l'accès éventuel à une machine, n'ayant pas d'eau courante sur les Toziels et ayant trop de quantité à laver à la main), évaluer ensuite les multiples travaux nécessaires sur la nouvelle Caravette acquise récemment, apporter une solution rapide et efficace à l'absence de chauffage pour la Caravette, mettre à jour le site avec les dernières étapes de notre périple de l'été, et assurer bien sur, dans le même temps, toutes les tâches habituelles (instruction, ménage, et intendance), écouter, le soir venu souvent, les multiples problèmes de nos enfants... Et... Prendre le repos du guerrier... Celui-là n'a pas encore été pris!

Cela fait donc quelques jours que croisant l'un ou l'autre sur mon chemin et me demandant: "Alors? Bien installés?", je fais face à la question mais ma réponse tarde à venir. Je suis partagée entre la joie d'avoir pu retrouver certaines personnes appréciées et en même temps la confusion, l'agitation et la fatigue au nombre de choses à résoudre s'empare de moi et englue lamentablement dans la gadoue de mon esprit, ma bouche qui, elle, ne sait que répondre. Et oui! J'avais attendu ce moment du retour, j' avais fantasmé un retour reposant et ce fût en réalité un retour éprouvant et difficile.

Aux petits conflits et tensions avec le voisinage (qui ne sauraient tarder à se résoudre) sont venus s'ajouter des problèmes financiers (nous avons trop dépensé d'argent sur les deux derniers mois, pensant en avoir plus), ce n'est qu'en consultant nos comptes à notre retour que nous nous en sommes rendus compte, créant ainsi un trou dans notre budget qui aurait pu être évité si nous avions été plus assidus et attentifs ces deux derniers mois. Ce manque de vigilance est souvent lié à notre sur- activité lorsque nous voyageons. Il est difficile de maintenir les papiers, et les comptes en ordre à distance, alors que nous bougeons régulièrement. Nous avons du payer une contravention, (délit d'excès de vitesse pendant notre saison) en ayant reçu le courrier avec deux mois de retard, conséquence: Il faut payer, écrire une lettre de contestation pour éviter une amende majorée à 350 euros, ce n'est pas rien!

C'est alors que parfois découragés on se met à penser avec nostalgie à toutes les facilités qu'offre une vie de sédentaire, mais ça, on ne se sent pas en droit de l'exprimer car par expérience, toutes tentatives de faire des choix différents et autonomes se récompensent immédiatement par le sentiment de liberté qu'elles procurent, mais se payent souvent par l'impossibilité d'être juste entendu dans les moments plus lourds, et l'interlocuteur vous regarde en ajoutant: "Tu l'as voulu, tu l'as eu...", moins durement parfois: "C'est ton choix...", encore "Oui, mais ça doit être chouette de vivre en roulottes", aussi "Moi, je ne pourrais pas, je ne sais pas comment tu fais", "Oui, mais tu sais, ça fait rêver les gens...", quand ce n'est pas agressif (concernant souvent les enfants comme dans le cas de l'accouchement à domicile, l'instruction à domicile, la promiscuité de la vie en roulotte, le travail des enfants en saison) alors l'interlocuteur jetant le torchon: "Je ne comprends pas ces choix....", "Et les enfants est ce qu'ils vont bien?...", "Ne faites vous pas courir des risques aux enfants?", "Si il y a un accident, êtes vous suffisamment responsables...",... Bref, les choix singuliers nous poussent vers une autonomie plus grande mais souvent accentuent le sentiment de solitude. Dans les moments durs, la solitude est pesante et il faut alors chercher parfois loin, les ressources en nous-mêmes. C'est un peu comme si certains autres se réjouissaient de nos réussites, sans pouvoir toujours entendre les échecs ou plus simplement les difficultés, augmentant ainsi le sentiment de solitude et la nécessité pour nous d'être ou tout au moins paraître (cela est souvent suffisant pour calmer les peurs) complétement autonomes et responsables. (Ce que rarement l'on est).

Globalement notre saison s'est bien passée (restons positifs comme dit souvent Xavier), même si, l'absence de dates à certains moments a pénalisé notre comptabilité et altéré parfois notre bonne humeur (certaines dates prévues sont tombées faute d'investissement des personnes qui étaient censées introduire notre dossier auprès des mairies concernées, il va falloir être plus autonomes encore). Par contre, les solutions imaginées par Xavier ouvrent des possibilités de jouer au chapeau tout en gardant le cap budgétairement et cela va dans le sens d' une plus grande autonomie: plus besoin d'envisager le contrat comme seule solution viable budgétairement parlant. En outre, certaines pistes sérieuses en Aveyron, laissent présager des possibilités intéressantes pour notre saison prochaine. Artistiquement parlant, le spectacle continue à mûrir et il devient pour nous de plus en plus juste, le public, lui, est souvent conquis.

Le gros morceau qui arrive déjà (je ne pensais pas si tôt) est le souhait d'Ysaline d'intégrer une école en vue d'y préparer son brevet, puis un bac, avec bien sur, un programme d'étude ciblé sur la musique et la composition (elle souhaite faire un métier en tant qu'auteur-compositeur). Elle a beaucoup changé ces derniers temps, tout en restant fidèle à ses talents, et elle désire maintenant continuer son chemin, plus autonome et plus engagée seule dans ses choix.... "Magnifique!Mais il va nous falloir étudier cet hiver les possibilités pour toi, en internat de surcroît, le coût que cela implique pour nous, et les possibilités pour toi de venir nous rejoindre quand nous sommes en saison..." Pas simple. Nous avions tout juste acheté la petite Caravette, répondant rapidement à la nécessité de son intimité, nous étions entrain de tenter de résoudre les problèmes liés à l'absence de chauffage dans la Caravette, quand soudain elle nous annonçait son désir de partir.... Aïe, aïe, aïe, quelqu'un aurait-il le mode d'emploi, ou tout au moins l'ustensile qui permettrait de freiner la croissance rapide (parfois très rapide) de l'enfant devenu subitement jeune adulte. Et Mado (11 ans) de surenchérir: "Et moi? C'est quand que je pourrai avoir ma chambre? Est-ce que quand Ysaline ne sera pas là, je pourrai utiliser sa caravane?". AU SECOURS, c'est où qu'il est le bouton pause? Oh! Mon Dieu, qu' elle est déjà loin, très loin notre petite semaine de "vacances" à Portiragnes.

Bref une saison 2013 satisfaisante et prometteuse pour notre spectacle, un hiver qui s'annonce assez éprouvant, même si, l' accord des Toziels pour que nous restions durant tout l'hiver, va certainement nous aider au niveau de la gestion de notre fatigue. Voilà pour le bilan que je souhaitais rédiger depuis un certain temps déjà, sans en avoir la possibilité. Je vais pouvoir bientôt passer au chantier de la Caravette, je ne manquerai pas de joindre des photos, j'espère obtenir un résultat probant. 

dimanche 10 novembre 2013

Tressere dernière station avant le terminus...

Et voilà, nous y sommes arrivés sans encombre. L'accueil est parfait, Guillaume et Gérard viennent à notre rencontre, sourires, blagues et installation rapide du convoi sur la place des Oliviers nouvellement refaite.

Le village est joli et agréable. Nous monterons le chapiteau dès le lendemain, profitant d'une accalmie dans ces régions où les vents soufflent fort. Petit moment en terrasse avec le journaliste de l'Indépendant (Bernard) que j'apprécierai particulièrement. Bernard est motivé, curieux et attentif aux réponses (ce n'est pas toujours le cas des journalistes). Donc un moment de rencontre chouette sur la terrasse de l'épicerie du village.

Le monde sera venu nombreux grâce à la douceur des conditions météorologiques, il fait environ 27°, exceptionnel, alors que l'on est déjà fin octobre. Ne rencontrant aucun problème du côté du montage du chapiteau, j'irai couper des citrouilles avec Mado au cours d'une animation et avec les habitants mobilisés pour la fête.

Nous donnerons deux représentations de notre spectacle. La première sera catastrophique, le bruit de la fête est bien trop fort pour nous permettre de jouer dans des conditions acceptables. Xavier ira d'urgence en informer les organisateurs, qui mettront tout en œuvre pour nous préserver au maximum du bruit autour, lors de notre deuxième prévue à peine 90 minutes plus tard. La deuxième sera très bonne, "Ouf! Nous terminerons la saison sur une bonne impression...". Merci à toute l'équipe de Tresserre!

