J'ai souvent pensé que pour comprendre
les choses il fallait essayer de remonter aux origines... C'est ainsi
que ce matin, interrogée et triste, une fois de plus, j'essayais de
comprendre ce qui pouvait amener à commettre un acte aussi barbare
que celui qui fût commis hier contre le journal « Charlie
Hebdo ». Je ressentais comme un écho, une onde similaire, plus
légère certes, mais de même nature que celle provoquée par les
attentats du 11 septembre sur les deux tours. Je cherchai donc
d'abord à comprendre ce qui, au juste, avait été visé. Et loin
des réflexions primaires du type « bien fait pour les
américains, ils ont bien mérité une bonne leçon, eux qui en
donnent à tour de bras ! », ou encore « i ls
l'avaient cherché, à Charlie hebdo, ils poussaient trop loin »,
restant à l'écoute de mon seul jugement, l'envie d'écrire me
revint soudain, écrire comme on libère... Ainsi, les chiens
stupides et fous sont tenus en laisse ou alors ils mordent et ils
tuent, mais les chiens comme Snoopy sont libres parce qu' ils ont
toujours un maître et il n'est jamais loin, il s'appelle Charlie...
Charlie Brown.
Car dans les deux événements il y a,
chez moi, tout à la fois, l'effroi lié à la chose commise, mais
aussi et bien plus, l'effroi lié aux amalgames, aux idées reçues,
aux paroles violentes, qui foisonnent et fusent en tout sens après
de tels événements... Mais sans doute aussi AVANT, et
ça, nous devrions ne pas l'oublier. En fait, quotidiennement, nous
pratiquons à merveille de petits actes de terrorisme au nom d'idées
que nous trouvons forcément très justes et cela de manière
violente et souvent peu consciente. C'est incroyable ce que la force
de nos propres convictions (qui ne sont d'ailleurs souvent que le
reflet de conditionnements adoptés soit en opposition, soit en
accord avec l'extérieur) nous installe dans une légitimité
guerrière et stigmatisante. Il est probable que si nous
reconnaissions avec plus d'honnêteté nos parts d'ombres, nous
pourrions ainsi éviter plus facilement de patauger lamentablement
dans des zones troubles. Nous pourrions peut-être même retrouver
une forme d'humour (moyen de mise à distance) que les dessinateurs
de « Charlie hebdo » pratiquaient avec talent. Que l'on
ne s'y trompe pas Charlie hebdo, dont le nom s'inspira du maître de
Snoopy « Charlie Brown », avait bien les traits du
personnage : une sorte de pessimiste en proie aux angoisses
profondes mais qui au fond s'en sortait toujours grâce à son
optimisme fondamental. Il s'agit bien là d'un personnage qui s'amuse
en nous renvoyant avec humour à nos angoisses les plus
ancrées.
Franchement, est il possible de penser
à nos paradoxes ? J'en ai connu qui venaient avec des mots comme
« imposer », « éduquer », tout en
m'expliquant sérieusement, qu'ils étaient « tolérants »,
« pas radicaux », « ouverts », pendant que
moi je cherchais confusément mon nez de clown (intérieur), et que je
riais du paradoxe si ouvertement révélé... J'en connais beaucoup
qui ne sont "pas racistes mais"... C'est vrai que depuis les colonies,
on s'est quand même un peu familiarisé avec les couleurs de peau... mais... y'en a qui boivent du coca, y'en a qui vont chez Mac Do, y'en a
qui portent un foulard, y'en a qui ont un 4x4, y'en a toujours « un
qui en somme ne pense pas comme moi »... Et comme j'ai
l'habitude de le dire avec cynisme « c'est embêtant, tout ces
gens qui pensent que, véritablement, je vous le dis, l'enfer c'est
les autres, et même quand l'enfer c'est moi, c'est tellement plus
facile d'être d'accord avec moi ! »
Non vraiment, je ris de plus en plus
chaque fois que dans ce pays j'entends prononcer le mot « liberté »,
car la liberté n'est jamais sans contrainte, la liberté ne donne
pas le droit de commettre un crime, la liberté suppose un droit de
réponse (égale), et personne n'a jamais tué avec un crayon ou une
plume à la main (même Zemour !). Je suis résolument pour la
« liberté », mais la liberté tout comme le bonheur
suppose un travail, un travail constant sur soi, car elle n'est
jamais acquise et elle passe toujours par le respect de soi et de
l'autre. L'autre étant toujours la part que l'on croit étrangère à
nous-même. (lire : la Part d'ombre d'Eric Emmanuel Schmitt).
Certains bons penseurs un peu « fleur bleue » pourraient
en apprendre beaucoup en lisant aussi « La loi du sang ou
penser et agir comme un nazi », car ce qui tue véritablement
ce ne sont pas nos idées parfois jolies (si,si!), mais c'est la
force de nos croyances en ces idées qui ne laisse place à aucun
doute. Cette absence de doute qui fait que l'autre devient cet étranger qui justifie que l'on pousse notre sacro-sainte liberté jusqu'à lui ôter sa liberté
de vivre. La liberté suppose la confiance en soi et la vigilance de
tout les instants car il est plus facile de déceler la bêtise dans
une grosse ânerie mais quand la bêtise prend des allures de bonne
santé, de paix et d'amour, et qu'elle à l'air de sentir bon, c'est
beaucoup plus dur. Et je vous jure, que quand on fait le ménage chez
soi, on en trouve plein des bonnes idées.
Qu'y aurait il d'autre à éduquer si
ce n'est nous même ? Qu'y a t' il de si beau dans cette
hypocrisie et cette lâcheté qui consistent à vendre des armes, à
aller faire des guerres, et tout cela au nom de la liberté ?
Nous ne pourrions le faire au nom d'Allah, puisque nous clamons haut
et fort notre laïcité !
Nous sommes bêtement victimes de notre
innocence à nous auto-proclamer constamment libres, fraternels et
égaux... Comment un tel aveuglement est-
il possible ?
Ne sommes nous pas tatoués de la marque de
l'innocence et comme des chiens stupides ne rongeons-nous pas l'os que l'on
nous jette, acceptant, dociles, le maître qui saura nous tenir à
la laisse pour enfin nous sécuriser? Ou parfois encore, nous
nous jetons aveuglément dans la masse pour mordre et attaquer mais nous
nous éloignons toujours un peu plus de notre liberté...
Ah ! Il était pourtant chouette
Snoopy, c'était juste un chien certes, mais c'était un chien
penseur et sans laisse, un chien libre car il avait choisi un maître
libre. Un sacré bon maître ce Charlie Brown...Il ne craignait
jamais d'exprimer ce qui dérange. Ce Charlie là n'est jamais
loin...
Alors c'est vrai, peut-être ont ils
touché « Charlie hebdo », mais « Charlie »
n'est d'aucun camp, c'est justement pour ça qu'il est libre. Il y a
eu Charlie Chaplin et son « dictateur », il y a eu "Charlie Brown et Snoopy", il y a eu « Charlie Hebdo », il
y aura toujours un « Charlie ». Hé ?! Snoopy,
pourquoi tu pleures ?! Je crois que je viens de retrouver ton
maître.
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