Déjà, la fête est finie, il nous faut démonter le chapiteau et prendre bientôt la route pour notre retour aux Toziels. Nous sommes contents de notre travail, et nous pensons avec bonheur aux amis que nous allons bientôt revoir et que nous avions quittés il y a déjà 6 mois... Je pense: "Il va me falloir écrire mes multiples articles en retard...". Dans le repos de notre installation aux Toziels, voilà, j'y viens.

La mer!!! La mer!!!

Quel bonheur d'entendre les enfants joyeux crier en sortant des véhicules: "La mer!!! La mer!!!". Dès le lendemain de l'installation de notre convoi, nous avons été sur la plage de Portiragnes passer un moment de détente avec nos enfants à moitié déshabillés fesant des sauts au-dessus des vagues. La température de l'air était d'environ 25°, et la douceur du vent balayait les soucis quotidiens et caressait  nos muscles fatigués.

Au bout du chemin, la côte de Portiragnes

Le matin même profitant du calme de la roulotte, je m'étais échappée à dix mètres avec ma tasse de café, et j'observais avec calme et immobilité, les grues venues se poser en face, le vent dans les roseaux, le calme des eaux tranquilles, les crabes venus me saluer (je suis cancer), avec sur les genoux ma petite Charlotte (le chat) venue me rejoindre pour ce moment de doux ronronnement. Le murmure du vent par vagues successives, et les vagues au loin murmurant au vent , les deux mélodies s'unissant en une douce berceuse harmonieuse. Pur bonheur!


Mes amis les crabes au petit matin
Le convoi avait dû être posé en rang d'oignon sur le bord de route car l'aire de stationnement gratuite non-loin n'accueillait pas les remorques et les caravanes (seuls les camping-car y sont tolérés pour deux nuits)... Nous ne savions pas combien de temps nous pourrions rester sur cet emplacement de fortune, mais à notre grande surprise, les policiers sont passés deux fois par jour, sans nous faire la moindre remarque. Nous sommes donc restés là quatre jours, profitant de la douceur du climat, de la joie des enfants et de la beauté des lieux... Repos tranquille avant notre dernier effort de la saison: les représentations du 24 et 25 octobre, prévues à la fête des sorcières en pays Catalan.

Le convoi commence à être impressionnant...

Je suis un p(n)eu crevée, mais l'Univers fait bien les choses...

Alors que heureux et sereins, nous nous dirigions vers Portiragnes, non loin de Perpignan et, situé en bord de mer, un incident de parcours vint contrecarrer nos plans.

Nous avions l'objectif de nous reposer quelques jours avant de prester notre dernier contrat de la saison à Tresserre, et nous avions choisi pour nous dépayser un peu et nous vider la tête de poser le convoi près de la mer. Les enfants étaient contents à cette idée, de plus, Mado allait fêter tout bientôt son 11 ème anniversaire dans la douceur probable de la région et la joie de sauter à chaque nouvelle vague.

Quand soudain, alors que je longe sur l'autoroute la bande de droite qui est en plein travaux, je sens mon véhicule légèrement mais brusquement déporté. "Cela doit être le vent", je regarde dans mon rétroviseur, constatant qu'il n'y a pas de vent, et je vois une épaisse fumée blanche s'échappant à l'arrière de mon véhicule tracteur.-"Merde! J'ai dû péter le moteur...". La fumée se dissipe et je constate immédiatement qu'un des pneus, de la caravane tout nouvellement acquise, vient d'exploser. Je roule sur la jante. Je m'arrête sur la bande d'arrêt d'urgence, et j'appelle Xavier à la rescousse. Celui-ci me dira plus tard qu'il venait de s'arrêter sur l'aire de stationnement juste après, car il avait senti une odeur de brûlé et voulait vérifier ses propres pneus (ce n'était là que l'odeur de fumée d'un feu que quelqu'un avait allumé dans un champ non loin de l'autoroute!). Xavier me rejoint en 4x4, et constate que notre cric ne fonctionne plus. Les ouvriers qui travaillaient sur la voie, m'ayant vu, se mobilisent pour nous, et fermeront la voie jusqu'à notre convoi, nous mettant ainsi immédiatement en sécurité (Merci Manu et ses collègues!). Ensuite, l'un d'eux nous escortera jusqu'à une petite aire à la sortie de l'autoroute (j'ai crevé à 200 mètres de la sortie). Il nous emmènera jusqu'au fournisseur de pneus le plus proche. Là, malheureusement nous apprendrons que les pneus de la Caravette sont rares et qu'il nous faudra les commander. Le garage qui les commandera est à quelques kilomètres dans la ville de Millau. Nous devrons donc patienter une petite semaine sur place.

Là dessus, Xavier téléphone à un des membres du conseil municipal de la Couvertoirade, devenu un ami, celui là même qui nous avait fait venir jouer durant l'été. Il se trouve qu'il est justement au Caylar, le village où nous sommes coincés, à une petite dizaine de kilomètres de la Couvertoirade. Dans les trois minutes Calou, notre ami, s'était déplacé pour nous, et nous organisait un séjour VIP, au parking de la Couvertoirade (eau à volonté, accès aux douches, électricité branchée par lui même en grimpant sur les murs des toilettes, et chauffage prêté par Jean-Yves un autre ami-commerçant pour palier aux grands froids des plateaux du Larzac).

Nous irons donc manger les crêpes merveilleuses au restaurant de Manu, nous bénéficierons de la machine à laver d'Armelle pour le linge, Ysaline n'aura pas froid grâce à Jean-Yves, nous irons revoir nos amis Jean-Yves et Karen les potiers pour un petit souper chez eux, et nous aurons l'occasion de recroiser Céline, Paulette, Richard et les autres, ce qui fit plaisir à tout le monde. Xavier et moi avons même pu nous promener, regarder les étoiles, et cela sans nos enfants, les sachant en sécurité aux roulottes. Des vrais petites vacances quoi!

L'Univers faisant toujours bien les choses, alors que nous étions, Xavier et moi, assez éprouvés par les semaines de travail et de difficultés rencontrées au cours des dernières semaines en Aveyron, voilà, que nous avions, grâce à la providence de cet incident heureux, une occasion inespérée de repos pour tout le monde. Ysaline, Mado, Gaspard, Erwenn, retrouvaient un peu de légèreté, et Xavier et moi, un peu de temps pour nous-mêmes. Le temps du repos, de la non-action, du recentrage, bref le temps où l'on inspire et l'on se gonfle les poumons de l'air nouveau et vivifiant du Larzac.

Nous sommes repartis regonflés et reposés, tout comme nos pneus neufs sur la Caravette, avec le sourire aux lèvres de nos amis, et nous avions même encore l'occasion de faire une courte halte à la mer... Dans le camion, je fredonnais en moi-même: "La mer qu'on voit danser le long des golfes clairs...


X comme dans Xavier XXL...

Comme nous attendions l’autorisation de jouer de la part de la Mairie de Villefranche et que nous avions compris que l’autorisation serait longue (trop longue) à venir. Xavier mit à profit cette période pour tester une idée qui lui tenait à cœur depuis longtemps…


Place Saint Jean à Villefranche, nous jouerons à côté de kiosque
Il mit au point une petite gazette, mélangeant des articles écrits par moi-même et des articles rédigés par des journalistes concernant notre troupe ou notre spectacle, en vue de la présentée aux divers commerçants de Villefranche. Cette idée devait nous permettre de démarcher les commerçants et les inviter à joindre à notre gazette une publicité de leurs commerces et ceci à bas coût. La gazette serait ensuite, après un travail de graphisme et de mise en page effectué par Xavier, distribuée à 2000 exemplaires au marché de Villefranche de Rouergue (par nous même en déambulatoire). L’objectif visé était de constituer une somme de base dont les bénéfices (tous frais réduits) assurerait à notre troupe un petit revenu de sécurité, et ensuite donner trois représentations de notre spectacle comme convenu et cela au chapeau. Ainsi les risques que nous prenions de jouer devant un public trop peu nombreux ou trop peu généreux seraient palier par ce petit « sponsoring » participatif des commerçants.

Place des Arcades en plein travaux : Certains commerçants sont mécontents

L’opération c’est avérée payante. D’une part 21 commerçants ont répondu à notre requête et ont ainsi publié une publicité jointe à notre gazette. Le bénéfice équivalait à 75% d’une représentation payée. De plus les commerçants s’étant impliqués, se sont mobilisés pour nous amener du public, ce qui pour nous « gens de passage », constitue une aide précieuse. En outre, cela a créé une synergie intéressante entre habitants (consommateurs), les artistes de passage que nous sommes créant une animation, et le soutien du commerce local (les petits commerces étant privilégiés dans notre démarche). Il y eut même des remerciements chaleureux et des rencontres authentiques, chargées parfois d’émotion avec certains de ces commerçants (je salue au passage les restaurateurs de « l’Anvers du décor » et le vendeur de chapeau « Happy tête », je remercie tous les autres de nous avoir soutenu). Nous aurons, in fine, joué la première devant 11 personnes, la seconde devant 50 personnes et enfin la troisième nous devrons refuser du monde : le chapiteau était rempli comme un œuf (90 personnes). Le public conquis et généreux: nous aurons donné trois représentations pour un prix équivalent à un peu plus de deux, sous contrat.


Bref, l’attente fût longue, mais payante. L’idée nous semblant bonne, nous espérons pouvoir la pratiquée en d’autres endroits lorsque nous jouerons au chapeau, nous permettant de jouer sous cette forme, certes autonome (liberté chérie) mais, toujours risquée sur un plan purement économique.

Certains ayant pris la peine de lire le titre de cet article et connaissant mon esprit parfois taquin, se seront peut-être dit que je voulais parler de l’embonpoint de Xavier. Je corrige d’emblée avant que celui-ci ne me tombe dessus, (il fait un peu moins de deux fois mon poids, c’est un peu lourd pour moi !), il ne s’agit pas d’embonpoint mais d’une musculature importante (surtout au niveau des abdos) car tout le monde le sait : Xavier n’est pas enveloppé, il est musclé, et il ne perd pas ses cheveux pour devenir « bêtement » chauve, il a juste le front large et intelligent. Rien de tout cela donc dans mon titre, juste l’occasion de dire publiquement que je suis fière (ayant plutôt été sceptique au début) de la portée de son idée, tant au niveau de sa réalisation, qu’au niveau de ses retombées heureuses pour nous et pour les commerçants venus nous remercier.

Et pendant que les uns bossent dur, les autres se prélassent avec délectation
Actuellement les temps sont durs et ils le sont certainement pour de plus en plus de gens. C’est pourquoi il est toujours important de dire à ceux que l’on aime et que l’on aime parfois par habitude, combien on est heureux de partager leurs réussites avec eux. Et même si la réussite est modeste, c’est une réussite méritée par un travail, un déterminisme (voir un entêtement) dont mon compagnon ne se départit que rarement. Je suis donc une femme XXS (entendez par là bien sûr : je suis extrêmement mince et svelte et non pas maigre) qui accompagne avec bonheur un homme XXL au front large et intelligent ! 

Xavier XXL en plein travail de communication.(On peut deviner la naissance de son front large et intelligent)

lundi 4 novembre 2013

Quand le mal est fait.


Certains auront sans doute remarqué l’absence soudaine de mon article, posté le mois dernier sur la Gazette (« Propriété quand tu nous tiens… »). S’il m’avait fallu cinq jours de réflexion pour le publier car il impliquait deux de mes amis proches, il me fallut à nouveau trois jours pour le retirer car j’avais estimé l’article intéressant, suffisamment en tout cas pour le rendre public. Mais voilà, la manière dont cet article avait été écrit impliquait de façon directe, sans doute trop, deux de mes amis, et à la lecture de celui-ci, j’apprenais (par ma fille) que mon article avait fait souffrir non seulement les personnes directement impliquées dans l’histoire (ça je m’en doutais), mais par l’effet « du battement d’ailes des papillons », il avait également fait souffrir à l’exponentielle des personnes proches mais pourtant extérieures au récit.

Si, concernant mes amis, j’avais pris la peine d’évaluer durant 5 jours les risques que je prenais en publiant un tel récit, je n’avais pas mesuré les conséquences éventuelles que pourrait avoir l’histoire sur les personnes autour non impliquées. Concernant mes amis, je m’étais dégagée du problème, en considérant que le mal étant fait, je ne pouvais en faire plus, je ne pouvais que tenter d’analyser, par la retranscription des faits, ce qui au juste avait tant fait souffrir Xavier et moi-même, et par là ouvrir aux autres (par la publication) une réflexion sur nos façons d’aimer, nos limites, nos incapacités, et nos enfermements (la propriété ou la non-propriété pouvant être vécues comme des enfermements). Je ne me suis plus préoccupée de la souffrance de mes amis puisqu’elle fût exprimée par leur malaise au travers leurs propos, de plus, j’avais compris que notre seul départ ajouté à notre désolation pourrait peut-être les soulager. Je pense que ce fût le cas.

Certaines personnes m’ayant fait part de leur perplexité quant au retrait de ce texte et jugeant "peut-être injuste" de l'enlever, il m’apparaissait important d’expliquer les raisons de ce retrait. Je reparlerai donc encore certainement des questions suscitées par cet épisode douloureux de notre aventure, car lorsque le nomade voyage il est régulièrement confrontés à ces choses là avec plus ou moins de difficultés mais son vécu particulier peut aussi se rencontrer dans tout trajet humain, les blessures liées à ces expériences sont souvent aigües. En voyage, il est simplement plus facile de s’en dégager car les personnes rencontrées sur un terrain de tension ou de conflit, sont généralement inconnues : On lève alors les yeux au ciel et l’on se dit en ricanant « quel con ! » (Le con étant rarement soi-même, mais que l’on se rassure l’autre con pense bien sûr la même chose de vous !) et cela est facile car le dit « con » est souvent juste croisé et n’a aucun lien avec vous. Ce ne fût donc pas simple pour Xavier et moi, car ici, il s’agissait d’amis et il fût dès lors difficile de préserver la sérénité pourtant si nécessaire pour continuer notre route tout en préservant les moments de belles amitiés que nous avions partagés par le passé avec ces amis dont, à présent, nous heurtions brutalement mais bien  involontairement  les limites (et cela était sans doute réciproque). Mon objectif n’étant absolument pas de rajouter de la souffrance par-dessus la souffrance sans toutefois nier cette « incommodante » quand je la sens, j’ai donc décidé d’enlever sous cette forme peut-être « trop personnelle » cet article, ne voulant pas prendre le risque qu’il ne soit reçu comme un simple déballage émotionnel (surtout pour les personnes non impliquées) et non pas comme une réflexion et une analyse tirées d’un vécu douloureux, ce qui est, en tout cas pour moi, très différent.

Les questions restant actuellement posées et ayant pour moi un intérêt sont les suivantes : Que peut- on dire ? Comment peut- on le dire ? Si j’avais écrit une fable dont les initiales auraient été Y. et X., mon article aurait- il été mieux reçu par les personnes impliquées ? Faut-il se taire lorsque l'autre est inconscient? Pourquoi la souffrance est- elle toujours si difficile à recevoir ou à dire ? Faut-il protéger l’autre de sa propre souffrance par des tentatives d’évitement ou de silence ou encore de jugement et d’agressivité ? Lorsque l’on protège l’autre, n’est ce pas une manœuvre de l’esprit pour se protéger soi ? De quoi veut- on se protéger, si ce n’est d’un sentiment coupable inconfortable ? La souffrance n’est-elle pas le signe d’une limitation sans que cela implique obligatoirement la notion de culpabilité ? Les difficultés d’expression de soi ne sont elles pas liées à de la culpabilité ? La culpabilité n’est- elle pas toujours une « parade » pour éviter nos zones d’ombres (l’inconscience) ? Est –il possible d’être Humain (limité à un corps) et pourtant aimer (c'est-à-dire élargir nos limites à l’autre) ? Nos limites à l'autre ne sont-elles pas parfois des limites à nous-mêmes? Est-il possible d'aimer sans pouvoir poser ses propres limites?

J'aurais encore sans aucun doute à apprendre à me taire comme dirait Y. (une personne proche de moi que j'aime beaucoup, ne cherchez pas à qui appartient l'initiale, cela engendrerait sans doute des problèmes!). Mais cela ne veut pas obligatoirement dire "la fermer", cela veut dire poser les questions, utiliser les mots les plus justes, ce sont sans doute les moins blessants, tout en apprenant si il y a souffrance, à observer cette dernière sans la juger. Cela suppose aussi de pouvoir rester en-dehors du champs de souffrance de l'autre, car ce qui est à l'autre est toujours hors de portée et c'est cela même qui constitue la beauté et la difficulté du "voyage relationnel". Bref, j'ai encore quelques bons milliers de kilomètres à faire concernant ce voyage là, mais cela tombe bien car il est le seul qui m’intéresse réellement.

Les questions sont posées et j’aime qu’elles restent sans réponse, à dire vrai plus je vieillis moins j’ai de réponses radicales. Plus la réalité me semble complexe plus la notion de ce que l’on appelle « vérité » me semble indéfinissable et intimement liée aux seuls individus. Toutes ces questions constituent le terreau dans lequel j’évolue, et malgré le fait de ne pas vouloir posséder les réponses, je trouve pourtant intéressant de les poser encore et encore, et sans relâche car je constate que lorsqu’on croit avoir les réponses sur ces questions là, les pires dérapages ou les plus médiocres affirmations sont lancées, créant ainsi le vent, qui à son tour crée la tempête. La tempête passée, l’on constate les dégâts, les abîmes, les fossés et l’on se dit encore une fois, toujours une fois de trop : « Le mal est fait ! ». Ce n’est pas grave, ce sont juste des dommages,… Dommage, oui… Il y a sans doute à mieux vivre, à mieux être et nul n’est épargné par le chemin, je trace donc ma route et je ne doute pas que tout ceux croisés sur mon chemin continuent la leur, je leurs souhaite le meilleur comme à moi-même, même si pourtant souvent dans la tempête, l'on pense avoir vraiment rencontré le pire. Je termine par cette ultime question: Ne dit-on pas s'aimer pour le meilleur et pour le pire? Je tente une réponse: On a sûrement essayé de s'aimer...

lundi 26 août 2013

Pause et retour...


Eh, oui !!! Le temps passe vite lorsqu’on voyage… Entre les trajets, les montages et démontages du théâtre, les rencontres, les petits pépins à résoudre, je trouve difficilement le temps de mettre à jour notre site.

Donc voilà, je m’étais arrêtée sur les hauteurs de Montségur en Ariège, ma plume suspendue en altitude. Depuis notre convoi est  redescendu dans la plaine pour rejoindre le bar à Blabla entre Toulouse et Castelnaudary, c’était il y a déjà un mois. Nous y avons joué deux représentations. Elles ont été chaleureusement applaudies, même si, malheureusement les spectateurs n’étaient qu’au nombre de 25. Défaut de communication ? Ralentissement des activités de l’association depuis un an ? Problèmes d’organisation au sein de l’équipe ? Nous ne saurons pas… Nous repartirons donc avec des sentiments mélangés : Déception et découragement d’avoir eu si peu de public et  joie d’avoir tout de même fait de belles rencontres (Claire et Blaise, Mathilde) le temps des repas partagés ensemble, nous avons aussi revu notre ami « Bouclette » passé par là pour l’occasion… Et puis déjà il faut se dire au-revoir et en route vers « Revel » au pied de la montagne noire, nous y resterons une dizaine de jour chez nos amis Mathieu et Marie- Aude, couple de circassiens rencontré à Spirale. Nous adoptons un petit chaton nommé « Charlotte » et rencontré au hasard sur la place du marché de Revel.  Nous passerons là quelques moments de calmes avant de prester notre contrat à Cap mômes dans l’Aveyron…

« Cap mômes » à Salmiech, que du Bonheur !!! Nous sommes accueillis chaleureusement par Régis et Cédric, le lieu est magnifique et au calme, la piscine communale va permettre à toute la petite famille de se baigner avant le montage et les représentations prévues. Nous avons le branchement à l’eau (je vais pouvoir faire tourner la machine à laver !), le branchement électrique, et le verre de l’amitié… Que demander de plus… Le public venu nombreux pour la manifestation, nous donnerons nos représentations devant des spectateurs conquis et rentrés au « chausse- pied » (jusqu’à 85 personnes environ), des programmateurs heureux de cette belle rencontre… Bref, un contrat presté avec succès et la promesse de renouveler le voyage vers Salmiech l’année prochaine ! Mais bon, le voyage nous appelle et nulle possibilité de se reposer sur les lauriers, il faut repartir… Destination « La Couvertoirade », cité médiévale entièrement restaurée, nichée sur les hauts plateaux du Larzac (Pays du roquefort  au Sud de l’Aveyron).

C’est un peu inquiets que nous arrivons sur les lieux, car la cité habituellement pleine en cette fin de mois de juillet, semble désertée par les touristes. Nous rencontrons les commerçants qui font majoritairement grise mine : Ils n’ont jamais vécu une saison si mauvaise, les seuls touristes présents rechignent à consommer, et malgré la météo à présent clémente, les petites rues sinueuses de la Couvertoirade semblent tristes et maussades…  L’esprit de crise économique envahi même les lieux les plus touristiques et les gens se laissent gagner peu à peu par l’amertume… Il ne va pas être aisé de ramener le public et encore moins de le convaincre de payer une billetterie. Car si nous bénéficions d’une situation privilégiée, dans un petit pré ombragé tout à côté de la cité, si nous avons le soutien d’une grande partie des commerçants, nous sommes seuls à assumer la communication (affichage dans les villages éloignés  alentours, communication et invitation pour les commerçants et habitants de la Couvertoirade) et tout cela en continuant bien entendu la gestion des repas au quotidien. Il est vrai que les grands- parents sont venus à la rescousse, prenant en charge les trois plus jeunes le temps de leurs vacances à Lodève (la ville non loin), ce qui permet à Xavier et moi-même de souffler un peu, n’ayant plus qu’Ysaline à charge les jours où nous ne jouons pas. Le jour de la première est arrivé… Nous jouerons gratuitement pour les commerçants et les habitants de la cité, en remerciement pour leur accueil. Cette première sera un succès, et nous laisse espérer un bénéfice direct par le soutien accru des commerçants.  Malheureusement la seconde représentation qui devait être financée par la billetterie devra être annulée : nous n’aurons que deux personnes… Xavier et moi décidons dans l’urgence de changer de stratégie et de fonctionner  « au chapeau »… Bingo ! Le public arrive et nous enchainerons 12 représentations avec une moyenne de 45 personnes. Nos chapeaux oscillent entre 100 euros et 350 euros… Nous arriverons au bout de trois semaines à un montant équivalent à un peu plus de quatre spectacles achetés. Pas mal au vue du peu de monde présent sur la cité. De plus des pistes semblent se dégager pour la saison prochaine, il est probable donc que nous aurons quelques possibilités de contrats en Aveyron. Les « au-revoir » sont difficiles car les trois semaines passées sur la cité ont fait naître de jolies graines d’amitié et nous devons quitter Karen et Jean- Philippe, Annick et Kaldi, Kalou et Armelle, Manu et Olivier, Anne et Youri, Medhi, Paulette, Jacques, Richard, Irène, et j’en oublie certainement…  Pressés par le temps, nous quittons à la hâte les grands parents, nous récupérons les enfants et nous nous mettons en route sans tarder vers Aurillac… Destination que nous pensons pleine de promesses de rencontres artistiques intéressantes et de chapeaux bien remplis…

Aurillacaca ! Nous voilà placés au lieu dit « Cap blanc », un lieu excentré à 1km du centre ville… Le public rare et parsemé ne viendra pas jusque là, préférant errer l’œil souvent hagard et la tête pleine d’informations dans un centre ville surchargé d’affiches et saturé de bruits… Il n’y a pas moins de 288 spectacles annoncés dans le catalogue officiel, sans compter les compagnies non inscrites dans le catalogue (payant) et tout les petits groupes venus proposer leur « travail » à l’arrache : Il y aura un homme réclamant ses sous après s’être mis nu et c’est tout, un homme poussant une chaise et puis rien, une statue vivante plus vivante que statue et en plus mal maquillée, il y aura un couple couché en travers de la voie (ah ! non, ceux-là sont juste bourrés), et pour nous il y aura la route de grand passage juste à côté de la roulotte, et donc, les pompiers, le Samu, les automobilistes excédés qui ne respectent pas les limitations de vitesse mais il est vrai que les organisateurs n’ont pas jugés nécessaire de poser des panneaux, les mamans qui hurlent parce que le gamin a failli se faire renverser, les parents venus déposer leur chéris sous le chapiteau et puis discutant fort, très FORT juste à côté pendant que nous essayons de jouer, les comédiens alentours rencontrés au petit matin et souvent déçus, les camions venus enlever les toilettes pendant le spectacle (vive l’odeur !), il y aura aussi l’absence cruelle de programmateurs sur les lieux (Ils n’ont pas dû trouver Cap Blanc ou mieux ils s’en foutent), les drogués et les bourrés du soir qui trouvent que nos coussins sont confortables pour faire un petit somme pendant que nous jouons (Xavier qui est un peu bigleux appellera une dame pendant le spectacle qui devra se tenir à lui sous peine de s’écrouler, il n’avait pas vu qu’elle n’était pas dans son état normal et pour cause elle se pique !), les spectacles trop proches programmés aux mêmes heures induisant des nuisances sonores pendant nos représentations, nos enfants qui ne comprennent rien à ce misérable public fait de drogués, de bourrés, de blasés, de fatigués, et de quelques réjouis parsemés sur les bancs de notre petit théâtre… Et point utile de lever les yeux au ciel, car de ce côté-là, pas d’étoiles (trop de nuisances lumineuses) et en plus, le bruit des hélicoptères qui ajoute au chao général la petite cerise sur le baba (je voulais dire caca). Quand nous nous rendons dans le centre ville pour y distribuer nos tracts, il faudra éviter les cacas, les pipis, les capotes usagées et convaincre des badauds à la triste figure qu’on peut encore venir rêver chez nous à côté de la roulotte… Toute cette ambiance de « Shopping spectacle », me fait penser au tableau de Jérôme Bosch où des humains fardés à l’excès se promènent agglutinés tels des ânes enfarinés au milieu d’une fête décadente où l’on tente d’oublier un quotidien définitivement dépourvu de la moindre parcelle de poésie. La poésie ? La poésie ? Me direz-vous ! Puisqu’ il n’y en a pas, regardons ce qu’il y a dans le chapeau… Une misère. Nous donnerons 4 représentations devant une moyenne de 30 personnes pour la somme moyenne de 50 euros / le spectacle… Bref tout aura été médiocre pour nous : Aucun résultat du côté de la communication, pas de programmateur, pas de grande rencontre avec un beau public, pas non plus de réjouissance au niveau de nos finances. Seule lueur légère au tableau nous aurons revu Olga et Thomas de « Spirale à Histoires », nous croiserons  Jo (petite bouffée d’air frais de Croux en Aude), et nous mangerons des frites de la baraque à frites à côté (on ne se refait pas !). C’est donc très motivés que nous démontons le chapiteau, nous finirons le travail à minuit et nous repartirons dès le lendemain matin sous la pluie, avec pour but l’ouest de l’Aveyron… Il était prévu de jouer à Saint Geniez et à Espalion, mais nous apprenons très tardivement que cela ne sera pas possible : la personne chargée de nous faire venir n’a pas eu le temps de s’occuper de ça ! Voilà qui achève de nous achever…

Nous voilà donc chez des amis, Geneviève et Philippe qui nous accueillent sur un bout de leur terrain, non loin de Villefranche de Rouergue. Xavier va tenter dans l’urgence d’organiser une série de représentations sur Villefranche avant que nous partions vers le sud fin octobre dans les Pyrénées Orientales pour le Festival des Sorcières à Tresserre (un contrat, ça va faire du bien au moral plutôt en berne pour le moment). Nous espérons donc que le travail de Xavier produira quelques possibilités de dates durant ce mois de septembre qui, voyant deux lieux annulés, s’annonce  morne comme une fin de vacances. Et ma plume restée longtemps en suspend s’écrase en un point final sous la lumière particulière et automnale du début  septembre.    

 

 

jeudi 4 juillet 2013

Séjour à Montségur


S’inquiétant de notre installation aux abords de Montségur en Ariège, nous téléphonons à la mairie qui ne semble toujours pas avoir réalisé que nous avions besoin d’un branchement électrique. Xavier assez irrité, se met donc rapidement en route, craignant de devoir tout bonnement annuler les représentations. Arrivé sur place, il constatera qu’un branchement est finalement possible, et il se remet en route vers Saverdun où le reste de la famille attend.  Nous aurions pu éviter un aller-retour jusqu’à Montségur…

Le trajet avec les roulottes se passera sans encombre, même si le 4x4 peinera un peu à la montée… Montségur est en effet perché à plus de 1000 mètres d’altitude. Arrivant sur place, je me rends compte que l’endroit est très isolé et qu’il ne sera donc pas facile d’amener le public jusque-là, de plus, la météo décidément très mauvaise ne présage pas de bonnes conditions de jeu.


Nous nous installons sommairement pour la fin de soirée, nous accueillons Pheobee (une amie à Ysaline venue nous rejoindre pour une dizaine de jours), et nous décidons de monter le chapiteau dès le lendemain. L’endroit est magnifique, un village logé dans un écrin de verdure et entouré par les montagnes. Surplombant le village, le château Cathare de Montségur, dernier poste de résistance Cathare  vaincu après près de 12 mois de siège. Si le temps le permet, nous irons visiter le château, guidés par Fabrice, dont on nous a vanté les qualités d’orateur…

Le vendredi soir arrive, et nous attendons le public, malheureusement malgré les affiches posées dans les villages alentours, les multiples passages avec le 4x4 pour annoncer le spectacle à l’aide de nos hauts parleurs, et les passages à la criée dans le village, nous devrons annuler, nous n’aurons qu’un couple venu de Savoie… Ils passeront la soirée avec nous et apaiseront un peu la frustration de n’avoir pas joué et la tristesse de se sentir bien seuls… Le lendemain samedi nous jouerons sous le soleil, devant 23 personnes… Le public est ravi et même si nous n’entrons toujours pas dans nos budgets, nous sommes heureux de pouvoir montrer notre travail. Le dimanche, nous craignons le pire car dès le matin la température est très basse (moins de 10 degrés) et une petite pluie fine s’est mise à tomber toute la journée, dans des conditions dignes d’un mois de Novembre, nous avions peu d’espoir de voir du monde se déplacer… Nous aurons, malgré tout, 30 personnes, encore trop peu pour que nous puissions souffler sur le plan financier, mais le bouche à oreille semble bien fonctionner autour du spectacle, ce qui est plutôt rassurant sur le plan artistique. Nous ferons la fameuse visite du château le seul jour clément, c’est-à-dire le samedi… Et la visite sera mémorable, nous assisterons au sauvetage en urgence et en hélicoptère d’une dame ayant fait un malaise sur le lieu… C’est là que l’on comprend mieux que le siège du château ait duré 12 mois : En effet le lieu est terriblement difficile d’accès et il s’avérait donc très difficile pour l’équipe de secours de redescendre par le seul sentier d’accès au château… Heureusement, plus de peur que de mal pour la dame, et pour Gaspard et Erwenn qui nous accompagnaient, un moment impressionnant de sauvetage dans des conditions extrêmes…

Nous repartons donc de Montségur, et nous quittons les amis, du « Bitropot » petite épicerie et lieu de restauration, venus partager le souper avec nous  la veille de notre départ, nous quittons aussi Christine, Jérome (forgeron) et leurs enfants qui occupent une maison à l’entrée du village et qui vivent de leur commerce de vente d’objets médiévaux… Nous devons nous rendre au Bar à bla bla, où nous sommes attendus pour jouer le week-end suivant. Nous entamons la descente vers Lavelanet, pour prendre la direction de Toulouse, le bar associatif se situe à 30 kilomètres de la ville rose.













Nous nous arrêterons sur l’aire de parking de Saverdun, pour éviter la fatigue et permettre à chacun de se coucher tôt, nous terminerons le peu de route le lendemain et mieux reposés après les excès de la veille au soir, nous avions été nous coucher à trois heures… Eh ! Oui, difficile parfois de se quitter…






 

dimanche 16 juin 2013

Bonnefoy, bilan mitigé


Aire de stationnement de Saverdun en Ariège

C’est profitant de ce dimanche ensoleillé, jour de repos pour notre petite troupe, et installée sur une aire de stationnement non loin de Saverdun, que j’écris ces quelques lignes sur nos prestations de vendredi 14 dans les jardins de Bonnefoy…




Si l’accueil le jeudi qui précédait a été chaleureux, notre installation et les manœuvres nécessaires se sont passées sans encombre, et nos prestations en duo « Dame Oiseau » et pour la pièce « Faut pas rêver ! » ont été applaudies de manière enthousiaste, nous gardons néanmoins Xavier et moi une impression mitigée assortie du sentiment que l’on aurait pu mieux faire…

En effet, plusieurs petits points d’ombres sont venus titiller nos exigences… Malgré le monde présent à la fête et la gratuité pour le public, nous ne remplirons pourtant pas le chapiteau, nous jouerons pour une jauge de 50 personnes (30 enfants et une vingtaine d’adultes). De plus, le bruit extrêmement envahissant aux abords directs du chapiteau représentait une gêne conséquente à la fois pour le confort de jeu mais aussi pour le confort du spectateur…

Notre installation dans les jardins de Bonnefoy

un hippocampe cracheur de feu de la compagnie Akouma

Les petites vieilles du parc prennent le frais sous la glycine
Nous y avons réfléchi et discuté le lendemain avec Ysaline, habituée maintenant à assumer seule l’entrée des spectateurs sous le chapiteau… C’est alors qu’Ysaline s’énerve et nous explique qu’elle ne souhaite plus jamais se voir « coller » quelqu’un qui essaye de faire le travail qui lui est assigné et qu’elle assume parfaitement bien… Elle relève les erreurs commises et Xavier et moi ne doutons plus des raisons malheureuses qui ont induit la situation : en effet, il n’est pas normal, que dans un tel contexte (public citadin, gratuité du spectacle, conditions météo idéales) nous n’ayons pas rempli le chapiteau.

Une personne de la mairie s’est mise en devoir de se poster devant le chapiteau pour donner des indications au public avant le spectacle : les indications ont été données de façon peu sympathique et Ysaline nous dira que 6 vieilles dames ont immédiatement rendu leurs tickets de spectacle pour s’éloigner et aller plutôt boire l’apéro ! De plus, le Contoir Déambulatoire informe toujours le public que le spectacle s’adresse à un public familial à partir de 8 ans, nous ne refusons donc jamais un parent qui aurait choisi en définitive de rentrer avec un enfant plus jeune… Ce n’était pas la vision de la fonctionnaire de mairie qui a refusé qu’un monsieur accompagné de ses deux enfants (4 et 6 ans) entre dans le chapiteau. Ysaline constatant le mécontentement de la personne lui a couru derrière en l’invitant à revenir, le monsieur lui a répondu sèchement « Non ! ». Les enfants présents en masse ont été véritablement « coachés », il leur a été donné une leçon sur la manière de se comporter dans un théâtre (on doit se taire et écouter), bref tout cela a fameusement contribué à casser l’ambiance. En outre, la mairie tenant absolument à distribuer des tickets avant la pièce, il ne nous était pas possible de partir à la criée afin d’attirer l’attention du public de façon ludique comme nous avons maintenant l’habitude de le faire… Combien de personnes avons nous perdues par manque d’intelligence et de générosité…Dommage…

Le parc s'illumine au soir venu...
Outre ce problème de gestion humaine et de relation maladroite avec les spectateurs, nous avons constaté que le public semblait mal informé sur les heures et la nature des activités proposées, quand je l’ai signalé aux responsables, il m’a été répondu que le public était très bien informé, pourtant :  l’affiche de l’événement a été faite sur un visuel de la Compagnie Akouma…(notre compagnie a donc été assimilée à Akouma). Les heures des différents spectacles n’étaient indiquées nulle part, et la gratuité des activités n’était pas indiquée non plus ! Conséquence plusieurs personnes sont venues nous voir après notre prestation pour nous demander quand est ce qu’on jouait… D’autres ne sont pas venues pensant que c’était payant, d’autres encore sont venues nous remercier pour la très jolie mise en lumière du parc, mérite qui revenait à la Compagnie Akouma, qui cela dit en passant, fait un excellent travail, très poétique…

le bassin s' allume de petits photophores...

L'hippocampe crache des feux de joie

Et la magie de la nuit opère sur le public conquis...



Bref, il est toujours délicat de devoir travailler avec du personnel peu enclin à l’exercice du contact avec le public, et souvent alourdi par des règlements internes et des tensions perceptibles liées au système très fonctionnarisé et hiérarchisé du milieu. Il fût très difficile pour moi de dialoguer avec les différents « responsables », ressentant immédiatement les désaccords entre eux, ou tout simplement leur incapacité à s’adapter aux réalités du spectacle par leur volonté à vouloir « contrôler » l’événement et les personnes payées pour créer la magie ! Ce manque de confiance évident crée un complexe d’autorité qui, dans ce cas ci, est immédiatement retombé sur le public… Certains « indignés » et heureusement qu’il y en a, sont partis immédiatement refusant d’être traités de manière « infantilisante », les enfants eux n’y ont vu que du feu, mais n’est t’il pas courant qu’on leur parle de cette manière.

Ysaline, n’a pas supporté cette intrusion dans ses responsabilités, sensible à la fois aux erreurs commises et à l’insupportable humiliation que peut représenter cette manière de parler…

Voilà donc un bilan, malgré un public conquis à nouveau, un bilan donc, en demi teinte et qui nous a rendu le démontage plus difficile… On nous avait promis quelqu’un pour nous aider, on n’a eu personne, ce n’est pas grave, on peut faire tout seul et on n’hésite pas à travailler 14 heures sans être payé ! Par contre une explication sur ce point aurait été plus correcte vis à vis de nous… Personne non plus pour venir nous saluer au moment de notre départ, sans doute, qu’étant payés, ne voyaient ils plus l’intérêt à venir nous saluer, surtout un samedi en-dehors des heures de bureau, décidemment tout est compté même le salut cordial !… Toutefois, je rends hommage à Philippe qui nous a aidé au montage dans la bonne humeur et aussi Mohamed qui a voulu prendre le temps de nous dire au-revoir de nous remercier et de nous communiquer cette chaleur authentique qu’il porte en lui, n’oubliant pas malgré son rôle de fonctionnaire, que l’on peut toujours « fonctionner » tout en ayant toujours à faire avec des humains et non des machines, voir des moutons !…

Prochaine étape : Monségur en Ariège, nous y jouons à la billetterie les, vendredi, samedi et dimanche prochains…

Dure, dure... La réalité de Steve et Laura



J’aurais voulu mettre le très joli cliché que j’avais pris de ces deux jeunes rencontrés au hasard dans les jardins de Bonnefoy à peine deux heures après notre arrivée… Mais une mauvaise manipulation de mon appareil photo (je ne suis pas des plus douée) a irrémédiablement effacé tout le fichier où étaient stockées mes photos… J’ai ragé, mais en tout cas, ils ne m’en voudront pas, car Laura m’a dit : « Une photo ? De nous ? Sur ton site ? Oh ! La, la, mais j’ai une vraie tête de plouc ! »… Moi, je ne trouvais pas ! Je les trouvais même plutôt mignons…

Nous venions de prendre le repas de midi et nous en étions au petit café, quand une mamy passant sa tête dans la roulotte en s’excusant nous interpelle : « Bonjour excusez-moi, est-ce que vous pourriez me renseigner un lieu d’hébergement d’urgence dans le quartier… » Et désignant un couple de jeunes, assis sur le banc tout à côté elle enchaîne : « Je les ai trouvé au Capitole, ils dorment depuis deux semaines dans la rue, je ne peux les héberger chez moi, j’ai de la famille, vous comprenez… Ils sont épuisés, je les ai nourris deux jours et j’essaye de leurs trouver un lieu d’hébergement, mais tous ceux que nous avons visités sont complets ou ne peuvent les accueillir, je suis une mamy-maman, je ne peux pas laisser deux jeunes dans la rue quand même, on ne devrait pas laisser les jeunes dans la rue, oh ! Mon dieu, je me dis que le monde est bien triste, personne ne veut les recueillir… ».

Je jette un coup d’œil rapide vers le banc, je salue le « couple » étrange, mes nouveaux voisins immédiats… Je réponds à la dame que je ne suis pas du quartier et de plus, j’habite dans mes roulottes, je ne vois pas très bien ce que je pourrais faire pour aider, je suggère de téléphoner au Samu pour peut-être avoir des informations susceptibles d’aider… Je me tais, je réfléchis. Xavier passe sa tête au-dehors et propose aux jeunes un thé ou un café, ravis mais fatigués, ils répondent : « Oui, un thé merci… ». Je leurs propose de venir s’asseoir avec nous à notre table, et une chaise pour la mamy qui les accompagne déterminée depuis tôt le matin et qui n’en peut plus d’avoir trop marché. Nous voilà tous à table, les enfants inquiets me regardent, ils ne comprennent pas bien ce qui se passe, sauf Ysaline qui tente d’élaborer des solutions… (Sacrée Ysaline !)

Je me lève et vais voir le gardien du parc : « Excusez-moi, je suis la dame qui occupe la roulotte, verriez-vous un inconvénient à ce que je loge ces deux jeunes à la rue, juste pour une nuit, ils sont épuisés, ils ont besoin de repos d’urgence, et, cet après-midi, mon chapiteau sera monté, il pourrait être un abris confortable pour eux, le temps d’une nuit. » Il répond en souriant : « Oh ! Mais oui, évidemment, pas de problème, mais allez quand même le signaler au personnel de mairie responsable de votre accueil… ». Confiante et naïve, je me rends dans le hall d’accueil de ce petit centre culturel de quartier pour aller signaler mon intention aux personnes responsables. Je me heurte immédiatement à un refus. J’insiste, je me porte responsable, ils sont loger chez moi, dans l’espace de mon chapiteau. En souriant, la personne me répond : « Oui, mais ton chapiteau et tes roulottes sont dans un parc qui appartient à la Mairie, vous êtes donc tous sous la responsabilité de la Mairie… C’est donc absolument impossible. » La personne ajoute, qu’une fois son repas terminé, elle viendra les voir aux roulottes. Je la remercie et regagne mon petit « chez moi » en me disant que moi aussi je ne suis plus jamais « chez moi » mais toujours chez les autres, car même cet espace « public » possède des gardiens, des barrières et un code d’accès, il est interdit d’y pénétrer la nuit, de se rafraîchir les pieds dans l’eau de cette fontaine qui occupe le centre du jardin…


Dépitée je fais part de la nouvelle aux deux jeunes, et j’ajoute que la dame de la Mairie viendra les voir pour leurs fournir des informations peut-être utiles… Nous prenons le thé en nous découvrant les uns les autres…

Laura a 19 ans, les cheveux longs et bouclés, la peau blanche parsemée de points de beauté, elle porte des lunettes, elle a le sourire timide et le regard désolé des gens qui ne veulent pas déranger, elle s’excuse d’être là. Steve a 18 ans, les cheveux châtains, un jeans prêté par un ami dans lequel il flotte à présent, (il a perdu 5 kilos en deux semaines), « le stress sans doute », il sourit plus facilement, il semble plus détendu que Laura. Je demande :

-« Comment vous vous êtes retrouvés dans cette situation ? »
-« On ne pouvait plus payer notre loyer, le propriétaire a changé la serrure sur la porte… »
-« Mais il ne peut pas faire ça sans vous informer au préalable… Vous devriez pouvoir récupérer vos affaires personnelles ! »
-« Oh ! Il les a sûrement mises à la poubelle nos affaires… Non, c’est fichu… »
-«Mais vous avez sûrement un recours contre lui… »
-« Ah, mais on a été voir les gendarmes, ils nous ont envoyé sur les roses, c’est pas leur problème qu’ils nous ont dit… »

J’enchaîne :

-« D’où venez- vous ? »
-« De Lavelanet en Ariège… Je pensais pouvoir trouver du travail à Toulouse, mais ça fait deux semaines que l’on cherche un hébergement ou un travail mais y’a rien ici, la ville c’est encore pire, j’arrive pas à dormir dans la rue, on nous agresse, alors je dors pas, avant j’avais mon chien, j’étais un peu rassurée, mais j’ai dû le donner à quelqu’un hier parce que je savais plus lui donner à mangé… Je me dis qu’elle est mieux là ou elle est… Steve il veille la nuit, on essaye de dormir un peu chacun à tour de rôle… Là, je sens que je pète un plomb, les heures avancent, et la nuit se rapproche, et la nuit j’ai peur, je supporte plus d’être dans la rue… »

Laura est la dernière qui a parlé elle regarde Steve avec un petit sourire désolé, elle enchaîne :

-« Steve il en chie aussi, mais il le montre pas, parce qu’il est pas émotif comme moi, mais il en chie aussi, moi je le sais, et puis il sait que moi ça va pas du tout, je deviens dingue, faut pas qu’on reste ici, y’a rien ici pour nous, faut qu’on parte, Steve il sent que moi ça va pas, alors il se retient, il montre rien… »

Claire (la dame de la Mairie) arrive, elle les salue, et leur donne deux trois indications, elle leurs demande s’ils sont majeurs. Peu après Nadia (de la Mairie) arrive à son tour, elle interroge les jeunes et leur demande d’où ils viennent, elle semble ne pas bien comprendre qu’ils ont dormi près du Capitole, et qu’ils sont arrivés à pied, Claire quant à elle, voit toutes ses indications refoulées par le « couple » qui précise avoir déjà effectué les démarches en ce sens sans que cela ne donne une réponse efficace et positive… Moi, je me rends compte qu’un dialogue de sourds s’installe, les responsables de Mairie insistent et je suis peu étonnée des propos de ces deux jeunes qui ne cessent de répéter que toutes ces pistes ne mènent à rien.


Il semble suffire aux uns de savoir que des structures existent pour croire que les problèmes seront réglés !... Et les autres tentent, fatigués et pour la énième fois, de faire entendre aux premiers que ces structures sont toutes complètes, ou que les procédures d’accueil rendent inaccessibles les lieux aux personnes ne répondant pas aux critères demandés (pas les papiers d’identité valides, pas un couple, célibataire et sans enfant…). Même le squat autogéré tout à côté, les aura refusés, car les membres militants de ce squat se définissent comme faisant partie d’un « groupe, ils se connaissent tous et leur action est définie comme politique ayant pour objectif de mettre la main sur des propriétés inoccupées, pur scandale pour les sans logement ». Alors là ! Je fulmine et je me dis : il est pas beau le paradoxe ?! (J’exècre la politique : j’ai toujours pensé que la politique était un bien piètre outil pour agir), mais veulent ils vraiment agir ? Et les buts poursuivis ne sont-ils pas forts différents ?

Après s’être reposés dans notre petite roulotte une partie de l’après-midi, ils ont décidé de prendre un train vers Narbonne, Ysaline leur a donné un peu d’argent (dont ils ne voulaient pas) pour acheter des tickets, ils sont repartis sous la pluie, couverts à peine de vestes de jogging blanches, les épaules rentrées avec l’espoir de se faire mieux aider à Narbonne… J’ai pris trois photos d’eux, on s’est embrassés, on a rit un peu, ils ont promis de nous donner des nouvelles et nous ont remercié chaleureusement, mais… de quoi au juste ? Faut-il aujourd’hui être remercié pour passer un peu de temps avec celui qui demande, faut-il des courbettes et des politesses pour se voir offrir un thé, et échanger quelques bons mots qui font sourire, faut-il remercier parce que l’on vous trouve joli à prendre en photo ?

Laura à une maman qui lui a proposé de revenir à la maison, mais sans Steve, Laura ne peut s’y résoudre, Laura n’a plus son papa… Steve lui, a une maman et un papa, mais il est en conflit grave avec ses parents (il ne me dira pas les raisons), il est donc à la rue depuis maintenant un an… Il possède une formation de coiffeur-maquilleur et espère pratiquer son métier un jour… Il est porteur d’une carte d’identité non valide… Laura a travaillé au « black » et possédait des aides de la caf qui lui ont été enlevées sur dénonciation d’un voisin car elle avait osé héberger Steve et l’avait fait passé pour son compagnon pour toucher des aides majorées, la Caf l’a sanctionnée, elle a perdu son emploi, ses aides, n’a plus pu payer son loyer, elle s’est retrouvée à la rue sans ses maigres affaires personnelles… Son dernier patron a fait faillite ne lui permettant plus d’avoir accès à ses anciennes fiches de paye, fiches de paye qui pourraient peut-être lui donner accès provisoirement à un RSA, le temps de se retrouver un peu… La suite, vous la connaissez, la rue, l’insécurité, l’incompréhension en face, la peur de devenir « un sans domicile de trente ans, un vieux débris alcoolique… » Laura dira ces mots en s’essuyant le nez sur sa manche, cherchant à soustraire à mon regard ses larmes. Quand on n’a plus rien à soi, il reste toujours ses larmes pour pleurer… Elle les a gardées précieusement pour elle, elle ne voulait m’offrir que le sourire et la beauté et la jeunesse et la force et la dignité… Toutes choses qui vous donnent une apparence  humaine.

Quand à moi, je suis si triste de voir la misère frapper de plein fouet deux si jeunes, cette société qui se prétend avancée mais qui semble incapable d’offrir une nuit de repos à ces jeunes, je suis écœurée par le militantisme égoïste qui palabre et ne fait rien squattant fièrement le bien d’un autre et se l’appropriant, je suis choquée que l’on ait pu me justifier un refus de les héberger en me renvoyant : « Que même pour moi, il n’était pas souhaitable de les accueillir, car tout de même… Je ne les connaissais pas ! ».

Ah ! Nous y voilà ! C’est donc cela, il faut avoir peur, cette peur immense mais absurde qui justifie toujours bien à point notre cruel manque d’imagination, cette peur qui apporte des excuses à nos manquements et qui maquille grossièrement nos zones d’ombres que l’on préfère laisser au placard… Cette peur atroce qui nous fait commettre le pire, comme dans ce très beau film que je regardais le soir même, « Liberté » de Tony Gadlif, qui évoque la tragédie du génocide des bohémiens lors de la seconde guerre mondiale, et qui faisait écho magnifiquement à ce que je vivais le jour même. Oui, décidément, les seules choses dont on n’ait pas peur dans ce monde sont sans doute les paradoxes : On aime beaucoup les mots « liberté » ou encore « égalité », ou mieux encore,  « fraternité »… Et pendant que l’on adore les mots, les choses et les êtres bougent, attendent, espèrent, vivent et meurent dans les pires souffrances parfois, mais pour certains la souffrance n’est qu’un mot de plus, un mot rangé soigneusement dans le placard de la conscience et qu’ils ne sortent à l’occasion que pour mieux palabrer sur… les autres ( sujet sans fin) voulant si peu regarder en eux-mêmes ! On préfère avoir peur, reléguant confortablement l'étrange, puis l'étranger, puis tous les étrangers, dans le continent de l'étranger en soi, ce continent sans cesse grandissant et que l'on ira jamais visiter...

mercredi 12 juin 2013

Une rencontre: Arnaud dit "bouclette"


Arnaud à l'entrée de son camion

Arrivée sur le parking de « La ramée », je remarque vite un camion qui a l’air habité, rangé le long de la bordure non loin de notre convoi… Je vais faire la connaissance de son occupant dès le lendemain.

Arnaud
Le jeune homme au teint brun, les yeux bruns, les cheveux rasés de près, m’accueille en souriant, je me présente et lui demande son prénom, il répond toujours avec ce sourire qui ne le quitte pas : « Arnaud, mais on m’appelle « bouclette », devant mon air sans doute étonné, il ajoute que le surnom lui vient de sa chevelure (avant qu’il ne se rase), que ses cheveux étaient drus et bouclés… » Les cheveux sont rasés, mais le surnom est resté ! Je pénètre dans le camion, l’espace est d’environ 7 mètres de long, sur une largeur d’un peu plus de 2 mètres, cela me semble gigantesque pour un homme seul, moi qui partage le même espace avec 5 autres personnes.

Arnaud a 31 ans, il a obtenu un bac technique dans le Génie Civil, il a ensuite été manœuvre sur des chantiers, durant cette période il a aussi été formé auprès des compagnons du devoir, il travaillera 3 ans dans le bâtiment, mais très vite il n’aime pas l’ambiance qui règne dans le milieu : mal parlé, machisme, et irrespect pour le personnel ouvrier. Il décide alors de se diriger vers les travaux publics ou il apprend le métier de poseur de canalisations, il devient alors chef d’équipe sous contrat intérim.
Face à l'entrée le plan de travail de la cuisine
A droite, l'espace salon: les banquettes en "u" autour de la table


Son amour du voyage le pousse à partir deux années au pays basque, il y exerce son métier et en même temps découvre le pays. Malheureusement, il devra cesser son activité, qu’il adore pourtant, car de sérieux problèmes aux poignets l’empêcheront d’envisager sa carrière sereinement dans un métier très physique mettant ses poignets à rude épreuve. C’est alors qu’il a l’idée de devenir chauffeur routier : grâce à sa propre volonté, quelques économies et le coup de pouce de ses parents, il passera le permis poids lourd, et à force de harcèlement il obtiendra le FIMO (autorisation payante d’exercer le métier de transporteur pour les entreprises). Depuis 2009 il est donc chauffeur routier intérim, cela satisfait pleinement ses envies de bouger. Il commence sur un camion de petite taille et fait des trajets relativement courts, depuis, il m’explique que cela fait 2 ans qu’il roule en semi et effectue des plus longues distances.

Quand ses périodes de travail sont terminées, il regagne son camion aménagé. Ses multiples compétences lui ont permis d’aménager ce camion acheté à un forain et ensuite remis en état grâce à ses bons soins. Au départ son habitat était plus modeste, et c’est ensuite qu’il a fait l’acquisition de ce camion plus spacieux… Il effectuera avec l’ancien camion à peu prêt 150000 km sur une période de 3 ans et demi, il séjournera en Italie, en Tchéquie, Slovaquie, Pologne, Autriche, Hongrie, Croatie, Espagne, Portugal et Maroc.

Quand je lui demande prudemment si il se sent heureux, il répond sans hésiter que oui ! Et c’est vrai qu’il a l’air d’un homme heureux… Quand je lui demande si il lui manque quelque chose, la réponse ne tarde pas : « Mes quelques vrais amis sont sédentaires, et donc je ne les vois que peu, dans les épreuves (il vient de perdre son grand-père et se rend fin de semaine aux obsèques) la solitude est parfois plus lourde ». Il ajoute avec un petit sourire que la vie de couple lui manque parfois, mais que son choix de vie ne facilite pas le fait de trouver une compagne.
A gauche de l'entrée, un espace douche

Au fond à gauche le lit


Voilà, je quitte Arnaud, chauffeur routier et dandy, (voir sa belle collection de chapeaux),  je prends quelques clichés de lui, de l’intérieur de son camion, et je le laisse travailler à la réparation des enduits du camion mettant à profit ses quelques jours de congé. Je le quitte en méditant cette phrase qu’il m’a donnée au hasard de notre échange : « Un homme meurt, une étoile est née, tu resteras présent à tout moment ». Les gens qui voyagent et qui choisissent la vie nomade, expérimentent au quotidien, quelque chose qu’il est plus difficile d’observer dans la vie sédentaire : le mouvement inhérent à chaque chose, à chaque être, ceux là s'en vont, d’autres arrivent, au-delà de ces mouvements, la vie, elle, continue vaillamment, sans se soucier du mot fin.

Demain, en route pour les jardins de Bonnefoy, et ça tombe bien, car nous venons d'avoir la visite cordiale mais non moins ferme des gardiens du parc et nous devons dégager... Eh! Oui, certains partent, d'autres arrivent, mais que l'on ne s'inquiète pas, nous ne laisserons aucune trace de notre passage... trop soucieux de laisser une Terre propre.